L’Iran a peu d’options pour venger les frappes en Syrie

Analyse: Bien qu’il profère depuis longtemps des menaces contre l’existence même d’Israël, l’Iran n’a pas de force aérienne moderne pour affronter Israël, et sa stratégie à long terme consistant à s’appuyer sur des groupes supplétifs alliés est également confrontée à ses limites. Sa capacité de lancement de missiles balistiques reste également un point d’interrogation, compte tenu du système de défense antimissile d’Israël, de la quasi-certitude des représailles israéliennes massives et du risque de s’aliéner encore davantage l’Occident.

Après une deuxième attaque israélienne présumée tuant aua moins 18 membres des forces iraniennes en Syrie, dont -vraisemblablement- un général, la République islamique a peu de moyens de riposter alors que ses dirigeants luttent contre les troubles intérieurs, la perspective de l’effondrement de son accord nucléaire à l’étranger, une chute sans fond de sa monnaie, à une valeur de 6.000 tomans pour un dollar, une crise environnementale potentiellement explosive, et de bien d’autres fléaux.

Bien qu’il ait longtemps menacé l’existence d’Israël, l’Iran n’a pas de force aérienne moderne pour affronter Israël. Le lancement de missiles balistiques reste également un point d’interrogation, compte tenu du système de défense antimissile israélien, de la quasi-certitude des représailles israéliennes massives et du risque de s’aliéner davantage l’Occident, alors que le président Donald Trump menace de retirer les États-Unis de l’accord atomique de 2015.

 

Quelles sont les options de l'Iran?  (Photo: Agence de presse Fars)

Quelles sont les options de l’Iran? (Photo: Agence de presse Fars)

 

Pendant ce temps, la stratégie à long terme de l’Iran consistant à s’appuyer sur des groupes supplétifs alliés se heurte également à des limites. Le Hezbollah, qui porte,  maintenant, les séquelles de la longue guerre syrienne, n’a peut-être pas suffisamment d’appétence pour un autre conflit, alors que le groupe terroriste chiite tente de s’intégrer davantage dans la politique libanaise locale [scrutin ce dimanche].

Voici un aperçu de ce qui est en train de se passer et des défis auxquels l’Iran est confronté alors qu’il soupèse sa réponse et réévalue ses option.

Les attaques

Le 9 avril, on présume qu’un ou des avions de combat israéliens a pris pour cible la base aérienne T4, en Syrie, dans la province centrale de Homs, quelques heures après une attaque présumée de gaz toxiques dans Douma, une ville syrienne tenue par les rebelles. Cette frappe a tué 14 personnes, dont au moins sept Iraniens, parmi eux le Colonel Deghan, responsable du programme de drones.

Dommages à la base T-4 en Syrie suite à la grève

Dommages impressionants sur la base T-4 en Syrie suite à la frappe

 

Dimanche, juste avant minuit, une autre attaque a frappé les avant-postes du gouvernement syrien plus au nord, dans les provinces de Hama et d’Alep. L’Observatoire syrien des droits de l’homme basé en Grande-Bretagne a déclaré que les frappes visant un dépôt d’armes contenant des missiles sol-sol appartenant aux milices iraniennes dans la province de Hama et une base militaire dans la province d’Alep. Elles auraient tué entre 26 et 46 membres forces pro-gouvernementales, dont 18 Iraniens recensés.

Les soupçons, pour ces deux attaques, ont immédiatement pesé sur Israël, qui, conformément à sa tradition, n’a ni confirmé ni nié avoir mené les frappes. Si les avions israéliens ont bien effectué ce dernier assaut, cela signifierait que les avions de combat israéliens du pays s’enfoncent de plus en plus profondément en territoire syrien, alors que Hama est à environ 180 kilomètres d’Israël et Alep encore plus loin.

Les limites militaires iraniennes

Alors que le guide suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, a qualifié l’attaque du 9 avril de «crime» et que d’autres fonctionnaires ont menacé de se venger, les forces militaires conventionnelles iraniennes connaissent des limites importantes.

