LE GÂCHIS AMÉRICAIN
Bonsoir
C’est la reprise
Vous pouvez retrouver ma chronique sur le site Atlantico avec le lien :
L’été 2021 restera marqué par les événements d’Afghanistan. Les images du retour des Talibans à Kaboul, du chaos des derniers jours de la présence américaine et des évacuations resteront longtemps gravées dans les esprits comme celles de Saïgon en 1995.
Tout débute le 11 septembre 2001 avec l’attaque terroriste des « Twin Towers », du « World Trade Center ». L’Amérique est frappée en son cœur ; 2 977 personnes sont mortes ce jour-là. Très vite, Oussama Ben Laden et son organisation Al Quaïda revendiquent l’acte ; ils sont censés être réfugiés dans les montagnes afghanes ; il faut aller les traquer et les récupérer pour les juger ou les tuer. L’émotion est telle que les Américains ont constitué très rapidement une coalition de 38 États membres de l’OTAN et obtenu l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU. L’opération « Enduring Freedom » est lancée sur les chapeaux de roue.
Assez rapidement, les troupes chassent les Talibans du pouvoir et prennent le contrôle des centres urbains. En revanche, il a fallu attendre dix ans pour retrouver Ben Laden… au Pakistan ! Heureusement que les Américains ne sont entrés en guerre contre ce pays !
Deux questions se posent et ne trouveront jamais de réponse :
  • Fallait-il débarquer et contrôler l’Afghanistan avec en 2011 plus de 110 000 soldats pour mener une chasse à un homme ? La grosse cavalerie n’était nullement adaptée à cet objectif. Quelle que soit l’importance du soutien logistique terrestre, ce sont les services de renseignements et les forces spéciales qui ont découvert et capturé l’ennemi public n° 1 de l’Oncle Sam.
  • L’intervention avait aussi pour objectif d’éradiquer cette base terroriste de l’islam radical. Mais ce pays de plus de 650 000 km², enclavé entre la Chine, l’Iran, le Pakistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan, est principalement composé de montagnes et vallées difficilement accessibles. Les Américains ont cru pouvoir mieux faire que les Britanniques ou les Russes. Les Américains avaient oublié le naufrage de l’intervention en Somalie.
Quel gâchis ! Vingt ans pour rien ! La plus longue guerre de l’histoire des États-Unis se termine dans une déroute tragique, une quadruple débâcle :
  • Humaine2 500 soldats américains ont été tués et 25 000 blessés. 48 000 civils afghans sont morts sur une population de plus de 31 millions d’habitants, sans compter les réfugiés …
  • Militaire. Comment la première puissance militaire au Monde disposant de toutes les technologies les plus sophistiquées a-t-elle pu être dépasser par une bande de terroristes ? Il est grand temps que les militaires américains fassent un examen de conscience et essaient de comprendre leurs nombreux échecs en Somalie, en Irak, en Syrie et en Afghanistan. Cela doit passer par un redimensionnement des industries de l’armement.
  • Morale. Malgré 20 ans de présence de conseillers et de financements de projets, l’objectif occidental de « nation building », de construire une nation, un État a sombré dans le pathétique avec la fuite du Président Ashraf GHANI ; l’armée afghane s’est effondré comme un château de sable. Les Américains n’ont lutté ni contre la corruption, ni contre la drogue. 80 % de l’opium et de l’héroïne consommés dans le Monde proviennent des 6 300 tonnes d’opium produites annuellement en Afghanistan. Ironie de l’histoire, les Talibans ont promis d’éradiquer la culture du pavot comme ils l’avaient fait en 2001.
Espérons que les trois millions de femmes scolarisées tiendront tête aux Talibans.
  • Financière. Plus de 6 400 Md$ ont été dépensés.
Plus généralement, les États-Unis vont payer pendant très longtemps les guerres de Bush Jr. Le « Costs of War Project » de l’université Brown a évalué là le coût des guerres en Afghanistan, en Irak, en Syrie et au Pakistan depuis le 11 septembre 2021. Vingt ans de guerres auraient couté 8 000 Md$, fait 929 000 morts dont 387 000 civils, occasionné 38 millions de réfugiés…
Le rapport publié le 2 septembre par l’Institute for public studies a de son côté évalué le montant des dépenses militaires engagées depuis le « World trade center » à 21 000 Md$, l’équivalent de la dette publique américaine.
En 2 001, les États-Unis dominaient le Monde. Ni la Russie, ni la Chine, ni aucune autre puissance ne pouvait contester leur suprématie. 20 ans après, ils apparaissent comme un « tigre en papier », tel que les avait qualifiés Mao Tse Toung en 1956.
