Terrorisme, rapprochement avec Israel: Qu’en pense le soldat guinéo-israélien Avi Barry?

 

Ibrahima Barry, surnommé  Avi Barry, natif de Labé, âgé de 25 ans est soldat dans l’armée israélienne. En séjour dans son pays d’origine la Guinée, il  s’est confié en toute exclusivité à Africaguinée.com. Dans cette seconde partie de l’entretien qu’il nous a livré, Avi Barry exprime son opinion sur l’éventuel rapprochement entre la Guinée et Israël, la menace terroriste et la situation socio-politique en Guinée. EXCLUSIF !!!

Africaguinee.com : Suivez-vous l’actualité sociopolitique guinéenne ?

Avi Barry : Absolument ! Je suis de près ce qui se passe en Guinée à travers l’internet, que ça soit la situation politique ou sociale, je prends comme un devoir de m’informer de la situation du pays. Je suis guinéen avant, quelque soit l’honneur dont je bénéficie en Israël, quelque soit mon intégration, les racines et la source c’est la Guinée que j’aime tant.

Comment vous vous sentez en apprenant une situation difficile dans le pays, soit une manifestation politique qui donne souvent lieu à des violences, grève syndicale etc.…

J’ai toujours eu un état d’âme peineux dans ces circonstances, avec les manifestations où on déplore des pertes en vie humaine, la répression sanglante, l’incivisme  dans la politique. C’est des choses que je regrette beaucoup. Aujourd’hui le monde est ouvert, les citoyens doivent adopter le civisme nécessaire pendant les manifestations. De l’autre coté la police et la gendarmerie qui s’occupent du maintien d’ordre voire la justice dont le rôle est de rendre justice de prendre la responsabilité et faire correctement leur travail sans faille. Et comprendre que ceux qui manifestent sont aussi des fils du pays, ils manifestent parce qu’ils aspirent à une vie meilleure, ils ne sortent pas sans nécessité.

S’il y a des morts, on se rejette les responsabilités, alors que des familles sont endeuillées. C’est toujours les frères, c’est la mère, le père, le mari, la femme ou le fils de quelqu’un d’entre nous qui est tué. Tout ça c’est des choses qui me brisent le cœur, tout malheur qui arrive à un guinéen, moi je considère que c’est un membre de ma famille qui est touché, donc moi-même. Dans ma pensée, je ne calcule pas l’ethnie : peulhs, malinké, Soussou, chez moi tout est guinéen.  Ça c’est une chose !

L’autre chose, c’est désolant de faire de manipulations dans ce pays. En cas de problème on ne traite pas les gens de la même façon, on met l’ethnie devant. On refuse carrément de prendre tout le monde au même pied d’égalité. C’est des choses qui me frustrent, les gens doivent refuser la manipulation. Avant de courir derrière quelqu’un pour le soutenir, il faut chercher à savoir s’il est patriote dans ses actes, il faut que les guinéens ouvrent les yeux. Si quelqu’un te dit de faire quelque chose il faut bien fouiner pour savoir, si c’est bien pour le pays avant de t’engager, si c’est mauvais ne fais pas l’aveugle. Il faut vérifier si celui que tu accompagnes fait du bien pour le pays ou bien toi-même tu souffres à cause de sa mauvaise intention.

Comme ça vous saurez par où viendra le bonheur collectif pour le pays. Mais ne fermons pas les yeux, demandons ensemble si ce qui est fait est bon pour nous. Si tel nous fait souffrir, tel autre tue les populations, nous devons leur tourner le dos ; à défaut nous sommes complices. Toutes ces choses me font souffrir quand je regarde de loin la Guinée.

Est-il aisé pour vous de pratiquer l’islam dans l’armée israélienne ?

Le métier d’armée en Israël ne m’empêche pas de prier régulièrement, ça ne tue pas ma religion et ma culture, je cumule le tout. Les gens de toutes les confessions y sont dans cette armée. Et on respecte le choix de chacun. Même dans le pays il y a beaucoup d’israéliens juifs comme il y a des israéliens musulmans. C’est la même réalité dans l’armée aussi, nous vivons avec les soldats juifs et des soldats musulmans.

Est-ce qu’il  y a la tolérance confessionnelle entre juifs et musulmans au sein de l’armée, vous ne bénéficiez tous du même traitement?

Je n’ai pas constaté de ségrégation dans l’armée entre les soldats des différentes confessions (musulmans, juifs), dans la troupe on nous permet de prier sans inquiétude aucune. Par exemple au mois de ramadan, on sait que tu es un soldat musulman, tu peux jeuner, même en pleine activité, à l’heure de la prière on te donnera le temps nécessaire pour que tu t’acquittes de tes obligations religieuses. Aucun empêchement à cet effet.

Les autorités guinéennes sont-elles au courant qu’un jeune guinéen est soldat en Israël ?

Certes oui, j’ai eu l’occasion de parcourir un journal dans lequel j’ai retrouvé une interview du président Alpha Condé, on lui a posé la question quelque part s’il savait y a de soldats guinéen à l’étranger. Il a répondu par l’affirmatif en disant qu’il sait il y a des soldats guinéens aux Etats-Unis, au Canada en Israël, donc il est bien informé. Je me souviens d’avoir vu ces propos dans un journal papier à l’étranger.  Beaucoup de guinéens en parlent et partout.