La force aérienne iranienne, en particulier, a souffert, depuis la révolution islamique de 1979. L’épine dorsale de sa puissance aérienne demeure les F-4, F-5 et F-14 américains d’avant la révolution, avec un mélange d’autres avions soviétiques et français vieillissants. Cette flotte est dépassée par les avions de combat modernes fournis par les États-Unis et pilotés par Israël et les pays arabes du Golfe.

Les missiles balistiques iraniens présentés par le Premier ministre Netanyahu

Les missiles balistiques iraniens présentés par le Premier ministre Netanyahu

 

Pour contrer ces faits incontournables, l’Iran a consacré une grande partie de son argent au développement d’une force de missiles balistiques qui, selon lui, constitue un moyen de dissuasion défensive contre une attaque aérienne directe. La Garde révolutionnaire iranienne, une force paramilitaire intransigeante relevant uniquement de Khamenei, contrôle ces missiles balistiques, qui peuvent atteindre Israël.

Il y a un précédent récent pour l’Iran qui lance des missiles balistiques pour se venger d’attaques. En juin dernier, six missiles iraniens Zolfaghar ont visé des positions du groupes terroriste de l’État islamique en Syrie pour se venger d’une attaque revendiquée par l’EI contre le parlement iranien et le mausolée de Ruhollah Khomeini, le fondateur de la République islamique. Cependant, les médias israéliens, s’appuyant sur les images satellites, ont rapporté plus tard qu’un seul a atteint son objectif, ce qui a été réfuté par les Gardiens de la Révolution.

Israël, en coopération avec les États-Unis, a également mis au point un système de défense antimissile multicouche qui pourrait le protéger contre les tirs iraniens. Alors qu’aucune défense antimissile n’est parfaite, Israël pourrait largement se défendre. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui est depuis longtemps, un faucon sur la question de l’Iran, n’hésitera probablement pas à lancer une frappe de représailles massives.

L’accord nucléaire dans la balance

Une attaque de missiles contre Israël susciterait une réaction immédiate de l’Occident, en particulier des États-Unis, qui ont longtemps agi en tant que garants de la sécurité d’Israël. Trump l’a promis, en disant : « nous n’avons de meilleurs amis nulle part » qu’Israël et il déplace l’ambassade américaine à Jérusalem, ce qui a irrité les Palestiniens, qui revendiquent Jérusalem-Est comme capitale d’un futur Etat, ainsi que leurs partisans arabes.

Manifestations en Iran il y a environ un demi-an (Photo: Reuters)

Manifestations en Iran il y a environ six mois (Photo: Reuters)

 

Toute action militaire isolerait davantage l’Iran alors que Trump se voit imposer une date limite fixée au 12 mai pour décider ce qu’il faut faire de l’accord nucléaire de 2015 entre l’Iran et les puissances mondiales. Cet accord a permis à l’Iran de vendre du pétrole brut sur le marché international et de regagner l’accès aux banques du monde. Perdre cet accord pourrait signifier le retour de nouveaux problèmes économiques pour l’Iran, qui a déjà vu sa monnaie, le rial, former un cratère (s’effondrer) face au dollar américain.

Alors que les Iraniens moyens n’ont pas bénéficié directement de l’accord nucléaire, ils n’en ressentent que plus durement la crise monétaire. Les responsables du gouvernement iranien reconnaissent que la colère, couplée à des ressentiments qui couvent encore, après les manifestations à l’échelle nationale, qui ont balayé le pays en décembre et en janvier, et qui pourraient encore remettre en question leur domination. Cela pourrait augmenter avec une attaque directe contre Israël qui cafouillerait et s’attirerait des représailles économiques et militaires massives et un isolement diplomatique potentiel à l’Ouest.