À quoi cela sert-il d’avoir la première force aéronavale au Monde avec 11 porte-avions, près de 300 bâtiments de combat, plus de 100 navires auxiliaires…, la première aviation au Monde avec plus de 6 000 avions…, le plus grand arsenal nucléaire…, la première armée au Monde ? Pourquoi s’être entêté pendant 20 ans alors qu’on ne gagne pas une guerre asymétrique avec une armée régulière.
Après cette débandade afghane, les Etats-Unis vont être durablement handicapés et auront du mal à aller hors de leurs frontières même pour sauver un allié ou une démocratie. Kaboul va constituer un marqueur des relations internationales.
Certains vont chercher à profiter de cette faiblesse de Washington pour avancer leurs pions :
  • La Chine pourrait être tentée de tester la capacité de réaction de Joe BIDEN en avançant sur Taïwan et en mer de Chine
  • L’Iran va probablement accentuer ses exigences dans le cadre des négociations sur le nucléaire
  • La Russie va tenter de saisir cette fenêtre de tir pour marquer des points en Ukraine ou dans les pays baltes.
De leur côté, les Européens devront enfin prendre leur destin et leur défense en main.
Plus généralement, la crédibilité américaine est écornée auprès des pays arabes qui vont chercher à se rapprocher de l’Iran, de la Russie ou de la Chine.  Depuis vingt ans, les relations entre les États-Unis et le monde arabe ont été marquées par trois stratégies différentes :
  • La deuxième guerre d’Irak. Après l’avoir justifié par le développement d’un programme nucléaire militaire et des liens avec Al Quaïda, raisons qui se sont avérées fallacieuses, Washington a après avancé l’objectif de vouloir instaurer la démocratie, sans se soucier du devenir des alliés monarques si le processus s’était diffusé. Au final, une guerre pour rien avec son lot de morts, de blessés, de destructions… sauf peut-être pour certaines compagnies américaines.
  • Le discours de Barak OBAMA à l’université du Caire le 4 juin 2009 a pour objectif de lancer un nouveau départ (« a new beginning ») pour les relations avec le monde musulman. Il cherche à marquer une rupture avec l’ère Bush. Il souhaite que le Proche Orient soit sans nucléaire militaire, ce qui explique la volonté de discuter et négocier avec les Iraniens. Au-delà du discours, aucun changement n’apparait dans la politique étrangère. Après la capture de Ben LADEN, Barak OBAMA aurait pu solder les comptes des guerres de Bush Jr, mais il n’en fait rien, sauf pour encourager les « printemps arabes » en facilitant le départ des Présidents Ben ALI et MOUBARAK.
  • Les accords d’Abraham vont permettre à Donald TRUMP de faire évoluer les relations entre Israël et le monde arabe. Israël est fragilisé par cet affaiblissement américain et une glaciation, voire une remise en cause partielle ou totale de ces traités n’est pas à exclure.
N’oublions pas que les relations entre le monde arabe et les États-Unis ont commencé dès leur naissance, et non le 14 février 1945 avec la célèbre rencontre entre le Président ROOSVELT et le Roi Ibn SAOUD sur l’USS Quincy sur les eaux du canal de Suez. Elles ont commencé à la fin du XVIIIème siècle. Pour sécuriser leur flotte de commerce en mer Méditerranée, Washington a signé des accords avec les pays du Maghreb alors qualifiés « barbaresques » et payé des tributs pour assurer la protection de ses navires. Cela n’a pas empêché la « première guerre barbaresque » (1801-1805) contre la régence de Tripoli.
Après Kaboul, Washington devra trouver un modus operandi avec le monde arabe, et plus généralement le monde musulman, même s’il aura des difficultés pour s’imposer dans cet Orient si compliqué.
Dans sa précipitation à quitter l’Afghanistan contre l’avis de son état-major, Joe BIDEN portera à tout jamais la marque de cette défaite. Pourquoi, au dernier sommet de l’OTAN en juin, a-t-il demandé aux Turcs de sécuriser l’aéroport de Kaboul ?
Alors qu’avec son slogan « America is back », il s’était clairement positionné contre Donald TRUMP et son objectif, « Make America great again », il est maintenant obligé de replier le drapeau et de rentrer à la maison. Joe BIDEN a clairement affiché son nouvel objectif « America First ». L’enjeu des semaines et mois à venir est d’élaborer une nouvelle politique étrangère. En a-t-il les capacités, les moyens, les équipes… ?
Dov ZERAH

N°263 : Le gâchis américain mardi 14 Septembre, 23:45

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