Souhaitez un rapprochement entre l’Israël et la Guinée ?

 Je souhaite qu’un jour le rapprochement entre la Guinée et l’Israël où je serais l’auteur de la naissance de cette coopération. C’est un rêve que je désire réaliser. Rapprocher mes deux pays afin qu’il y ait des relations durables Guinéo-Israéliennes. Je précise encore, j’ai envie d’être l’auteur de cette coopération qui est dans mon projet.

Aujourd’hui, il y a des choses que la Guinée peut bénéficier avec l’Israël, l’Israël aussi a besoin des choses qui sont en Guinée, et cet échange ne peut marcher que dans la coopération. Maintenant j’ai deux patries, guinéenne et israélienne. Tellement que ces deux pays n’entretiennent point de relations, il n’y a pas d’ambassade ou de consulat guinéen en Israël, je ne pense pas aussi que l’Israël  ait une représentation diplomatique en Guinée

Avez-vous eu l’occasion d’exprimer ce projet  de coopération à une autorité qu’elle soit guinéenne ou israélienne ?

Côté guinéen non, mais israélien je veux dire oui. Un jour j’ai eu l’occasion de rencontrer Shimon Perez, lors d’une de ses visites périodiques dans certaines écoles, je pense bien  que c’est en 2008, j’étais encore à l’école.  Ce jour ma classe faisait partie des celles choisies pour son entretien. Il a accepté de s’asseoir auprès de nous les élèves et taquiner tout le monde. Quand mon tour de parler avec lui est arrivé je lui ai fais savoir que je suis guinéen. Il a marqué son impression en me disant qu’il connaissait le premier président Guinéen Ahmed Sekou Touré. Il a un peu parlé de la Guinée Sekou Touré. Il a expliqué beaucoup de choses qui concernent la Guinée à cette époque là. Il m’a dit entre parenthèse que Sekou Touré était gentil avec code. Pour boucler sa conversation il a dit il y a eu quelques choses  de négatif entre la Guinée et leur pays mais je n’ai pas compris ce qu’il a insinué dans son langage. Tout ça me donne l’audace d’œuvrer pour une ouverture entre ces pays. Je souhaite que la Guinée et Israël oeuvrent pour  cette coopération.

Aujourd’hui, le monde entier est menacé par le terrorisme, le djihadisme, quelle est votre lecture ?

L’affaire du terrorisme c’est vrai, c’est une menace mondiale. La radicalisation est à la base des souffrances de tout le monde. Plein de gens comprennent autrement la religion et se radicalisent, d’autres aussi se servent de la religion pour faire leur sale besogne. On le sait quelqu’un qui maitrise les principes de l’islam ne se radicalise jamais et aller jusqu’à faire des attentats. L’islam ne prône pas la violence ou les attaques terroristes.

Le prophète Mohamed (paix et salut sur lui) quand il a été chargé de jouer le rôle de messager, il  n’a empêché la liberté à aucune personne de suivre ce qui lui convient en matière de foi. Donc chacun est libre pourvu qu’il ne dérange pas autrui. C’est la logique que nous devons vivre aujourd’hui. C’est dit dans le coran et les hadiths.

Celui qui a bien compris l’islam ne fera pas du terrorisme ou des attaques dans l’objectif de tuer des innocents. Ce qui est urgent aujourd’hui c’est faire attention par rapport à certaines choses que nous voyons à travers les réseaux sociaux, on donne des faux enseignements en matière de religion qui induisent  beaucoup de personnes en erreur. Il faut épargner nos enfants de certaine publication, vous savez chez nous au Fouta-Djalon, c’est l’islam qui nous éduque. Moi par exemple je n’ai jamais abandonné ma religion, je ne vais pas au-delà des principes islamiques qui enseignent tolérance et l’amour du prochain.

J’ai vécu longtemps dans une famille juive, elle m’a laissé avec ma confession en me donnant le respect nécessaire, de mon côté j’ai respecté leur religion, donc la tolérance nous a permis de vivre mieux ensemble. Alors aidons nos enfants à bien comprendre l’islam au lieu de les laisser se fier à ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux. Tout ça contribue à interdire aux enfants de commettre l’irréparable.

Le terrorisme est une affaire de délinquants qui se cachent derrière l’islam pour faire des mauvaises choses. Ils font semblant de se convertir à l’islam mais au fond ce n’est pas l’intention. Donc si nous ne faisons pas attention afin de prendre une conscience de manière collective, notre souffrance va s’accentuer davantage.

Etre dans l’armée, c’est être prêt à aller sur le champ de bataille, vous ne craignez pas pour votre vie dans ces conditions ?

