Suite à la décision du Président Trump de se retirer de l’accord nucléaire signé avec l’Iran et de rétablir des sanctions, les Ayatollahs, les chefs militaires et politiques iraniens ont lancé une campagne médiatique inhabituelle et des menaces sur toutes les chaînes gérées par le régime islamique.

Certes, la forte riposte de l’Iran aux mesures américaines est également destinée aux affaires intérieures. Le but est de jeter la responsabilité de la crise économique sur « un complot » manipulé par des « forces étrangères » et ainsi tenter d’unir la population autour du nationalisme et du patriotisme, tout en détournant les critiques à l’égard du régime.

Après ces dernières sanctions et la demande américaine d’arrêter complètement l’achat de pétrole brut iranien, Téhéran a menacé de cesser le trafic de pétroliers traversant le détroit d’Ormuz. Cette décision est sans douté risquée car l’Iran en dépend pour l’exportation de son pétrole.

Précisons que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis disposent de pipelines et de ports d’échange en mer Rouge (Yanbu’ et Fujaïrah). Ils peuvent donc contourner le détroit et continuer à exporter de grandes quantités de pétrole, même lorsque le trafic y est interrompu.

La menace d’arrêter le trafic dans le détroit d’Ormuz (qui gère environ 30% du transport maritime de pétrole et de gaz dans le monde) et le détroit de Bab el-Mandeb (environ 8%) est dirigée contre les principaux acheteurs de pétrole iranien, particulièrement vers les pays européens, la Turquie, la Chine et l’Inde. Elle est destinée à les dissuader de coopérer avec l’administration américaine et à les encourager à se lever contre les sanctions américaines afin d’éviter un grave problème du marché mondial de l’énergie.

Ce message s’adresse également aux membres de l’OPEP, et à l’Arabie saoudite en particulier. Téhéran exige qu’ils n’augmentent pas leur production pour compenser la pénurie qui pourrait être créée par la diminution des exportations de pétrole iranien. En août 2018, l’Iran a averti que, conformément aux règles de l’organisation, aucun membre n’était autorisé à augmenter le montant de ses exportations au détriment d’une réduction des quotas.

En revanche, face aux pressions américaines, l’Arabie saoudite a annoncé son intention d’augmenter sa production de 10,7 millions de barils à 11 millions de barils par jour et a ajouté qu’elle pourrait augmenter sa production jusqu’à 12 millions si nécessaire.

Le cas du détroit de Bab el-Mandeb est différent. Là, les Houthis peuvent agir au nom de l’Iran, comme en témoigne leur attaque contre les pétroliers saoudiens en juillet 2018. L’Iran a également la capacité d’inciter diverses milices chiites dans plusieurs régions du Moyen-Orient où les forces militaires américaines sont installées.

Toutefois, les menaces de l’Iran de fermer le détroit d’Ormuz servent des objectifs immédiats, mais ils semblent vides de sens car Téhéran est l’acteur de la région qui serait le plus sérieusement endommagé par leur exécution. Ils pourraient même entraîner un conflit militaire direct avec les États-Unis, ce que l’Iran tente d’éviter. En dépit de la prudence dont l’Iran a fait preuve à cet égard, la tension créée par les menaces pourrait conduire à une erreur de calcul ou à une escalade imprévue dans les eaux du Golfe.

La probabilité que l’Iran encourage les attaques de milices par procuration chiites contre des navires ou des intérêts américains dans le détroit de Bab el Mandeb augmente à mesure que les pressions américaines s’intensifient.

Les leaders iraniens acculés par Trump (photo site Khamenei.ir)

La vague de menaces iraniennes traduit bien entendu l’inquiétude croissante du régime après la décision des États-Unis de se retirer de l’accord nucléaire et de rétablir les sanctions, ainsi que le mécontentement et la grogne au sein de la population.

