Un médecin militaire israélien soigne un garçon népalais à l'hôpital de campagne israélien de Katmandou, le 30 avril 2015. (Crédit : AFP/Menachem Kahana)
L’organisation mondiale de la Santé pense à donner son meilleur classement aux équipes de médecine urgentiste d’Israël. Ce serait la première fois qu’un pays obtient une telle distinction

Les hôpitaux de campagne israéliens qui sont régulièrement envoyés dans les zones touchées par les catastrophes pour fournir de l’aide humanitaire – ce qui permet aussi à l’Etat juif d’engranger les quelques rares “bons points” qui lui sont accordés à l’international – pourraient bientôt obtenir la meilleure note au classement de l’Organisation mondiale de la Santé, ce qui serait une première pour un pays.

En 2013, l’OMS de l’ONU a établi une liste de critères pour classer les équipes médicales étrangères intervenant lors des catastrophes soudaines sur une échelle de un à trois. Jusqu’à présent, aucun pays n’a reçu la meilleure note et « seuls une poignée d’entre eux dans le monde pourrait seulement y songer », selon l’auteur du système de classification, le docteur Ian Norton.

Le mois dernier, une délégation de l’OMS est arrivée en Israël pour évaluer l’hôpital de campagne du corps médical de Tsahal, une structure tentaculaire formée de 26 tentes, au cours d’un exercice à grande échelle qui s’est déroulé dans le nord d’Israël pour déterminer si le pays serait le premier parmi tous les autres à obtenir un score de “Type 3,” a expliqué le lieutenant-colonel et docteur Ofer Merin, commandant de l’hôpital de campagne, au Times of Israel.

L’hôpital de campagne n’est “pas seulement quelques médecins et docteurs répartis sur le terrain”, mais bien un “trésor national” qui offre les capacités d’un hôpital permanent doté d’une technologie avancée mais qui peut être dressé presque partout dans le monde en moins de 12 heures, a indiqué Merin.

Les formations israéliennes de secours et d’assistance envoyées en cas de catastrophes – certaines d’entre elles ont été conduites par Merin – ont été parmi les premières et les plus importantes à arriver sur la scène des catastrophes naturelles. Des équipes du corps médical de Tsahal et du Commandement du Front Intérieur ont offert leurs soins et leurs services médicaux après le tremblement de terre en Turquie en 1999, après le séisme en Haiti en 2010, après le typhon qui a balayé les Philippines en 2013 et plus récemment, après le séisme survenu au Népal en 2015.

Une classification de Type 3 viendrait renforcer la position d’Israël en tant que leader mondial dans la médecine d’urgence et prouverait aux amis comme aux contempteurs du pays le savoir-faire de l’Etat juif en termes de gestion des catastrophes.

La classification pourrait aussi permettre à Jérusalem de continuer à figurer parmi les premiers en ligne pour répondre aux catastrophes dans le futur, une position que savourent les diplomates et autres politiciens, qui évoquent les reproches de « nettoyage de décombres », les opposant à l’amélioration de l’image israélienne à l’international grâce aux efforts du pays en matière d’aide humanitaire face aux catastrophes.

Aider d’autres pays dans le besoin est “la forme la plus efficace de diplomatie”, avait ainsi indiqué en 2015 le ministre des Affaires étrangères d’alors, Avigdor Libermann, après l’envoi par Israël d’une équipe au Népal. « Dans l’élaboration de l’image d’un pays, rien n’est plus important que de fournir de l’aide. »

Toutefois, les diplomates insistent sur le fait que ces initiatives sont majoritairement altruistes.

“Si nous envoyons de l’aide à Haïti, aux Philippines et au Népal, nous ne cherchons pas manifestement à récolter de grands profits diplomatiques de la part de ces pays, que je devrais être en mesure de ne pas qualifier de superpuissances », avait déclaré un ancien haut diplomate en 2015, répondant à une question portant sur le commentaire de Liberman.

