Le musicien canadien Leonard Cohen, poète mélancolique et symbole d’une génération post-soixante-huitarde bercée par sa voix grave, est décédé à l’âge de 82 ans.
« C’est avec une profonde tristesse que nous faisons part du décès du poète, compositeur et artiste légendaire Leonard Cohen », a écrit jeudi son agent sur la page Facebook du musicien.
« Nous avons perdu l’un des visionnaires les plus prolifiques et respectés du monde de la musique », poursuit le communiqué. Une cérémonie sera organisée aux Etats-Unis, à Los Angeles où il vivait, « à une date ultérieure ».
« La famille demande à ce qu’on respecte son intimité pendant son deuil », ajoute le communiqué.
« Leonard Cohen était un musicien sans égal, dont l’oeuvre époustouflante et originale avait touché des générations de fans et d’artistes », a écrit de son côté sa maison de disques, Sony Music.
« Son extraordinaire talent a eu un impact profond sur un nombre incalculable de chanteurs et de compositeurs, et sur la culture en générale », a commenté l’Académie des Grammys qui lui avait remis en 2010 un prix spécial pour l’ensemble de son oeuvre.
Denis Coderre, le maire de Montréal, ville natale de Leonard Cohen, a annoncé la mise en berne des drapeaux de l’Hôtel de ville.
Des mélomanes se sont rapidement rassemblés devant son domicile, au cœur du Plateau de la métropole québécoise, où ils ont entonné ses succès et allumé des bougies.
« La musique de Leonard Cohen était comme nulle autre, mais a pourtant transcendé les générations », a rappelé Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, également originaire de Montréal.
« Je te suivrai bientôt »
Né le 21 septembre 1934 dans une famille juive aisée de Montréal, Leonard Cohen a composé certains des hymnes les plus envoûtants des dernières décennies.
Plusieurs générations ont fredonné et dansé sur ses titres les plus célèbres. « Suzanne » ou « So Long Marianne » illustrent, en 1967, un premier recueil de chansons marquées par le mal-être et le dépit amoureux.
Son album suivant, deux ans après, est à la fois marqué par des influences country avec « Bird on the Wire » – l’un de ses plus grands succès, repris par de nombreux artistes comme Johnny Cash ou Joe Cocker -, mais aussi par des titres plus sombres. « The Partisan », adaptation de « La Complainte du Partisan », ou encore « Seems so long ago, Nancy » reflètent cette noirceur.
Avec son influence incontestée, Leonard Cohen avait disparu de la scène dans les années 1990, préférant se réfugier dans le bouddhisme, devenant même moine en 1996.
Dépouillé par son imprésario, Cohen était revenu à la chanson moins d’une décennie plus tard, plus créatif et productif que jamais.
Il avait alors jugé qu’à son âge, il était temps d’être moins sage avec sa santé et, sous forme de cabotinage, il avait pris comme résolution de recommencer à fumer.
Il avait fêté le 21 septembre ses 82 ans avec un nouvel album hanté par la mort, noyant sa solitude dans des chansons toujours aussi sombres.
Avec sa voix grave toujours murmurée, Leonard Cohen s’interrogeait dans « You Want It Darker », son 14e opus, sur la nature de l’homme et d’un dieu tout puissant.
La mort planait dans cet album, comme un rappel d’une issue inexorable sans doute plus manifeste avec le décès en juillet de sa muse Marianne Ihlen, amoureuse devenue célèbre dans sa chanson « So Long Marianne ».
En forme de clin d’œil, la pochette de son dernier album montre un Leonard Cohen mal rasé, une cigarette entre les doigts.
Il apparaissait affaibli dans un entretien publié en octobre dans le magazine New Yorker. « Il était assis dans une grande chaise médicale bleue, afin d’alléger la douleur des fractures par compression dans son dos », écrivait le journaliste David Remnick, qui l’avait rencontré.
« Il est maintenant très aminci, mais toujours beau, avec une chevelure poivre et sel et des yeux perçants. Il portait un costume bien coupé bleu nuit, même dans les années 1960 il portait des costumes », décrivait-il.
« Je pense que je te suivrai bientôt », avait écrit Leonard Cohen juste après le décès de Marianne Ihlen. « Sache que je suis si proche derrière toi que si tu tends la main, je crois que tu peux toucher la mienne. »