Les avertissements iraniens sont dirigés vers les États-Unis, les Européens et les membres de l’OPEP. Néanmoins, ils sont également destinés à la consommation interne, pour rallier l’opinion publique. Ils font partie des efforts déployés par le régime et ses diverses composantes pour faire face à la crise économique et aux troubles en cours dans tout le pays.

De plus, si le régime estime que sa stabilité est compromise par la pression américaine, il pourrait être enclin à soutenir les attaques terroristes des milices chiites contre les forces et les intérêts américains dans la région.

L’administration américaine devrait chercher à utiliser au maximum la stratégie de « pression maximale » afin d’augmenter les chances actuelles de pousser Téhéran à accepter de reprendre les négociations sur un accord nucléaire amélioré. Par conséquent, l’administration américaine devrait faire pression sur les importateurs de pétrole iranien pour qu’ils réduisent leurs achats et sur les membres de l’OPEP pour qu’ils augmentent leur production. Elle devrait renforcer la présence militaire américaine dans les détroits d’Ormuz et de Bab el-Mandeb, dissuader l’Iran et l’avertir qu’il sera tenu pour responsable des actes hostiles commis par les Houthis dans le détroit de Bab el Mandeb et des attaques par procuration contre les intérêts et les forces américaines dans la région. Les États-Unis doivent être prêts à exiger de Téhéran un prix fort. Cela pourrait se faire par des frappes telles que celles lancées en Syrie, alors que les forces américaines étaient menacées par des forces favorables au régime d’Assad.

D’autre part, l’administration devrait continuer à rassurer Téhéran sur le fait que le “changement de régime” n’est pas un objectif poursuivi par les États-Unis. L’administration devrait également maintenir ouvertes les voies maritimes et diplomatiques afin d’éviter toute erreur de calcul et tout incident tactique sur le terrain.

Ce n’est pas la première fois que l’Iran menace d’utiliser l’arme du pétrole et de bloquer le trafic dans le détroit d’Ormuz. De hauts responsables iraniens ont lancé des menaces similaires depuis les années 1980, y compris au cours de la dernière décennie, accompagnées notamment d’importantes manœuvres navales dans le Golfe.

Depuis le conflit qui a opposé l’Iran et les États-Unis lors de la « Guerre des citernes » (1987-1988) durant la guerre Iran-Irak, l’Iran n’a jamais exécuté ses menaces, à la suite des avertissements sévères des États-Unis. Néanmoins, au fil des ans, il a développé et affiné ses capacités militaires afin d’entraver sérieusement le trafic dans le détroit d’Hormuz.

La marine des Gardiens de la révolution iranienne dispose de capacités avancées de protection telles que des missiles de croisière terre-mer déployés le long des rives du détroit et des îles voisines, des milliers de mines navales, des destroyers armés de missiles antinavires et de torpilles, des centaines de vedettes rapides et de navires de guerre sans équipage et divers autres armements.

Cependant, l’Iran est conscient de l’impact que pourrait causer même un petit nombre de navires citernes chargés. Les dommages à l’environnement augmenteraient les taux d’assurance, ce qui entraverait aussi l’afflux du trafic.

L’expérience des dernières décennies a montré que l’Iran était conscient de la domination militaire des États-Unis dans le Golfe et comprenait que la liberté de la navigation dans le détroit était un intérêt américain essentiel pour lequel le gouvernement américain était prêt à se battre.

Du point de vue économique, la fermeture du détroit d’Ormuz est une arme à double tranchant pour l’Iran. En l’absence d’autres voies d’exportation, l’Iran dépend presque entièrement du détroit d’Ormuz pour exporter son pétrole, qui représente environ 80% de ses recettes d’exportation et 50 à 60% des revenus du gouvernement.

En outre, sur le plan politique, l’Iran réfléchira bien avant de prendre une mesure telle que la fermeture du détroit d’Ormuz, ce qui pourrait sérieusement nuire aux intérêts des pays du groupe P4 + 1 et contrecarrer les sociétés à pouvoir opérer en Iran, à assurer sa capacité à continuer à exporter du pétrole et à maintenir son accès aux systèmes bancaires et financiers internationaux.

