Le Brexit, Israël et les Juifs 

 

Les résultats du référendum du 23 juin concernant le Brexit, soit qui consiste à statuer pour savoir si le Royaume Uni devrait demeurer au sein de l’Union Européenne ou la quittter, aura des conséquences pour Israël, qu’elles soient directes ou indirectes. Les sondages indiquent que ces résultats seront très serrés[1]. Si la majorité des Britanniques votent pour rester dans l’UE, il s’agira d’un coup de pouce pour l’Union. Il est peu probable qu’il puisse y avoir, ensuite un nouveau référendum britannique sur le même sujet, durant plusieurs années à venir. En outre, il est probable qu’aucun autre pays membre ne consulte ses citoyens pour savoir s’ils veulent rester ou quitter l’Union Européenne.

Israël a un intérêt manifeste à savoir si la forme actuelle des adhésions à l’existence de l’UE, telle qu’elle est actuellement, va se poursuivre ou non, bien que grandement affaiblie sur le plan intérieur. Comme d’autres organismes supra-nationaux, l’UE fait, en effet, une discrimination scandaleuse contre Israël. Elle fait régulièrement de l’incitation à l’encontre d’Israël et s’ingère dasn ses affaires internes. L’U.E applique des normes à deux vitesses dans ses relations avec Israël, comme par l’exigence de stigmatisation des produits de Judée-Samarie et du Golan. Il s’agit d’actions antisémites selon la définition de cette haine par l’IHRA qui a été acceptée par de nombreux pays[2]. Aucune autre requête de ce genre n’est formulée pour d’autres pays ayant à faire avec une réalité territoriale identique. Dans leur posture anti-israélienne, les actions de l’UE ont plus à voir avec les lois impérialistes qu’avec les préceptes de la loi internationale qui, prétend t-elle, gouvernerait ses décisions et attitudes.

Pourtant, Si la Grande-Bretagne sort de l’UE, l’instabilité qui va en résulter en Europe pourrait potentiellement entraîner plus de désavantages par la suite pour Israël. Un Brexit pourrait aussi libérer le Royaume-Uni de ses engagements d’agir dans la ligne des politiques globales de l’UE. Si, sans l’entrave de ces engagements, un gouvernement dirigé par le Parti Travailliste remporte les élections britanniques à l’avenir, les problèmes qui en résulteraient pour Israël pourraient grandement augmenter.

Ce serait encore plus probable si Jeremy Corbyn, l’actuel dirigeant du parti qui appelle « ses amis » le Hamas et le Hezbollah, devenait Premier Ministre. Cela pourrait ensuite générer une situation où de nombreux postes gouvernementaux sont occupés par des incitateurs extrémistes à la haine contre Israël. Si le Parti Travailliste monte au pouvoir, alors que le Royaume-Uni demeure dans l’UE, le besoin de rester plus ou moins dans la ligne des autres pays-membres constitue une force contraignante et un frein à son anti-israélisme viscéral. C’est pourquoi je pense qu’une victoire des partisans de la prudence de Demeurer dans l’UE, de préférence avec une très faible majorité, serait dans le meilleur intérêt d’Israël.

Il n’y a que de très rares personnalités qui ont déclaré publiquement que leur point de vue sur le Brexit est déterminé par leur judéité ou par leur attitude envers Israël. L’éditorialiste et auteure Mélanie Phillips a écrit : « Je suis en faveur de la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE, afin qu’elle puisse redevenir à nouveau une nation démocratique et gouvernée uniquement par elle-même. Je crois aussi que ce serait dans l’intérêt des Etats-Unis, d’Israël et de l’Europe elle-même, sil’Union Européenne devait éclater ». Elle ajoutait : « Les migrations incontrôlées, l’Islamisation et l’absence de la moindre capacité de rendre responsables les dirigeants de l’UE, ont provoqué une aliénation massive dans l’opinion publique européenne des principaux courants politiques. C’est ce qui a aussi forgé un soutien croissant aux partis ultra-nationalistes et extrémistes[3]« .