Un hôpital de campagne de 26 tentes mis en place par l’armée israélienne pendant un exercice à Beit Naballah, dans le centre d’Israël, le 9 décembre 2013. (Crédit : unité des porte-paroles de l’armée israélienne)
Un hôpital de campagne de 26 tentes mis en place par l’armée israélienne pendant un exercice à Beit Naballah, dans le centre d’Israël, le 9 décembre 2013. (Crédit : unité des porte-paroles de l’armée israélienne)

Dans le sillage de sa visite en Israël, Norton, qui faisait partie de la délégation de l’Organisation mondiale de la Santé, a corroboré les fiers propos tenus par Merin et salué l’hôpital de campagne lui-même et l’exercice d’immersion qui y a été conduit.

“Nous avons vu une partie de la structure, seulement six tentes sur les 26, mais même ces six tentes nous ont impressionnés”, a expliqué Norton au Times of Israel au cours d’un entretien téléphonique depuis le siège de l’OMS à Genève.

La décision finale concernant la qualification d’Israël ne sera connue que le mois prochain, mais selon Norton, il apparaît qu’Israël a une bonne chance de recevoir sa note de « Type 3 ».

“Je suis très confiant dans le fait qu’Israël fera un bon travail et saura réussir ce processus”, a indiqué Norton, se référant à la grande expérience acquise par Israël dans les efforts d’aide humanitaire en cas de catastrophes naturelles internationales.

“Mais l’évaluation collégiale aura lieu les 8 et 9 novembre, l’annonce ne sera faite qu’à ce moment-là. Avec un peu de chance, l’équipe israélienne sera en mesure de bénéficier du label de « qualité assurée » ou de «classifiée » et elle en portera le badge sur son épaule », a-t-il indiqué.

Merin, qui dans la vie civile est directeur de l’unité de traumatologie au sein du centre médical Shaare Zedek de Jérusalem, a néanmoins pris le soin de ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.

“Je dirais que nous sommes en passe d’être reconnus par l’OMS, mais pas que nous sommes encore accrédités de cette façon. Ce ne sera le cas que lorsque nous le serons vraiment”, a-t-il confié au Time of Israel.

Ce processus de reconnaissance peut s’étendre de trois mois à une année entière, et demande des efforts considérables de la part de l’équipe évaluée, ce qui explique en partie la retenue de Merin face à toute réjouissance prématurée.

“J’ai moi-même passé des centaines d’heures dans ce processus”, a expliqué Merin.

Le Dr. Ofer Merin, commandant des Hôpitaux de campagne du Corps médical de l’armée israélienne, et directeur du centre de traumatismes de l’hôpital Shaare Zedek de Jérusalem, le 11 octobre 2015. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)
Le Dr. Ofer Merin, commandant des Hôpitaux de campagne du Corps médical de l’armée israélienne, et directeur du centre de traumatismes de l’hôpital Shaare Zedek de Jérusalem, le 11 octobre 2015. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Pendant de nombreuses années, il n’y a pas eu de système internationalement reconnu de catégorisation des équipes intervenant en cas d’urgence – elles pouvaient opérer indépendamment ou avoir besoin de l’assistance du gouvernement local afin de fonctionner, selon la variété de leurs services, etc… L’ensemble de ces informations peuvent toutefois s’avérer cruciales dans une situation de catastrophe.

Ainsi, les personnels des secours doivent savoir où ils peuvent recevoir des patients. Les gouvernements locaux, lorsqu’ils décident quelles équipes peuvent entrer dans le cadre des efforts de l’aide apportée, doivent savoir quels hôpitaux de campagne étrangers sont entièrement auto-suffisants et quels sont ceux qui ont besoin de ressources comme du carburant, de l’oxygène et des médicaments qui sont souvent rares dans ce genre de contexte.

[Ces hôpitaux] ne peuvent être un fardeau de plus sur le pays qui a été touché. Dans le passé, les équipes arrivaient sans équipement et les autorités locales devaient les surveiller ; nous avons trouvé cela inapproprié », a indiqué Norton.

Spécialiste de la médecine urgentiste et ancien chef de son équipe australienne d’intervention d’urgence en cas de catastrophe, Norton a rejoint l’OMS en 2013. La même année, lui et un autre groupe d’experts ont développé le système de qualification de l’OMS, qui répartira les formations médicales étrangères d’urgence en trois catégories : Type 1, Type 2 et Type 3.