Problèmes liés à l’emploi de supplétifs (mercenaires chiites)

L’Iran pourrait se rabattre sur ses alliés ou supplétifs djihadistes régionaux pour lancer une attaque, une stratégie qu’il a utilisée avec beaucoup de succès, après sa guerre ruineuse des années 1980 contre l’Irak. Après l’invasion américaine de 2003 qui a renversé Saddam Hussein, les Etats-Unis ont accusé l’Iran d’avoir entraîné des miliciens irakiens à construire des projectiles explosifs improvisés, qui ont pénétré sous des véhicules blindés pour mutiler et tuer des soldats. Téhéran a nié employer de tels moyens. Les nations occidentales et les experts de l’ONU affirment également que l’Iran a fourni des armes aux rebelles chiites Houtis qui détiennent actuellement la capitale yéménite, allant des armes légères aux missiles balistiques, ce que Téhéran nie également, malgré les preuves accablantes exposées devant l’ONU par l’ambassadrice américaine Nikki Haley.

Le Hezbollah occupé avec les élections au Liban (Photo: AP)

Le Hezbollah occupé par les élections au Liban (Photo: AP)

 

Le Hezbollah, le groupe terroriste libanais et l’organisation politique qui se vante d’avoir poussé les forces israéliennes à quitter le Liban en 2000, est la plus grande réussite de l’Iran. Depuis, le Hezbollah est resté un adversaire d’Israël et a mené une guerre contre lui en 2006. Les collines du Sud-Liban qui bordent Israël restent le bastion du Hezbollah.

L’Iran pourrait riposter par l’intermédiaire du Hezbollah, mais le groupe reste fortement éprouvé par les séquelles de son intervention dans la guerre syrienne. Soutenant le président syrien assiégé, Bachar Assad, la milice chiite a vu des milliers de ses combattants tués et blessés.

Le Hezbollah veut également s’intégrer davantage dans la politique libanaise locale pour développer l’emprise de l’Iran, alors que la nation vote dimanche pour un nouveau parlement. C’est la première fois en neuf ans. Le lancement d’une nouvelle guerre pourrait mettre en danger sa base de soutien politique, y compris peut-être au sein de sa circonscription chiite, qui se méfie d’une autre guerre ruineuse face à Israël.

Que va t-il se passer maintenant?

Pour l’instant, l’Iran continue de menacer Israël de représailles. Si ce n’est pas le cas, Israël pourrait se sentir encouragé à lancer des frappes encore plus profondes en Syrie pour éliminer les principales bases iraniennes, avant la fin de la guerre. Mais la poursuite des frappes risque d’aggraver l’escalade de toutes parts, le Hezbollah étant toujours lourdement armé, juste de l’autre côté de la frontière israélienne. Les réactions respectives de la Russie et des États-Unis à toute escalade reste également une question de taille.

Première publication: 05.02.18, 09:07

Associated Press | Publié: 05.02.18, 09:07
Adaptation : Marc Brzustowski

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Jeremie etsesjeremiades

C’est très simple : toute attaque depuis la Syrie doit entraîner une vengence sur la Syrie et sur le pays de l’attaquant .
Si l’Iran ou le hezbollah attaque une ville israélienne depuis la syrie , c’est damas qui devra payer pour commencer …
Dissuasion contre dissuasion …

ander

« Une attaque de missiles contre Israël susciterait une réaction immédiate de l’Occident »:

on peut en effet supposer que, pendant que l’ONU exhorterait Israel a la retenue, l’Europe, par la voix de la Mme Mogherini, n’attendrait pas pour condamner Israel.

Jge france reaara

Quand on dit , les occidentaux , il s agit des etats unis de trump et Israel .
Les autres , il suffit de suivre leur comportement a l encontre de l etat Juif ! C est glorieux , comme en 1940!

yacotito

Il ne faut jamais paraitre faible devant ces gens là: s’ils levent le petit doigt, il faut leur casser la main.
twist of fate: Israel est plus fort que la perse, l’histoire ne se repetera plus, AMEN !