Le Liban deviendra-t-il un autre avant-poste russe en Méditerranée?

La Russie montre une implication croissante au Liban et si cette présence est étendue à la dimension militaire, cela créera des difficultés pour la liberté d’action d’Israël.

Micky Aaronson. Photo: Smadar Kafri 

 

À la suite de la puissante explosion qui a détruit de grandes parties de Beyrouth, la Russie a été parmi les premiers à aider le Liban à transférer du matériel et du personnel médical. Cette réponse reflète l’implication croissante de la Russie au Liban, qui démontre les intérêts russes et la manière dont la Russie travaille pour les faire progresser.

L’intérêt de la Russie pour le Liban, pays aux six millions de ressources naturelles, provient  principalement de sa situation sur les rives de la Méditerranée. La Russie voit en Méditerranée – et surtout à l’Est – la continuation de la mer Noire: c’est sa route maritime, toute l’année, vers son espace stratégique au Moyen-Orient et en Europe du Sud. De plus, le voisinage avec la Syrie, dans lequel la Russie investit des ressources et des efforts, rend le Liban important aux yeux de Moscou.

La Russie opère conformément à la doctrine Grasimov (l’actuel chef d’état-major de la Russie), dont le principal trait est qu’en dehors et avant le recours à la force militaire, tout autre moyen, y compris économique, culturel, psychologique et diplomatique, doit être poursuivi afin d’atteindre des objectifs stratégiques. Il s’agit de mener une activité globale pour atteindre la meilleure base possible pour faire avancer ses objectifs, et Moscou n’est pas pressé d’intervenir militairement au Liban.

Comme beaucoup d’autres arènes, au Liban, la politique de Moscou reflète un «jeu à somme nulle» avec les États-Unis. Pour la Russie, Washington s’efforce de réduire sa présence et seule une absence américaine permettra l’autonomisation de la sphère d’influence de la Russie. Cette stratégie permet le retour des Américains, mais uniquement en saisissant une opportunité là où les États-Unis sont ceux qui décident, pour leurs  sur propres raisons, de réduire leur implication.

Par rapport à la Russie (qui fait face à des difficultés économiques en raison de la volatilité des prix de l’énergie et des sanctions à son encontre), le levier principal et presque exclusif des États-Unis vis-à-vis du Liban est l’aide économique, surtout compte tenu de l’état lamentable de l’économie libanaise. Si les États-Unis réduisent leur aide au Liban, On s’attend à ce qu’il s’affaiblisse considérablement et que le pays se tourne davantage vers les Russes et les Chinois, et l’Iran intensifiera également son implication, que ce soit via le Hezbollah ou directement. Dans le contexte des événements en Syrie, et étant donné qu’il n’est pas possible d’agir au Liban en ignorant la partie importante prise par le Hezbollah dans le pays, la Russie promeut un dialogue ouvert avec l’organisation en tant qu’interlocuteur légitime. Contrairement à de nombreux pays occidentaux, la Russie ne la considère pas comme une organisation terroriste mais, selon les termes de l’ambassadeur de Russie, une organisation qui lutte contre le terrorisme.

Ainsi, pour Israël, l’implication russe au Liban, parallèlement à l’affaiblissement de l’influence américaine dans le pays, pourrait renforcer le Hezbollah (en tant qu’allié de la Russie dans les combats en Syrie). Dans une situation de flambée entre Israël et le Hezbollah (ou avec l’Iran et le Hezbollah comme son émissaire), la Russie sera confrontée à un dilemme en fonction de son niveau d’implication au Liban en ce qui concerne la réponse aux événements, au-delà de la condamnation diplomatique. La Russie devra choisir dans quelle mesure elle souhaite se trouver dans une situation en face-à-face vis-à-vis d’Israël, ou encore vis-à-vis du Hezbollah.

Étant donné que la Russie peut être perçue comme un concurrent par le Hezbollah au Liban, l’intérêt russe ne chevauchera pas nécessairement celui du Hezbollah et de l’Iran et, par conséquent, cela peut être un atout pour Israël qui bénéficiera de l’engagement d’un «adulte responsable», comme en Syrie, avec qui il dialogue. D’autre part, une présence militaire russe au Liban (qui est actuellement évitée en raison de la résistance américaine) devrait servir de facteur restrictif que le Hezbollah devra prendre en compte, mais pourrait seconder les opérations israéliennes en empêchant ou limitant le transfert d’armes de l’Iran au Hezbollah. Il faudrait veiller à ne pas nuire à la main-d’œuvre et aux actifs russes au Liban, comme la contrainte s’imposer en Syrie.

Il est donc important d’intégrer la question libanaise dans le dialogue entre Israël et la Russie, et en même temps, d’approfondir la coordination avec les États-Unis sur cette question, et même avec des capitales comme Paris et Londres. Le Liban a désormais le statut d’État en faillite. L’explosion qui a détruit Beyrouth nécessitera l’aide de forces extérieures pour la réhabiliter, et Israël doit veiller à être informé et même agir pour faire ? avancer ses intérêts sécuritaires et économiques vis-à-vis de ces forces.

* L‘auteure a été chef de la Division de la politique étrangère du Conseil national de sécurité et est actuellement chercheur à l’Institut de Jérusalem pour la stratégie et la sécurité (JISS).

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ixiane

La RUSSIE est partout où l’ IRAN veut s’installer !!! On pourrait les croire amis tous les deux ! détrompez vous , il n’y a de place que pour 1 seul Maître : ce sera la RUSSIE ! et tant mieux , la France n’a que du bla bla et adopte la solution de facilité : le copinage avec le Hezbollah !!!!