L’implication des Gardiens de la Révolution iranienne dans la bataille d’Alep

Le 11 février, les Etats-Unis, la Russie, l’Iran, l’Arabie Saoudite et le Qatar se sont mis d’ accord à Munich pour mettre en place un cessez-le-feu en Syrie. Mais, le Ministre russe des affaires étrangères a annoncé que son pays ne cesserait pas les bombardements contre les « terroristes » (la définition russe des « terroristes » comprend la plupart des organisations rebelles et pas seulement le Front Al-Nusrah, l’Etat Islamique et quelques autres groupes djihadistes). Le Président Bachar Al Assad a juré de reprendre le contrôle de tout le pays, en prévenant que cela pourrait « prendre du temps ». Ces déclarations ont bien du mal à donner des gages de bonne volonté. 

Les alliés d’Assad, dont le Corps des Gardiens de la Révolution Islamique ( CGRI) qui détiennent le rôle central dans les opérations en cours au nord d’Alep, ne semblent pas intéressés par des négociations sérieuses. L’axe Iran-Assad pense que la dynamique sur le terrain joue en leur faveur.

Le même jour que les pourparlers de Genève III ont débuté le 3 février, l’armée arabe syrienne, les forces de défense nationale syrienne et des combattants fidèles à Assad, appuyés par la puissanceaérienne russe, ont lancé une offensive majeure dans le nord d’Alep. Ils ont brisé le siège de deux villes à prédominance chiite de Nubl et Zahraa et conquis la zone environnante, en interrompant la principale route d’approvsionnement de l’opposition depuis la Turquie. Ils ont poursuivi leur offensive en ercerclant les zones d’Alep détenues par les rebelles. 

Depuis le début de l’opération, le 31 janvier, le CGRI a annoncé la perte de 42 hommes, un pic significatif dans le nombre de morts. Ce taux est comparable à celui d’octobre 2015, quand la Russie a commencé son intervention militaire et que les forces pro-gouvernementales ont lancé une première offensive majeure sur Alep.

Comme durant l’offensive d’octobre, les membres du CGRI tués au cours de la semaine précédente faisaient partie des unités des forces régulières provenant de tout l’Iran. Ils comprennent plusieurs officeirs supérieurs : trois généraux de brigades, un a colonel, et deux lieutenants. Les médias iraniens ont aussi révélé la présence d’officiers et d’agents opérationnels des Forces Qods. Cette unité n’a pas la réputation de communiquer publiquement sur ses pertes au combat. 

Un responsable important de la sécurité, non-syrien, proche de Damas a déclaré à Reuters que le le Commandant des Forces Qods, Qassem Soleimani est présent dans le secteur afin de superviser l’opération, qui est destinée à préserver le régime de Bachar al Assad. Soleimani a été crucial dans la négociation visant à convaincre les Russes d’intervenir militairement et à déployer leurs forces aériennes, qui ont apporté un énorme avantage aux forces pro-Assad. Soleimani supervise toutes les milices chiites actives en Syrie. Le Hezbollah libanais, la Brigade Fatemiyoun chiite afghane, et le Corps Badr des chiites irakiens ont tous joué un rôle significatif dans les récentes opérations dans la région nord d’Alep. 

Cela vaut la peine de souligner qu’au moins une douzaine des pertes récentes du CGRI provenait de son unité de la province du Khuzestan, qui est originaire d’une province arabophone d’Iran. Ces troupes ont une grande valeur sur le terrain pour leurs compétences liées au langage, puisqu’elles peuvent s’engager avec les forces arabes combattant dans le camp Assad et communiquer avec elles. Ces pertes répertoriées suggèrent fortement que des forces terrestres régulières du CGRI sont intégrées aux côtés des brigades chiites internationales commandées par Soleimani.  

L’Agence de presse FARS appartenant aux Gardiens de la Révolution iranienne, a publié le 3 février un extrait révélateur de communication radio entre des forces pro-gouvernementales présentes dans les villes assiégées et les unités à l’offensive qui les aident. On entend deux hommes qui ont un échange sur les conditions sur le champ de bataille. Puis le combattant du côté offensif change de langue en passant de son arabe de Syrie approximatif au Farsi qu’il parle couramment. L’homme non-identifié s’adresse à ses « frères et soeurs à Nubl et Zahra,” leur ordonnant de « se tenir prêts ». Il proclame : « Nous arrivons! Nous sommes tout proche! Préparez le thé! La victoire est à nous avec les bénédictions du Prophète et de sa Famille! ». Le message était clair : Bien qu’il s’agisse de la libération de villes syriennes tenues par les rebelles syriens, toute la gloire était due au Corps des Gardiens de la Révolution iranienne. Une photo postée sur les réseaux sociaux montre, de façon similaire, le drapeau de la République Islamique flottant sur Nubl. 

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De hauts-dirigeants iraniens et des commandants du CGRI ont tenté d’expliquer au public iranien la nécessité de leur présence en Syrie. Le Guide Suprême Ali Khamenei a rencontré plusieurs familles qui ont perdu leur père, fils et frères au cours de la récente offensive, en leur disant que ces combats maintiennent les ennemis de l’Iran loin des frontières du pays. Le Commandant en chef du Corps des Gardiens de la Révolution,  Mohammad Ali Jafari a fait écho à cette vision le 11 février, lorsqu’il s’est adressé aux forces pleurant la mort du Général de Brigade Mohsen Ghajarian et de cinq autres combattants, le jour de l’anniversaire de la révolution de 1979. Le chef adjoint du CGRI, le Général de Brigade Hossein Salami a donné une interview télévisée, le 7 février afin d’expliquer les pertes récentes à un public iranien plus large. De la même façon, il a déclaré que l’implication des Gardiens de la révolution endigue les combats loin des frontières de l’Iran. Salami s’est vanté des récentes victoires « qui ont brisé les reins » des rebelles d’Alep et « qui ont changé les prévisions politiques en faveur du gouvernement syrien ». 

Les forces pro-Assad, dont le Corps des Gardiens de la Révolution  rt les brigades chiites internationales de Soleimani, poursuivent leur avancée grâce à l’appui aérien russe et encerclent Alep. Cela apporterait au régime syrien un avantage  substantiel dans toute négociation éventuelle, tout en mettant une pression maximale sur l’opposition hétéroclite dans le nord de la Syrie. Assad et ses alliés veulent dicter les termes de toute discussion, en imposant des exigences que les rebelles ne sont pas en mesure d’accepter. Si les insurgés rejettent les termes qui leur sont offerts, alors les forces pro-Assad pourront encore accentuer la pression, en tenant d’utiliser les conditions sur le terrain en leur faveur. La bataille pour la province d’Alep n’est pas de bon augure pour les perspectives de règlement politique du problème syrien.

Par  | 13 Février 2016 | amir@defenddemocracy.org | @AmirToumaj &@Maxwell_Peck

Amir Toumaj et  Max Peck sont analystes et chercheurs à la Fondation pour la Défense des Democraties. On peut les suivre sur Twitter @AmirToumaj et @Maxwell_Peck

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The IRGC’s involvement in the battle for Aleppo

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