La journaliste Angela Epstein, également en faveur du Brexit, fait référence à « L’histoire sanglante du fascisme pan-Européen[4] « . L’universitaire Geoffrey Alderman conclut une analyse de longue haleine sur les pro et les anti-Brexit en écrivant que : « Le Brexit revient à une simple question de souveraineté. En tant que Jew religieux pratiquant, je prie pour le bien-être de la nation. Et voilà pourquoi je voterai pour le Brexitle 23 juin[5]« .

Certains Juifs bien connus ont exprimé leur opinion personnelle sur le Brexit, qui n’est pas fondée sur le fait d’être Juif. Par exemple, Moshe Kantor, Président du congrès Juif Européen,s’oppose au Brexit. Ce milliardaire russe qui vit à Londres,le fait pour des raisons économiques[6].

Il existe un groupe de Juifs vivant au Royaume-Uni qui a potentiellement beaucoup à redouter d’un Brexit. Il s’agit de la colonie en pleine expansion des Juifs de France, qui, au ours de ces dernières années, ont quitté la France pour la Grande-Bretagne. Une partie l’a fait à cause de l’antisémitisme croissant en France[7]. Ils pourraient bien devoir passer par des procédures bureaucratiques compliquées pour prolonger leur droit de vivre et de travailler au Royaume-Uni. En cas d’évolution extrême, certains pourraient même perdre leur résidence britannique.

Les Britanniques connaissent de nombreux problèmes dans la conduite de leur propre pays. Pourtant, comme bien d’autres gouvernements européens, ils prétendent savoir, de façon erronée, ce qui est mieux pour Israël et ils s’ingèrent régulièrement dans les affaires internes à Israël. Le gouvernement israélien, au contraire, s’est sagement tenu à l’écart du débat sur le Brexit. Cependant, une ONG israélienne, Regavim, s’est associée à des expats britanniques anonymes vivant en Israël, pour mettre sur pied une campagne internet afin de soutenir le Brexit. Elle a diffusé sur la toile un clip d’une fausse conférence de presse du Hamas, faisant l’éloge de l’UE à cause de ses constructions -illégales- de logements dans la Zone C, de sa labellisation des produits de Judée et Samarie et du Golan, et de l’aide financière de l’UE mise à la disposition des Palestiniens, dont une partie est employée pour la construction des tunnels de la terreur du Hamas et à soutenir les terroristes en les salariant à vie dans les prisons israéliennes[8].

Il y a bien d’autres aspects du débat sur le Brexit, qui ont une pertinence certaine, d’un point de vue israélien et/ou juif. Comme dans presque dans n’importe quelle question d’importance, la Shoah et la Seconde Guerre Mondiale servent à illustrer la rhétorique. Le Ministre britannique et ancien maire de Londres Brois Johnson, parmi les dirigeants de la Campagne sur le Brexit, a invoqué Winston Churchill et appelé les Anglais à être, une fois encore « Les héros de l’Europe ». Johnson a dit de l’intégration européenne : « Napoléon, Hitler et divers autres personnages s’y sont essayé et cela s’est fini tragiquement[9]« .

L’ancien Vice-Premier Ministre conservateur Lord Heseltine a écrit une réplique énergique à Johnson[10]. Cependant, Andrew Roberts, un historien anglais prédominant, s’est exprimé pour soutenir ce dernier en déclarant : « Je pense que Boris Johnson a absolument raison d’un point de vue historique ». Il a ajouté : « Il y a quelque chose d’intrinsèquement déstabilisant à essayer de faire tenir ensemble 30 Etats aux intérêts divergents en une seule et même entité politique. Cette solution toute faite ne marche pas, sur le plan historique à proprement parler. La campagne pour demeurer dans l’Europe dénonce quelque chose que Boris n’a pas dit et c’est un argument d’homme de paille de faire dire à quelqu’un quelque chose qu’il n’a pas dit, en tout premier lieu[11]« . L’ancien chancelier Lord Lamont a déclaré qu’il ne faisait « aucun du toute possible » que la survenue du parti fasciste l’Aube Dorée en Grèce est « directement liée à l’austérité sadique » imposée au pays par l’Union Européenne[12]