Je ne crains rien dans ces cas de figure, d’ailleurs en tant qu’officier, vous avez des soldats qui exécutent vos ordres, c’est vrai tu iras mais tu as de troupes à diriger. De l’autre coté aussi, je ne crains pas pour une chose, on sait d’une manière ou d’une autre on est mortels. Le jour où tu voudras, je quitterai cette vie d’ici bas. J’ai décidé de faire le métier d’arme, c’est pour défendre, c’est un devoir pour moi de défendre. Empêcher une attaque, c’est du fond du cœur je le ferai. Je suis croyant sincère, donc la fatalité arrivera au moment indiqué, je suis serein.

Avi Barry ! Nous savons qu’autour d’Israël, c’est des zones de tension, parfois des combats éclatent. Sur le terrain on voit des personnes en situation difficile notamment des enfants en pleurs qui ne retrouvent pas leurs parents, d’autres fuient les zones de combat…….

 C’est une question sur laquelle je ne souhaite pas me prononcer, c’est une politique profonde des Etats (…)

Quel est votre état d’âme lors d’intervention qui souvent touchent des innocents ?

C’est difficile pour moi de me prononcer sur cette question, je vous ai dis tout à l’heure que c’est une politique profonde à laquelle je me réserve de réagir. Je suis désolé d’esquiver votre question, c’est profond, profond.

Pendant vos séjours en Guinée, vous vous limitez à la famille ou parfois vous vous présenter aux autorités ?

Ma visite n’est que familiale, comme je ne suis pas en mission officielle, je viens en tant que simple citoyen du pays comme tout autre guinéen, en Guinée je suis civil, c’est en Israël que suis soldat. Mon passage ici n’est que  familial et personnel.

Votre mot de la fin ?

Mes derniers mots iront à ma préoccupation. Je prie les autorités guinéennes d’aider les fils du pays à trouver un emploi, de meilleures de conditions de vie dans le respect mutuel. Tout le monde doit également accorder du respect aux autorités actuelles du pays. Le respect d’un Chef est recommandé par la religion. Nous devons bannir l’idée que le Chef est de telle ethnie ou bien refuser d’obéir. Le Chef est également prié de prendre tout le monde au même pied d’égalité sans distinction et prouver qu’il n’y a pas une ethnie supérieure en Guinée. Le Président doit se baser sur les ressources du pays pour changer la donne en créant de l’emploi où tous les guinéens selon leur compétence pourront travailler. Mettre aussi une politique en place pour que les retraites soient effectives dans la fonction publique en vue de permettre aux jeunes d’y accéder accompagnés de promotions. Si y a une possibilité de baisser le prix des produits pétroliers, de le faire. Tout cela donne la paix du cœur.

La souffrance est palpable, partout les jeunes sont assis en groupe entrain de faire du thé faute de travail. D’autres aussi ne continuent pas leurs études faute de moyens, une autre catégorie est frappée par le désespoir. C’est des facteurs qui conduisent à la criminalité. Il faut penser également à l’agriculture parce que le pays est bien arrosé, le sol est riche, ça nous permet non seulement d’être autosuffisants en matière alimentaire, mais ça réduit aussi le chômage.

Coté politique, chacun doit jouer son rôle d’opposition sans faire de haine. Les politiciens doivent montrer le bon exemple, le bon chemin, si c’est vrai que leur objectif c’est le bien du pays. Faire marcher les partis politiques loin de l’esprit de haine, éviter aussi d’ouvrir des fronts dans le combat politique.

En cas de discorde parce qu’on ne peut pas l’éviter en politique, si l’opposition n’est pas d’accord avec la position de la majorité, que les deux agissent en toute responsabilité afin de sortir de la crise sans mort d’homme. C’est en cela que la Guinée peut gagner.

Au cas où des manifestations sont prévues en conformité avec les lois du pays, que tout le monde s’abstienne d’aller au-delà de ce qui lui est permis par la loi. Que les marches soient pacifiques, sans jets de pierre, parce que les jets de pierre ne sont pas compatibles avec une marche pacifique. Marche pacifique veut dire exprimer publiquement son mécontentement par rapport à un fait. Tirer à bout portant, tuer ou blesser que ça soit par balles ou autres choses n’est  pas non plus conforme aux règles démocratiques. C’est regrettable quand des coups de feu retentissent lors d’une marche pacifique. Ça donne l’impression que  les services de maintien d’ordre sont insouciants. C’est des actes qui doivent disparaître de nos missions de maintien de l’ordre.

Ensuite il faut penser à la justice qui doit être sans faille, une justice qui s’applique à tous. La justice reste le principal vecteur de cohésion et d’égalité, si elle agit comme son nom l’indique. Ceux qui sont au pouvoir agissent également en toute conscience pour rendre forte la justice. Que les choses soient aisées pour tous, les besoins sociaux de base, je suis venu à Labé, je trouve qu’il n’y a pas d’eau, les gens souffrent beaucoup à cause du manque d’eau,  il semble que la situation est la même dans tout le pays. Le courant aussi n’est pas stable avec une tension faible. C’est des secteurs sans lesquels la vie ne sera pas facile. C’est la base de tout développement.

Merci Lieutenant Avi Barry !

Merci aussi, le plaisir est partagé !

Interview réalisée par Alpha Ousmane Bah

Pour Africaguinee.com

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