L’état d’Israël n’est pas né de la Shoah

 L’historien Georges Bensoussan démontrait lors d’une conférence récente à Tel-Aviv que l’idée reçue selon laquelle la compassion de l’Occident après la Shoah aurait facilité la création de l’État d’Israël est une fiction.

Il rappelle qu’après soixante ans de sionisme, des bataillons entiers de jeunes allaient faire l’ossature du futur État juif, mais au lieu de cela sont partis en fumée dans les camps de la mort. Les mouvements sionistes en Europe comptaient près d’un million de membres. Des dizaines de milliers de jeunes gens s’initiant à l’agriculture en vue de l’Alyah [2] furent empêchés de rallier la Palestine, et ensuite exterminés.

Yehuda Bauer

Pour l’historien Yehuda Bauer également, le lien entre Shoah et l’État d’Israël est un mythe.  Il avance la thèse que la Shoah a même manqué de peu d’empêcher la création de l’État. Il estime, tout comme Bensoussan, que la fable d’un État concédé aux Juifs en compensation de la Shoah est un non-sens. Il y avait en Europe de l’Est des millions de Juifs dont un tiers vivaient sous le seuil de pauvreté, qui auraient immigré en Palestine si les frontières n’avaient été verrouillées.

Après avoir vérifié les archives des échanges entre États qui s’apprêtaient à voter à l’ONU le partage de la Palestine, Bauer relève qu’il n’est jamais question de Shoah. Les plus fervents soutiens à l’ONU du Yichouv mettaient en évidence les réalisations des pionniers juifs en Palestine et leur droit à l’indépendance, mais jamais ils n’invoquaient la Shoah. Pour comprendre l’absence de lien entre l’État d’Israël et la Shoah il est nécessaire de revoir la chronologie de l’épopée sioniste :

Déclaration Balfour

À la suite du démantèlement de l’empire ottoman, la Palestine est placée sous Mandat britannique en 1923 par la Société des Nations, conformément à la résolution de la conférence de San Remo [4]. Ce Mandat a pour objectif la mise en place d’un foyer national juif tel que défini par la déclaration Balfour [5] de 1917.

En 1936 une révolte arabe exige l’abolition du Mandat britannique et la création d’un État pour mettre fin à l’immigration juive.   Les notables de la révolte, dont le Grand Mufti de Jérusalem, pactisent avec Hitler et font alliance avec l’Allemagne nazie. En 1937 une Commission d’enquête britannique présidée par Lord Peel [6] recommande que la Palestine soit partagée en deux États, l’un arabe et l’autre juif. Des modérés du Yichouv sont tentés d’accepter, mais du côté arabe personne n’ose se prononcer en faveur du projet. Quelque temps plus tard une nouvelle Commission venue de Londres y met fin.

En 1939, les Britanniques prévoient une autodétermination de la Palestine sous dix ans. Ils décident de limiter l’immigration des Juifs de manière drastique, ce qui les amènerait à être minoritaires dans un éventuel État arabe. Cette position est rejetée par le Yichouv [7], qui la considère comme une violation de la déclaration Balfour. En plus les Britanniques décident de limiter l’immigration juive de manière drastique alors que la menace nazie se précise. L’Irgoun [8] réagit en déclenchant une vague d’attentats antibritanniques, mais celle-ci est interrompue par le début de la Seconde Guerre mondiale.

En 1944 l’Irgoun reprend sa campagne d’attentats. La Haganah [9] et le Palmah [10] mènent de leur côté une lutte armée contre l’administration et les soldats britanniques. Le ministre-résident anglais, Lord Moyne, est assassiné. Les autorités britanniques lancent en juin 1946 l’opération «Agatha», également connue sous le nom de «Samedi Noir». Les soldats et la police britannique procèdent à l’arrestation de milliers de Juifs et saisissent des armes. Le Lehi et l’Irgoun intensifient leurs attaques pour venger l’opération, et font sauter l’hôtel King David, centre de l’administration britannique à Jérusalem.

Lord Moyne

Les Britanniques sont démunis face à cette violence. Devant leur incapacité à concilier Arabes et Juifs, et confronté aux pertes militaires, le ministre des Affaires Étrangères britannique Bevin annonce à l’ONU en février 1947 qu’il met fin au Mandat sur la Palestine et donne instruction à ses troupes de l’évacuer dans les meilleurs délais. Le Yichouv, ayant réussi à chasser les Britanniques, choisit le moment opportun pour déclarer l’indépendance qui n’est alors plus qu’une question tactique.