Il y a environ dix ans, j’ai interviewé le sociologue français Shmuel Trigano pour mon livre : Israel and Europe: An expanding Abyss.  [Israël et l’Europe, un fossé grandissant]. A l’époque, il avait déjà une mauvaise opinion de l’Europe et m’avait dit : « Il y a déjà eu trois empires européens, précédemment, sous Charlemagne, Napoléon et Hitler, caractérisés, respectivement, par l’évangélisation, la domination et la terreur. Cela n’a vraiment rien de rassurant ». Il ajoutait que l’UE avait même un désavantage comparée à l’empire napoléonien, qui était tenu par un dirigeant charismatique et disposait d’un centre politique. L’Union Européenne, cependant, n’a que ses « quartiers-généraux administratifs t bureaucratiques à Bruxelles[13]  « . 

En définitive, il y a un aspect supplémentaire du débat sur le Brexit qui est d’une certaine importance pour Israël. Il y a encore ceux qui, en Israël, pensent que l’Europe est une sorte de paradis de civilisation si on la compare à leur propre pays. Ils devraient regarder attentivement les multiples crachats, insultes et accusations échangés entre les divers protagonistes de la campagne du Brexit.

Le parti travailliste est, actuellement, au plus bas dans les sondages d’opinion, à cause de l’ascendance du leader d’extrême-gauche Jeremy Corbyn. Mais le débat sur le Brexit, à l’occasion, semble littéralement déchirer le parti conservateur. Le Premier Ministre David Cameron, qui est favorable au maintien dans l’UE, a accusé ceux qui font campagne pour le Brexit, de six mensonges couvrant l’économie, la sécurité et la souveraineté britannique[14]. La députée conservatrice et partisane du Brexit Nadine Dorries a déclaré qu’elle et ses collègues, ne fontplus confiance à Cameron ni au Chancelier de l’Echiquier, Osborne, à cause de leurs « mensonges répétés » au cours de la Campagne pour le maintien dans l’UE[15].  Ces deux petits exemples font partie d’un océan de mots tirés d’un langage outrancier et d’un catastrophisme sans fond.

 

Par Manfred Gerstenfeld
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Le Dr. Manfred Gerstenfeld est membre du Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem, qu’il a présidé pendant 12 ans. Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.


[1] http://uk.reuters.com/article/uk-britain-eu-poll-times-idUKKCN0YS2DM

[2] www.holocaustremembrance.com/sites/default/files/press_release_document_antisemitism.pdf

 

[3] www.jpost.com/Opinion/AS-I-SEE-IT-Brexit-and-the-Jewish-question-452536

[8] www.jpost.com/Israel-News/Israeli-NGOs-pro-Brexit-campaign-joins-debate-among-British-expats-453583

[10] www.telegraph.co.uk/news/2016/05/21/boris-heseltine-and-the-epic-row-over-hitler-that-just-wont-die/

[13] Manfred Gerstenfeld interview with Shmuel Trigano, “The European Union: Continuously Creating Problems for Israel and the Jews.” in Israel and Europe;An Expanding Abyss (Jerusalem: JCPA, Konrad Adenauer Stiftung, 2005) 82.

[14] www.theguardian.com/politics/2016/jun/07/cameron-accuses-eu-leave-campaigners-six-lies-brexit

[15] www.dailymail.co.uk/news/article-3614903/Cameron-Tory-MP-says-PM-survive-wins-EU-referendum-raises-prospect-snap-general-election-Autumn.html

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[…] soient directes ou indirectes. Les sondages indiquent que ces résultats seront très serrés[1]. Si la majorité des Britanniques votent pour rester dans l’UE, il s’agira d’un coup de pouce […]

Marie Esther

Quelle idée pour des juifs de quitter la France pour l’ Angleterre. C’est la même Europe avec les mêmes réflexes pavloviens anti israéliens brexit ou pas
Quand est ce que les juifs vont comprendre qu’ils ont un pays un seul Israël