A l’époque il n’était pas finaliste de la Présidentielle. Ni même candidat. Le ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique s’était rendu en Israël il y a deux ans pour promouvoir l’écosystème d’innovation français. Pour convaincre les surdoués proche-orientaux de la start-up, il a multiplié les rencontres et a lancé officiellement, le 8 septembre 2015, le French Tech Hub Tel Aviv.

Emmanuel Macron a au moins un souvenir heureux de son jeune parcours de ministre de l’Économie : le formidable écho reçu par la délégation française lors du dernier salon mondial de l’électronique grand public, le CES, à las Vegas. En janvier dernier, les acteurs américains de l’écosystème d’innovation ont eu une révélation : la “French Tech” existe et elle est sacrément dynamique. Habilement fédérées pour la première fois sous ce label, les start-up françaises semblaient enfin entrer dans le club des innovateurs numériques qui comptent. En Israël cette semaine, Emmanuel Macron tente de réitérer l’exploit auprès d’un pays qui n’a aucun complexe vis-à-vis du géant américain. “La start-up Nation”, comme l’ont qualifié en 2009 dans un essai retentissant Dan Senor et Paul Singer, est en effet le pays du monde qui compte le plus de start-up par habitant.

Pin’s du Coq French Tech à la boutonnière, le ministre français de l’économie sillonne depuis deux jours le pays pour séduire centre de recherche, accélérateurs, capitaux-risqueurs, entreprises avec en point d’orgue l’ouverture le 8 septembre d’un festival digital, le DLD (digital life design), qui se tient à Tel Aviv. Mais pour vendre la French Tech, Emmanuel Macron ne se repose pas que sur son pin’s. Revue d’une stratégie bien huilée.

1. Vendre les compétences scientifiques françaises… avec humilité
La France a de bons ingénieurs et des mathématiciens hors pair, il faut que cela se sache. Pour l’accompagner dans son voyage, Emmanuel Macron a donc emmené Jacques Biot le directeur de l’école Polytechnique. Du lourd. Mais pas de fanfaronnade. Le Technion, la grande université technologique du pays, se targue de compter des anciens élèves parmi les fondateurs ou dirigeants des deux tiers des sociétés côtés au Nasdaq.

Le 6 septembre, c’est donc un accord de partenariat qui a été signé entre Polytechnique et le Technion. Un partenariat entre égaux en quelque sorte. L’objectif, après un premier accord en 2013, est de renforcer la coopération scientifique et l’échange des bonnes pratiques sur leurs incubateurs respectifs. Les liens ne sont pas que sur les parapheurs signés par Jacques Biot et Peretz Lavie, le président du Technion, sous les flashs des photographes.

Pendant la visite de cette institution nationale où de jeunes chercheurs en tongs du département de “computer science” réalisent des démonstrations, on croise dans un couloir Sébastien Derhy. Ce polytechnicien français est actuellement incubé au Technion. Il y a un an, il est venu en Israël monter une start-up qui permet de digitaliser son corps en 3D. “C’est la future balance, s’enthousiasme-t-il, aujourd’hui qu’on fasse du diet ou du fitness, la seule évaluation possible c’est le poids mais ce qui compte c’est la forme du corps.” La solution appelée bo3dy sera bien sûr accessible sur smartphone. Pour Sébastien, la France a “une bonne recherche mais pas toujours assez de lien avec l’entrepreneuriat”. Le ministre rappelle pourtant bien à tous ses interlocuteurs que le mot “entrepreneur” est français.

2 Promouvoir les réformes structurelles de la France… avec humour
Avant de vendre la créativité des start-up françaises, le ministre sait qu’il se heurte à la perception d’un environnement des affaires pas très compétitif. Les Français qui ont émigré — s’ils gardent une partie de leur cœur en France — ne sont pas toujours les meilleurs avocats de leur patrie d’origine. Emmanuel Macron égrène donc les réformes menées et à venir : meilleure compétitivité du coût du travail, simplification des relations sociales, déverrouillage d’un certain nombre de secteurs de l’économie. Il ne nie pas le niveau encore trop haut de dépenses publiques mais défend une trajectoire de baisse. “En France nous sommes à la frontière technologique de la taxation, nous avons inventé des taxes sur tout ce qui est possible et puis on les modifie souvent, c’est un beau sujet d’étude, tiens on pourrait faire un partenariat avec le Technion…”, s’amuse-t-il avec le public des parents d’élèves du lycée franco-israélien au cours d’une rencontre.

