Saul Ausländer fait partie des Sonderkommando du camp Auschwitz et doit, à ce titre, assister les nazis dans leur entreprise d’extermination. Un jour, il tombe sur le corps d’un petit garçon dans lequel il croît reconnaître son fils et va tout faire pour lui trouver une sépulture.

Pour son premier film, Grand Prix du Festival de Cannes en 2015, le réalisateur Laszlo Nemes a choisi l’un des sujets les plus délicats qui soient : l’Holocauste. La caméra vissée à son personnage et l’utilisation particulièrement judicieuse du hors-champ font de son film une prouesse cinématographique qui évite les principaux écueils de son sujet, selon les critiques du Monde Jacques Mandelbaum et Isabelle Regnier. ( Lemonde.fr)

 

 

CINÉMA – Le Fils de Saul – qui sort le 4 novembre – serait-il le seul film jamais tourné par Laszlo Nemes, qu’il suffira à marquer l’histoire du cinéma.

Photo du film "Le fils de Saul". (Ad Vitam)

Un film sur l’extermination avec grand angle et plans larges aurait été obscène. Claude Lanzmann le sait qui, avec Shoah, a réalisé un monument indépassable par son ampleur, sa force et son universalité. Or le premier long métrage de Laszlo Nemes en est un prolongement qu’on pensait impossible : c’est une fiction, dans les abîmes du monde, lue à travers le regard et uniquement le regard de Saul, juif hongrois déporté et affecté aux Sonderkommandos.

Sa tâche : aider les nazis à entasser dans les chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau en cet été 1944, les 12.000 hommes, femmes et enfants à éliminer chaque jour. Puis, nettoyer les lieux une fois le Zyklon B dissipé, et traîner les cadavres jusqu’aux chariots qui les déverseront dans les fours crématoires, avant de disperser leurs cendres, pour qu’invisible reste le crime.

La survie de Saul, quelques semaines.
Son regard, mort.
Son humanité, abolie.

Jusqu’au moment où il croit reconnaître son propre fils dans un des cadavres retirés de la chambre à gaz, et où il veut, désespérément, dans une quête aussi absurde qu’impossible, lui donner sépulture et prière afin qu’il ne parte pas comme les autres, en fumée.

Le son est infernal : un vacarme incessant, les voix, les cris, les ordres, et le grondement sourd des crématoires, en permanence, en bruit de fond. L’image est suprêmement pudique. On ne voit pas, mais on devine les corps, entassés nus dans les salles de supplice, puis devant les fosses quand les fours seront si pleins que les SS ne parviendront pas à tuer, au rythme fou des arrivées.

On voit l’odeur, on entend les regards, on touche le chaos brûlant. Nos sens sont secoués comme jamais alors que rien n’est vraiment montré.

Le réalisme du film tient à son irréalisme même. L’usage très intelligent du flou et un cadrage étroit, donnent au cauchemar une image à la fois précise et perdue : pour la première fois de ma vie, j’ai eu la vision de ce qu’on appelle l’enfer. Et notre imagination fait se tordre, sous le gaz et dans le feu, les corps des damnés, sans qu’on les montre, jamais.

Il faut voir ce film parce qu’il est d’une puissance inimaginable. Parce que c’est un monument de cinéma qui bouleverse les corps et les esprits. Parce que, comme pour tous les récits des survivants d’Auschwitz, de Phnom Penh, de Kigali, plus on avance dans la connaissance et moins on comprend comment des hommes ont pu imaginer, élaborer, exécuter une telle extermination, sans épouvante et sans horreur, et pour beaucoup, paisiblement survivre.

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László Nemes

A la sortie de la salle obscure, on remercie Laszlo Nemes pour ce choc inoubliable et on a envie de bénir chaque goutte du doux soleil d’automne qui apaise les hallucinations, sans effacer la folle empreinte au fond de la gorge.

Anne Sinclair Headshot

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Serge LALOUM

Pourrait-on dire aux journalistes, qu’en français, on prononce « Sa- ü – l « , et non « Sol »!
Il y a un tréma, ce n’est pas pour rien.
En Hébreu, c’est autre chose.