Le Dr Ian Norton, de l’Organisation mondiale de la santé, participe à un effort de sauvetage australien aux Philippines après un typhon sur l’île en 2013. (Crédit : Gemma Haines/Département australien des Affaires étrangères et des Echanges commerciaux/Wikimedia
Le Dr Ian Norton, de l’Organisation mondiale de la santé, participe à un effort de sauvetage australien aux Philippines après un typhon sur l’île en 2013. (Crédit : Gemma Haines/Département australien des Affaires étrangères et des Echanges commerciaux/Wikimedia

Le document détaillant les exigences de ces classifications compte environ 91 pages, mais, pour résumer, les Types sont classés par ordre croissant selon certains critères : le nombre de patients pouvant être soignés et le niveau de difficulté des procédures offertes.

Une équipe médicale de Type 1 peut offrir les premiers secours et d’autres soins d’urgence immédiate sur une base ambulatoire, ce qui signifie que les victimes ne peuvent rester au sein de l’hôpital pendant une longue période de temps ; une formation de Type 2 présente au moins 20 lits pour accueillir des patients hospitalisés et peut faire 7-15 chirurgies par jour ; et l’équipe de Type 3 peut recueillir deux fois ce nombre de lits et de patients, possède une unité de soins intensifs et peut réaliser 15 à 30 chirurgies par jour, ainsi que fournir une vaste gamme d’autres services, dont la rééducation.

L’hôpital de campagne israélien dépasse de loin une partie de ces exigences mêmes : Un hôpital de campagne de Type 3 doit accueillir 40 lits en vue d’éventuelles hospitalisations, Israël en a 86. Alors qu’une classification de Type 3 impose deux salles d’opération, Israël en a quatre.

Deux médecins militaires israéliens réalisent une « chirurgie » pendant un exercice d’hôpital de campagne à Beit Naballah, dans le centre d’Israël, le 9 décembre 2013. (Crédit : unité des porte-paroles de l’armée israélienne)
Deux médecins militaires israéliens réalisent une « chirurgie » pendant un exercice d’hôpital de campagne à Beit Naballah, dans le centre d’Israël, le 9 décembre 2013. (Crédit : unité des porte-paroles de l’armée israélienne)

Toutefois, certains aspects de la classification ne dépendent pas simplement du nombre et de la qualité des spécialistes répartis sur le terrain ou de la dose d’oxygène que la structure peut produire par minute, a déclaré Norton.

Les procédures d’opération quelles qu’elles soient doivent être écrites et formalisées – depuis la manière dont sont vaccinés les personnels médicaux au problème de stockage des médicaments en passant par la livraison à l’étranger de l’ensemble des équipements.

Ces procédures écrites devront alors être revues par trois équipes gouvernementales étrangères afin qu’Israël soit “pleinement classifié”, a indiqué Norton.

“Nous leur demandons également de se conformer aux principes d’une équipe médicale d’urgence, ce qui veut dire qu’ils devront se comporter de manière éthique sur le terrain, et qu’ils soigneront tout le monde, indépendamment de sa race, de sa couleur ou de sa foi. Ils seront tenus de participer à l’effort coordonné et combiné visant ce qu’il y a de mieux pour la population affectée par la catastrophe”, a-t-il ajouté.

Deux médecins militaires israéliens réalisent une « chirurgie » pendant un exercice d’hôpital de campagne dans le nord d’Israël, en septembre 2016. (Crédit : unité des porte-paroles de l’armée israélienne)
Deux médecins militaires israéliens réalisent une « chirurgie » pendant un exercice d’hôpital de campagne dans le nord d’Israël, en septembre 2016. (Crédit : unité des porte-paroles de l’armée israélienne)

Pour garantir que l’équipe de Tsahal saura suivre ces principes, a poursuivi Norton, “nous voyons comment les équipes sont formées mais nous demandons également au directeur-général et au chirurgien chef une signature au nom de l’organisation attestant qu’ils feront tous de leur mieux pour se conformer aux exigences”.

