CROISSANCE NULLE ET INFLATION FORTE: L’ÉCONOMIE FRANÇAISE EST-ELLE MENACÉE PAR LA REDOUTÉE STAGFLATION?

Avec une croissance économique nulle au premier trimestre et une inflation qui accélère, le risque de stagflation plane sur la France.
Un coup d’arrêt brutal. Avec une croissance nulle (0%), l’économie française a marqué le pas au premier trimestre, selon l’Insee. Principale responsable: la chute de la consommation des ménages de 1,7% sur les trois premiers mois de l’année sur fond d’inflation et de guerre en Ukraine. Inflation qui a d’ailleurs poursuivi sa hausse en avril, à +4,8% sur un an, après +3,6% en février et +4,5% en mars. Un niveau que les moins de 40 ans n’ont jamais connu.

Croissance zéro et forte inflation: tous les éléments sont désormais réunis pour voir le spectre de la stagflation resurgir. Ce phénomène -contraction de « stagnation » et d' »inflation »- se caractérise en effet par un régime de croissance faible voire nulle couplé à une hausse significative et généralisée des prix. Soit précisément le tableau du premier trimestre dressé par l’Insee.

Le moral des ménages en berne

Si elle en prend la trajectoire, il est malgré tout un peu tôt pour affirmer avec certitude que l’économie française entrera dans une période de stagflation telle qu’elle l’a connue dans les années 1970-1980. Il faudrait pour cela que le ralentissement économique du premier trimestre se confirme:

Avec le variant Omicron du Covid-19, « on a eu un premier trimestre très particulier, contraint dans les dépenses (…). Si on a une confirmation que la consommation des ménages recule à nouveau au deuxième trimestre comme elle l’a fait au premier, là on pourra probablement s’alarmer », explique Denis Ferrand, directeur Général de Rexecode.
C’est d’autant plus vrai que la consommation des ménages est réputée être le principal moteur de la croissance économique tricolore. La publication mercredi de l’enquête sur le moral des ménages en avril n’a toutefois rien de rassurant: à 88 points, il atteint « un niveau voisin des points bas atteints fin 2018 lors du mouvement des gilets jaunes et en 2020 lors des confinements » relevait l’Insee.

Un acquis de croissance de 2,4%

A l’inverse, certains indicateurs témoignent d’une relative résistance de l’activité économique face à la menace de stagflation à court terme. A commencer par l’investissement des entreprises qui, s’il se tasse, progresse de 0,2% au premier trimestre. Le commerce extérieur lui poursuit son redressement, quoiqu’à un rythme moins soutenu que lors du trimestre précédent, avec une hausse des exportations de 1,5% des exportations, et une augmentation des importations de 1,1%.

Surtout, l’acquis de croissance pour la France atteint 2,4% en 2022, d’après l’Insee. Dit autrement, si le PIB restait stable lors des deuxième, troisième et quatrième trimestres, la croissance tricolore serait de 2,4% sur l’ensemble de l’année. Loin des 4% espérés par le gouvernement certes, mais pas non plus la croissance molle propre aux périodes de stagflation. Le risque porterait donc surtout sur l’année 2023.

L’inflation accélère dans l’alimentation

Quand bien même la croissance se maintiendrait à un niveau acceptable, l’inflation, elle, devrait rester élevée dans les mois qui viennent. D’autant qu’après l’énergie, ce sont les produits alimentaires qui ont vu leurs prix grimper sérieusement ces dernières semaines (+3,8% sur un an en avril). D’où un moral des ménages en berne.

Cette hausse reflète l’application des contrats conclus entre distributeurs et industriels dans le cadre des négociations commerciales. Et la tendance devrait se poursuivre alors que les négociations ont été rouvertes par le gouvernement pour tenir compte des conséquences de la guerre en Ukraine sur les coûts de production.

Reste qu’à la différence de la stagflation des années 1970 et 1980, il n’y a pas pour l’heure d’augmentation massive des salaires en France. En tout cas, pas au niveau de l’inflation. Ce qui écarte à ce stade le risque de déclenchement d’une boucle prix-salaires qui ne ferait qu’alimenter la hausse généralisée des prix.

Que va faire la BCE?

La Banque centrale européenne qui s’est toujours refusée à remonter ses taux jusqu’à présent aura bien entendu un rôle à jouer dans les prochains mois. Pour l’institution de Francfort, le dilemme reste le même: augmenter les taux au risque de freiner la reprise économique ou ne rien faire au risque de laisser courir l’inflation.

« Avec une réponse politique appropriée, nous pouvons atténuer les conséquences économiques de la guerre en Ukraine et gérer les niveaux élevés d’incertitude auxquels nous sommes confrontés », a déclaré fin mars la présidente de la BCE Christine Lagarde, estimant que la stagflation qu’elle définit comme « une récession de l’économie sur une base durable et une inflation élevée, qui continue à augmenter » pouvait être évitée.

Avec une inflation en zone euro de 7,5% sur un an en avril, il y a fort à parier que la BCE finira par relever ses taux dans les prochains mois, mais sans doute de manière très progressive. A défaut, la menace de stagflation pourrait laisser la place à un risque encore plus grand en 2023: celui de la « déclinflation », conjugaison d’une forte inflation et d’une récession.

Paul Louis www.bfmtv.com

 

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