Monsieur le ministre est cash. À l’Université de Tel Aviv lors d’un forum d’affaires franco-israélien, il explique devant un auditoire un peu médusé qu’il va faire une grande réforme pour tenir compte des nouveaux enjeux de la digitalisation : “Nous allons changer les règles, déverrouiller tous les secteurs pour pousser les outsiders à tuer les insiders. Si les insiders résistent c’est qu’ils sont bons, sinon on permettra à une nouvelle génération d’entreprises d’émerger.” Un message nettement plus offensif qu’en France sur son futur projet de loi numérique.

3. S’accompagner de la fine fleur des start-up et des grands groupes
Pour vendre la French Tech et l’esprit entrepreneuriat, rien de mieux que de l’incarner. Le ministre se déplace donc avec une délégation d’une cinquantaine de chefs d’entreprises. Certes Jean-Baptiste Rudelle, fondateur de Criteo coté au Nasdaq, et Frédéric Mazzella de Blablacar, consacré leader européen du covoiturage qui a levé 100 millions de dollars cette année, ne sont pas là.

Mais Ludovic Le Moan, l’un des fondateurs de Sigfox qui se rêve en futur géant de l’internet des objets et qui a lui levé 100 millions d’euros, promène son large sourire et ses baskets un peu avachies au côté du ministre. Il était du dîner de quelques happy few organisé pour un petit groupe de Venture capitalistes influents de la place. Il est aussi là pour faire des affaires puisqu’il cherche des partenaires pour déployer son réseau en Israël. Jean-Manuel Rozan, qui a créé un moteur de recherche alternatif avec Qwant, n’a pas eu peur de se mesurer à un pays dont les équipes ont largement contribué à faire progresser ce domaine. Un ancien de l’Oréal, Stanislas Vandier, encore en phase d’amorçage avec WB (wired beauty) découvre le pays où son associé a déjà conclu un partenariat avec une start-up israélienne sur une technologie qui sera intégré à sa solution. Avec son concept de beauté connecté il veut “repenser la chaîne de valeur du secteur”.

Aux côtés des entrepreneurs du numérique, on croise aussi quelques industriels plus traditionnels car pour récupérer des donnés, il faut aussi des équipements. Serge Chatoire, d’Ariane espace, est venu faire avancer un contrat de lancement d’un petit satellite d’observation pour les équipes de recherche du Technion. Trois producteurs français, dont Emmanuel Chain, sont aussi de l’expédition puisque le secteur des médias est une des expertises des start-up israéliennes. C’est pourtant dans un accélérateur de Ramallah (politique oblige, une visite dans les territoires palestiniens est aussi au programme) que ce dernier semble avoir trouvé une pépite intéressante pour son business : une place de marché qui propose des sujets de freelance clés en main aux producteurs et aux diffuseurs.

S’il est venu pour vendre la France et ses opportunités d’investissement, Emmanuel Macron sait que les beaux discours n’y suffiront pas. L’enjeu est aussi de tisser des liens, d’apprendre des succès israéliens et de tirer parti de l’importante communauté francophone qui continue d’entretenir des relations avec la France. Pour cela il faut mettre en place un outil de réseautage efficace, c’est l’objet du French Tech hub Tel Aviv qui est lancé aujourd’hui. Le 4e après San Francisco, New York et Boston.

Anne-Sophie Bellaiche, à Tel Aviv

Source: http://www.usine-digitale.fr/editorial/comment-emmanuel-macron-vend-la-french-tech-a-la-start-up-nation.N348484

Source : IsraelValley

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