Mais à un certain niveau, l’approbation de l’OMS n’est qu’un “coup de tampon” attestant d’un fait établi, a-t-il expliqué. Par exemple, tout au long de notre conversation, Norton s’est référé à l’hôpital de campagne d’Israël comme étant de Type 3, même s’il n’a pas encore formellement reçu le titre.

Israël a été la sixième formation médicale à être évaluée par l’OMS jusqu’à présent. Les formations russe, chinoise et japonaise ont d’ores et déjà été examinées, et une équipe australienne est actuellement passée en revue aux côtés d’Israël.

Quelque 75 équipes du monde entier, de tailles variées se sont portées volontaires à une évaluation et environ 125 autres pourraient suivre ce mouvement à l’avenir, a indiqué Norton.

Néanmoins, parmi elles, la majorité relève de classification de Type 1 et de Type 2.

“Nous n’avons pas en fait d’autres hôpitaux de Type 3 qui soient actuellement passés en revue”, a dit Norton.

Seuls des hôpitaux issus d’une collaboration pan-européenne et une équipe chinoise pourraient éventuellement prétendre à cette note dans un futur proche, a-t-il poursuivi.

Les soldats israéliens établissent un hôpital de campagne avec l’armée népalaise, au Népal, à la suite du tremblement de terre meurtrier, le 29 avril 2015. (Crédit : unité des porte-paroles de l’armée israélienne)
Les soldats israéliens établissent un hôpital de campagne avec l’armée népalaise, au Népal, à la suite du tremblement de terre meurtrier, le 29 avril 2015. (Crédit : unité des porte-paroles de l’armée israélienne)

Si Israël obtient sa certification, en plus de devenir la seule formation de Type 3 dans le monde, le pays sera également le seul doté d’une “composante militaire” reconnue par l’OMS.

“Alors Israël, et ce pays seul, pourra s’enorgueillir de ces deux exceptions”, a déclaré Norton.

Au–delà du simple symbole pour Tsahal , la classification de Type 3 aurait de vraies conséquences au niveau mondial.

Si Israël reçoit cette désignation, le pays bénéficiera d’un “accès préférentiel en cas de catastrophes naturelles à l’avenir”, a indiqué Norton

Le concept d’ ”accès préférentiel” aux catastrophes peut sembler étonnant. Toutefois, lors du séisme survenu en Haïti, en 2010, des groupes humanitaires étaient arrivés avec un personnel médical qui n’était pas formé ni approvisionné correctement. Cette aide s’était avérée pour le gouvernement local un fardeau plus qu’une aubaine véritable dans les efforts de secours, a expliqué Norton.

L’équipe médicale de la délégation israélienne soignent les victimes du typhon Haiyan aux Philippines, le 20 novembre 2013. (Crédit : Twitter/unité des porte-paroles de l’armée israélienne)
L’équipe médicale de la délégation israélienne soignent les victimes du typhon Haiyan aux Philippines, le 20 novembre 2013. (Crédit : Twitter/unité des porte-paroles de l’armée israélienne)

Face à cela, certains pays envisagent de déclarer que seules les équipes reconnues et contrôlées seront autorisées à se joindre aux travaux de secours afin d’éviter la répétition de telles situations, a ajouté Norton.

Pour Merin, malgré tout, cette impréparation n’est pas seulement un problème en cas de catastrophe survenant sur un site étranger, mais représente une plus grande menace encore si les formations d’urgence se trouvaient non préparées à réagir si d’aventure une catastrophe devait toucher Israël.

“J’ai vu des dizaines d’hôpitaux de campagnes de différents pays. Il y a quelque chose d’unique dans nos capacités, celles de se rendre rapidement sur les sites et d’être indépendant. Et dans notre vision globale, c’est essentiel », atteste-t-il.

Une désignation de Type 3 ne serait donc pas seulement la preuve qu’Israël est capable de venir en aide à d’autres pays en cas d’urgence, mais aussi que l’Etat juif sera en mesure d’intervenir sur son propre territoire si une catastrophe devait survenir.

Times of Israël 

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