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Le Venezuela toujours dans le chaos, Guaido veut l’état d’urgence

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Des habitants de Caracas rechargeaient dimanche leurs portables grâce à des panneaux solaires. Photo Carlos Garcia Rawlins. Reuters

Une panne massive d’électricité touche presque tout le pays depuis jeudi. Sabotage des Etats-Unis, tonne le gouvernement socialiste. Manque d’entretien des infrastructures, réplique l’opposition.

Privés de lumière, d’eau, de moyens de transport, les Vénézuéliens ont vécu dimanche leur troisième jour sans électricité, après une panne massive et jamais vue, qui touchait 80 % de la population.

Au moins quinze malades rénaux sont morts, faute de dialyse, dans des hôpitaux où les groupes électrogènes ont mal ou pas du tout fonctionné. Avec une angoisse croissante dans un contexte de grave pénurie alimentaire, les familles observaient, impuissantes, la nourriture stockée au congélateur devenir impropre à la consommation.

Depuis le début de la coupure, jeudi peu avant 17 heures, le pays (pourtant producteur de pétrole) est quasiment à l’arrêt, avec magasins et écoles fermés et transports paralysés.

A Caracas et sa périphérie, où vivent 6 millions de personnes, le courant n’est que brièvement revenu samedi. Privés de télévision et de connexion internet, les habitants ne peuvent pas non plus se rabattre sur les réseaux sociaux faute de pouvoir recharger les téléphones portables.

Vols annulés

Les coupures de courant de plusieurs heures sont pourtant habituelles depuis quelques années dans le pays, mais elles touchaient peu la capitale. Désormais, le métro ne fonctionne plus, et des centaines de passagers aux vols annulés attendent à l’aéroport international de Caracas.

Le commerce est lui aussi au point mort, la grande majorité des supermarchés ayant baissé le rideau. D’une part, il n’est plus possible de conserver les produits frais, mais en outre on ne peut plus avoir recours aux terminaux de paiement devenus ces derniers mois indispensables, l’hyperinflation empêchant de payer ses achats en liquide (à moins d’avoir avec soi des valises de billets).

«Attaque cybernétique»

Selon le ministre de la Communication, Jorge Rodriguez, la panne a été déclenchée jeudi par une «attaque cybernétique contre le système de contrôle automatisé» de la centrale hydroélectrique de Guri (sud-est du pays) qui fournit au Venezuela entre 70 et 80 % de son électricité.

Lors d’un meeting samedi, le président socialiste Nicolás Maduro a précisé : «Aujourd’hui, nous avions avancé à près de 70 % [dans le rétablissement de l’électricité] lorsque nous avons reçu à la mi-journée une autre attaque cybernétique visant une des sources d’énergie qui fonctionnait parfaitement. Cela a annulé tout ce que nous avions réalisé.» Le gouvernement a affirmé qu’il fournirait à l’ONU «des preuves» d’une responsabilité de Washington dans cette panne.

Le chef de l’opposition, Juan Guaidó, reconnu par plus de cinquante pays (dont la France) comme «président par intérim» du Venezuela, dans l’attente d’une nouvelle élection présidentielle, attribue pour sa part le trou noir à un manque d’investissements dans l’entretien des infrastructures. Et de nombreux experts lui donnent raison. Jeudi, la compagnie publique d’électricité Corpoelec avait dénoncé, sans précision, un «sabotage» à Guri.

Embargo sur l’or noir

En 2016, le pays avait déjà connu une grave situation d’urgence énergétique. Cette fois-là, ce n’était pas l’impérialisme mais le dérèglement climatique et le phénomène El Niño qui étaient mis en cause par le régime.

En raison du manque de pluies, le niveau du barrage de Guri, le deuxième plus important d’Amérique latine, inauguré en 1978, avait baissé à un niveau alarmant. Pour économiser l’électricité, le gouvernement avait réduit à deux jours par semaine le travail des fonctionnaires, et limité les heures de cours dans les écoles.

Les eaux étaient remontées au bout de deux semaines, mais de nombreux experts avaient jugé dangereux que plus des deux tiers de la consommation électrique du pays reposent sur un unique site.

Le Venezuela bolivarien n’a guère développé les énergies alternatives comme le solaire, misant tout sur une manne pétrolière jugée éternelle par les gouvernants. Un plan lancé en 2010 par Hugo Chávez était resté lettre morte, les financements disparaissant dans les circuits de corruption.

Le manque d’investissements est aussi pointé comme principal responsable (avec la fuite à l’étranger des ingénieurs qualifiés) de la chute de la production pétrolière. Le mois dernier, avant même l’entrée en vigueur d’un quasi-embargo des Etats-Unis sur les importations d’or noir vénézuélien, la production de pétrole serait passée sous la barre du million de barils par jour. Soit le niveau de… 1939.

La panne massive a fait passer au second plan les manifestations rivales convoquées samedi, l’une par Juan Guaidó, l’autre par le pouvoir.

Le «président bis» a appelé à une prochaine marche sur la capitale, après une tournée qu’il effectuerait dans le pays, pour pousser vers la sortie Nicolás Maduro. Il a en outre réitéré sa disposition à autoriser une intervention militaire étrangère.

François-Xavier Gomez

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