Dans ces circonstances, les chances que l’Iran utilise ses forces militaires pour fermer le détroit d’Ormuz sont minimes, même si les sanctions entraînent de graves dommages à ses exportations de pétrole. Selon les prévisions, les exportations ne tomberont pas à zéro dans un avenir proche, en raison des positions actuelles de la Chine, de la Turquie, de l’Europe et, dans une certaine mesure, de l’Inde.

Un navire américain attaqué par les Houtis dans le détroit de Bab al-Mandel en 2016 (photo site wam)

Dans le même temps, la pression croissante du régime iranien et sa rhétorique menaçante augmentent le risque d’erreurs et de mauvais calculs dans le détroit, notamment des tentatives de perturbation du trafic. Cela pourrait interpréter les menaces publiques de leurs dirigeants, ou l’incapacité de l’Iran à contrôler ses forces et ses mandataires dans une escalade d’épisodes de friction localisés.

À cet égard, on peut comprendre la prudence que Téhéran a démontrée lors de l’exercice militaire lancé dans le Golfe début août, dans le but de valider ses menaces. L’Iran n’a pas reconnu publiquement l’existence de ces manœuvres et s’est abstenu d’en discuter dans les médias pour s’assurer qu’il ne créerait pas de frictions imprévues et non désirées avec les forces américaines dans le Golfe.

Cependant, si le régime estime que sa stabilité est menacée par la pression américaine, il pourrait être enclin à générer des efforts concentrés pour soutenir les attaques terroristes des milices chiites contre les forces et les intérêts américains dans la région.

La tension évidente du régime à Téhéran, qui se reflète dans sa rhétorique enflammée, sa colère, son hypersensibilité aux messages de Washington et la sensibilité de l’économie iranienne aux sanctions, résulte, entre autres, de la stratégie de pression maximale adoptée par le gouvernement Trump.

Il utilise au maximum cette stratégie pour augmenter les chances actuelles de pousser Téhéran à accepter de reprendre les négociations sur un accord nucléaire amélioré, et de veiller à ce que Téhéran ne brise pas le fardeau de la pression exercée sur lui en modifiant le contexte diplomatique militaire.

L’administration américaine devrait donc maintenir et même accroître la pression exercée sur les importateurs de pétrole iranien afin d’atteindre l’objectif de zéro exportation iranienne le plus rapidement possible.

Il faut s’assurer que les pays arabes membres de l’OPEP, et l’Arabie saoudite en particulier, augmentent les quotas de production et d’exportation afin de couvrir les déficits du marché et de maintenir les prix du pétrole bas en dépit de la baisse des exportations iraniennes.

Il est nécessaire d’augmenter de manière significative le niveau de la présence militaire américaine dans les détroits et donner à l’Iran une impression stratégique claire que les États-Unis ont une tolérance zéro envers toute tentative visant à entraver la liberté de la navigation dans le détroit d’Ormuz.

D’autre part, l’administration américaine devrait également rassurer l’Iran que les États-Unis n’ont pas l’intention d’agir pour changer le régime (comme l’a déclaré le conseiller à la sécurité nationale John Bolton lors de sa visite en Israël). Si l’Iran estime que les États-Unis tentent de promouvoir cet objectif, il est susceptible de rejeter tout dialogue diplomatique et sera plus enclin à chercher à inciter des mandataires contre les forces américaines dans la région.

Maintenir ouvertes les voies de communication maritimes et diplomatiques avec l’Iran est nécessaire pour éviter les erreurs de calcul ou les complications causées par les frictions dans le Golfe persique.

Oudi Evental


Le CAPE de Jérusalem

Illustration : Vedettes iraniennes à l’entraînement (photo libre de droits)

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