L’UNSCOP est une commission de l’ONU chargée en juillet 1947 d’étudier sur place les causes du conflit et de préparer un plan de partage de la Palestine. Au moment où ses membres sillonnent le pays, le Mossad [11] organise en juillet 1947 une opération consistant à embarquer 4.500 réfugiés sur un bateau baptisé «Exodus» à destination de la Palestine. Le but du Mossad consiste à faire impression sur l’UNSCOP. Une fois arrivé dans les eaux territoriales, le bateau est arraisonné et les membres de L’UNSCOP assistent au pénible spectacle du transbordement des passagers à bout de forces à qui l’on refuse l’accès à la Terre Promise.  Ils sont transférés à Chypre dans des conditions déplorables.  Quelques mois plus tard, ils reviendront en Palestine avec des visas en bonne et due forme.

En novembre 1947, l’Assemblée générale de l’ONU vote un plan de partage de la Palestine visant à aboutir à la création d’un État juif et d’un État arabe après le départ des Britanniques. Les Juifs acceptent, mais les Arabes refusent. La première guerre israélo-arabe a commencé. Le 14 mai 1948 les derniers Britanniques quittent la Palestine et l’État Israël déclare son indépendance. Le lendemain éclate la première guerre israélo-arabe. Près d’un an plus tard, des armistices sont signés un à un à Rhodes avec les différentes parties, mais les lignes du cessez-le-feu ne sont définies qu’à des fins militaires et ne constituent de frontières permanentes pour aucun des belligérants.

Il faut comprendre dans cette tragédie que le Mandat britannique n’avait jamais eu d’autre objectif que celui de gouverner la Palestine jusqu’à ce qu’elle fût en mesure de le faire elle-même. Comme les institutions de l’État juif étaient en place quand les Britanniques ont plié bagage, Israël aurait proclamé son indépendance dans tous les cas de figure, avec ou sans l’aval de l’ONU, avec ou sans l’aval des Arabes. L’État d’Israël n’est donc pas la conséquence de la Shoah. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que le fait qu’une nouvelle Shoah soit devenue impensable est lié à la naissance l’Etat d’Israël.

Source : benillouche.blogspot.com  Par Daniel HOROWITZ

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andre

A Marco: vous avez bien sur raison. Mais, dans le monde actuel, il me paraitrait preferable de mettre l’accent, plus que sur les origines anciennes et forcement discutees, honnetement ou non, d’Israel, sur ce que le pays moderne d’Israel apporte au monde. Dans les domaines de la sante, de la recherche medicale ou scientifique, du traitement de l’eau, de l’agriculture, de l’aide dans ces secteurs a de nombreux pays (dont certains ne reconnaissent Israel que du bout des levres), Israel apporte plus, si on le ramene a sa population, que n’importe quel autre pays au monde. Qu’une nation « merite » son pays ne devrait-il dependre que de l’etat des conquetes territoriales a un instant arbitraire (disons, a la fin de l’expansion arabe) des periodes parmi les plus sanguinaires de l’histoire ? je pense que ce point n’est pas assez souvent souleve.

Marco 22

Je comprends votre point de vue, André. De toute façon, la recréation d’Israël s’est faite dans les règles. Les Juifs ont racheté les terres fin 19 ème, début 20 ème siècle; grâce et surtout au Baron Edmond de Rothschild et Théodor Herzl. Ainsi, les paroles du prophète Jérémie se sont réalisées: « On achètera des champs dans ce pays dont vous dites: c’est un désert, sans hommes, ni bêtes… » Jér 32.43

Ce peuple est revenu sur sa terre ancestrale; ils se sont multipliés, ils ont travaillé cette terre et l’ont fructifiée. Ainsi, les prophéties de Moïse se sont réalisées aussi ( Dev ou Deut 30.1-10 )

Pour finir, cet Etat s’est construit avec l’aval de l’ONU en 1947. Que dire de plus ?

Schlemihl

Les terres ont été achetées beaucoup plus avec les tirelires du KKL qu’avec les dons du Baron Edmond de Rothschild. En fait le mouvement sioniste a été dès le début dans les pires problèmes de trésorerie.

Marco 22

Bonjour Schlemihl,

Merci pour votre intervention et j’espère que vous allez bien.

Passez une bonne soirée,

andre

Il est tres irritant de lire constamment qu’Israel fut cree par l’ONU en 1947. Il n’en est evidemment rien. Israel fut cree par le travail et le sacrifice de ses pionniers, depuis les annees 1880. Le role de l’ONU se borna a reconnaitre, dans des conditions ou elle ne pouvait plus faire autrement, l’existence de ce pays comme entite independante, dane les limites minimales qu’elle reussit a imposer.

Marco 22

Je me permettrai de dire cher André, qu’Israël fut créé en – 1400 AV JC avec l’établissement des Hébreux sur cette terre et avec Josué à la tête de ce peuple. Le don de cette terre est une promesse faite à Abraham et à sa descendance par l’Eternel ( cf Gen 17.8 ).

Même s’il est vrai que les Israélites ont subi des massacres et des expulsions au 1 er et 2 ème siècle par l’envahisseur romain; les Juifs ont toujours été présents sur cette terre.

Je dirai par conséquent, que 1947, est la recréation de l’Etat d’Israël et non sa création !