LES KURDES , LA QUADRATURE DU CERCLE par  Maurice Ruben HAYOUN

Les récents développements impliquant la plus grande puissance mondiale, à savoir les USA, dans un soubresaut dont le Proche Orient semble détenir exclusivement le secret, montre combien cette région du monde peut, d’une instant à l’autre, bouleverser les équilibres régionaux et même compromettre la paix mondiale.

Il y a une foule d’enseignements que les observateurs impartiaux peuvent en tirer, alors qu’il n’y pas vraiment de guerre ouverte entre les états environnants ; pourtant, une simple mesure, en l’occurrence, la Turquie qui viole la frontière syrienne et envahit le nord de ce pays, suffit à mettre le feu aux poudres et à mobiliser l’attention de l’ensemble de la communauté internationale : L’Union Européenne a réagi en condamnant la menace turque, les USA en envoyant une missive fort peu diplomatique au président Erdogan et en dépêchant sur place Le vice président qui a fini par arracher la promesse d’une trêve de cinq jours…

Mais les enseignements à tirer à la faveur d’un tel affolement sont très nombreux et d’une extrême gravité.

Commençons par l’Etat d’Israël lui-même qui a observé, médusé et très inquiet, comment le président Trump (un homme fantasque et imprévisible) tourne en un clin d’œil, le dos à ses alliées d’hier, les pauvres kurdes, en évacuant ses troupes d’élite, environ deux mille hommes, à l’ombre desquels ils pensaient vivre, loin de toute menace de leurs ennemis de toujours, les Ottomans.

Israël a pu confirmer sa règle immuable : ne compter que sur D-ieu et sur soi-même. Ce qui est bon pour l’Amérique n’est pas nécessairement bon pour le reste du monde.

Cette volte face des USA, que dis-je, d’un seul homme, le président, a  surpris tout le monde, y compris le ministère de la défense et les conseillers pour la sécurité du pays. Imaginez qu’il agisse de la sorte en ce qui concerne la sécurité de l’Etat juif…

Que ferait Israël si, pour se défendre contre ses ennemis, il devait attendre l’aval de Washington ? Ce serait suicidaire.

D’ailleurs, la question est débattue en Israël, à propos de la signature d’un accord de défense mutuelle. Imaginez qu’Israël lance une guerre préventive pour survivre et que les USA aient une autre approche et refusent d’aller dans la même direction… Une telle hypothèse fait froid dans le dos.

Les Kurdes qui ont sacrifié près de onze mille martyrs dans la lutte sans merci contre Daesh sont abandonnés au milieu du gué,   contraints de ne compter que sur eux-mêmes alors que leur alliance avec les USA semblait indéfectible. Au sujet d’Israël, c’est la leçon majeure à tirer de ce qui vient de se passer.

Une brève rétrospective : lors de la guerre du golfe, la première, les Chiites avaient été abandonnés, livrés à eux mêmes et à la fureur vindicative de Saddam Hussein : ils ont payé très cher leur soulèvement, pensant que les USA les soutiendraient… On connaît la suite.

Le chah d’Iran et le président égyptien Housni Moubarak l’ont eux aussi appris à leur dépens : après de beaux discours et des années de politique amicale, ces deux dirigeants, qui ont été ce qu’ils ont été, furent écartés du pouvoir, sans que Washington ne remue le petit doigt alors que la politique US dans la région était fondée sur leur coopération…

Un mot des Kurdes ; l’état d’Israël a toujours été sensible à la situation de ce peuple, dont le territoire est à cheval sur tant de pays : la Syrie, l’Irak, l’Iran et la Turquie.

Il sont plusieurs dizaines de millions d’hommes et de femmes, oubliés des grands traités internationaux, depuis Versailles et Lausanne, par exemple…

Depuis des années, les hommes du Mossad sont présents dans le Kurdistan irakien. Et Israël s’est empressé d’envoyer une aide humanitaire à ce peuple menacé d’une tuerie à grande échelle. D’ailleurs l’Etat juif fut le seul à reconnaître ce référendum d’autonomie kurde.

Et le pouvoir central irakien n’a pas hésité à recourir à la force armée pour  étouffer dans l’œuf toute velléité autonomiste.

Alors que faire ? Franchement, je l’ignore mais je constate une nouvelle fois que le Proche Orient est un baril de poudre ; la moindre étincelle peut tout faire sauter.

Procéder sur place à des règlements politiques est aussi difficile que réussir la quadrature du cercle. Prenons le cas de ces pauvres Kurdes : qui imagine que des pays comme l’Irak, l’Iran, la Syrie et la Turquie accepteraient un jour de céder une partie de leur territoire national ?

L’âme kurde évoque par maints aspects l’âme juive. Mais les Juifs ont fini par réussir à se régénérer et à s’établir dans la terre de leurs ancêtres, même si ce droit leur est contesté chaque jour que Dieu fait.

La brutalité des relations internationales a contraint les Kurdes à se jeter dans les bras de leurs ennemis, en Syrie.

Et que va t il se passer, une fois que le danger ottoman sera écarté ? Imagine-t-on Bachar El Assad reconduire l’autonomie dont ces territoire jouissaient depuis la guerre civile ?

Que Dieu aide les Kurdes et les sauve des mains de leurs ennemis.

Maurice-Ruben Hayoun

Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève. Son dernier ouvrage: Joseph (Hermann, 2018)

 

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Moshe

Totalement d’accord avec vous, et merci pour cet excellent article, vous me rendez plus intelligent!
Quand va-t-on enfin discuter de la création d’un Etat au Kurdistan à l’ONU?
Ne sommes-nous pas capable (l’Occident) de défendre ce futur pays avec une coalition internationale?
Total soutien à nos amis Kurdes!
Merci à vous de m’avoir appris qu’Israël les avaient soutenus, je ne savais pas..