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L’Arrêt Brita ou la méprise de la Cour de Justice Européenne en matière d’étiquetage
Le quotidien Haaretz du 6 novembre 2015 l’annonce : l’Union Européenne doit publier, le 11 novembre 2015, les nouvelles lignes directrices concernant l’étiquetage des produits en provenance des implantations de Cisjordanie, à destination des chaînes de distribution européennes. La publication devait intervenir il y a de cela un mois, mais la chef de la politique étrangère de l’UE, Federica Mogherini, l’a différé en raison de la multiplication des assassinats d’israéliens par des Palestiniens. Pour leur part, le Ministère des Affaires Etrangères et le premier Ministre israélien poursuivent leurs efforts pour qu’elle n’intervienne pas :
« l’étiquetage n’aide pas le processus de paix, il est discriminatoire, et incite au boycott et à la terreur ».  Il convient donc de revenir sur l’Arrêt Brita de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 25 février 2010 (C-386/08 Firma Brita GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Hafen), qui s’est mépris sur le principe de l’étiquetage, en violant les accords d’Oslo du 28 septembre 1995.
Lors de la Conférence de Barcelone des 27 et 28 novembre 1995, l’Union Européenne s’est engagée dans le développement d’un partenariat avec les pays du pourtour méditerranéen, dont Israël (avec l’accord signé le 20 novembre 1995), et l’Olp (agissant pour le compte de l’Autorité Palestinienne, de la Cisjordanie, et de la Bande de Gaza), signé le 24 février 1997. Ces accords (dont l’entrée en vigueur est intervenue en juin 2000), ont instauré une exonération des droits de douanes à l’importation et à l’exportation des produits en provenance des pays signataires. Sur le plan territorial, l’accord de l’Union européenne avec Israël s’est limité aux produits en provenance des territoires situés à l’intérieur de la ligne verte, alors que l’accord avec l’Olp concerne les produits de Cisjordanie et de la bande de Gaza.
L’inconvénient de la Conférence de Barcelone et des accords signés entre l’Union Européenne et Israël (ou l’Olp), résulte de ce qu’ils n’ont pas pris en compte la situation géopolitique nouvelle, issue de l’accord israélo-palestinien du 28 septembre 1995, appelé Oslo II, qui a organisé le découpage de la Cisjordanie : la zone A sous contrôle palestinien, comprenant les sept grandes villes palestiniennes (Jénine, Qalqiliya, Tulkarem, Naplouse, Ramallah, Bethléem et Hébron soit 20 % du territoire), la zone B qui comprend les autres localités palestiniennes avec un contrôle civil palestinien et un contrôle sécuritaire israélien (soit 20 % de territoire), et la zone C sous contrôle exclusif, sécuritaire et administratif, israélien ( 60% du territoire).
Compte tenu de cet accord passé avec l’Autorité palestinienne, l’Etat hébreu a, immédiatement, exporté sous certificat israélien, les produits en provenance de la zone C. L’Union Européenne s’est donc interrogé sur la validité des certificats émis par Israël sur les biens en provenance de ces territoires. Par souci de transparence, la Commission Européenne a édicté un arrangement technique (avis n°2005/C 20/02) exigeant, à compter du 1er février 2005, que soit mentionnées les villes et la zone industrielle de provenance des produits sur le certificat de circulation des produits. Israël n’a pas pour autant cessé d’apposer les certificats israéliens sur les produits provenant de la zone C de Cisjordanie.
Le Gouvernement Britannique, passablement énervé par ce mode opératoire, a finalement décidé de diligenter une enquête sur les produits agricoles exportés par Israël, dans la mesure où les certifications ne garantissaient pas la provenance des produits, en dépit des mentions figurant sur le certificat d’origine. Les inspecteurs des douanes anglais ont d’ailleurs dénombré de nombreuses irrégularités mais sans jamais les sanctionner. Le Royaume uni s’est finalement contenté de publier un code de bonne conduite, non contraignant, « priant les distributeurs de biens vouloir différencier l’étiquetage des produits issus des implantations juives de Cisjordanie ». Rien n’y a fait. Israël a continué d’apposer les certificats israéliens sur les produits en provenances des implantations juives de Cisjordanie, tant sur les emballages que sur les documents de certification. C’est dans ce contexte qu’est intervenu l’Arrêt Brita.
La société allemande Brita importait des gazéificateurs d’eau, fabriqués par la société Soda Club de Mishor Adumim en Cisjordanie. Le service allemand des douanes a refusé d’accorder le tarif douanier préférentiel en raison de la zone géographique de provenance des produits, bien que les autorités israéliennes indiquaient qu’ils provenaient d’une « zone sous responsabilité douanière israélienne ». La société Brita a contesté la décision devant le Tribunal de Finances de Hambourg qui a saisi la Cour de Justice Européenne d’une question préjudicielle :
– Les marchandises fabriquées en Cisjordanie peuvent-elles bénéficier du régime préférentiel instauré par l’accord Europe-Israël ?
– En cas de réponse négative à cette première question, l’État d’Israël peut-il se prévaloir de l’accord UE/OLP pour certifier des produits fabriqués en Cisjordanie ?
– Les certificats délivrés par Israël pour ces produits issus des territoires occupés sont ils opposables aux pays européens ?
La Cour de Justice a répondu par la négative aux trois questions et précisé que l’accord d’association UE-Israël dispose que celui-ci s’applique au « territoire de l’État d’Israël » (art. 83) alors que l’accord d’association UE-OLP s’applique au « territoire de la Cisjordanie et de la bande de Gaza » (art. 73). En d’autres termes, et selon la Cour de Justice, seule l’Autorité Palestinienne est compétente pour délivrer les certificats des produits fabriqués par les entreprises de la zone C de Cisjordanie (sic).
Bien évidemment, cette décision est parfaitement absurde en ce qu’elle ne tient pas compte des prérogatives israéliennes sur la Zone C. Aussi, aucun Etat n’a véritablement suivi cette jurisprudence. Pour mémoire, la France se contente de « l’avis aux importateurs » C 20 du 25 janvier 2005, par lequel les exportateurs sont censés être d’une parfaite transparence sur l’origine des produits. Le Ministre des Affaire Etrangères Laurent Fabius a même envisagé, en 2013, de publier un « code de conduite sur l’étiquetage distinctif », comme au Royaume Unis ou au Danemark, pour éviter d’appliquer la Jurisprudence absurde « Brita ».
Pour leur part, les partisans du boycott des produits en provenance de la Zone C, jouent avec cette qualification imparfaite antérieurement donnée à la Cisjordanie, en l’occurrence les « territoires (jordaniens) occupés par Israël à compter de 1967 ». Ces territoires ne sont plus occupés puisque la Jordanie n’est plus souveraine sur la Cisjordanie depuis  le 31 juillet 1988. Les ennemis d’Israël ont donc substitué à cette qualification, celle de « territoires palestiniens occupés ». Ils se régalent donc en invoquant le Traité de Genève sur « l’occupation de territoires », ou les transferts de populations sur le « territoire palestinien occupé ». En réalité, il n’y a aucun territoire occupé en Cisjordanie puisque le contrôle israélien de la Zone C, résulte des accords signés par Yasser Arafat, en septembre 1995.
Il conviendrait donc de poser une nouvelle question préjudicielle à la Cour de Justice Européenne : comment refuser la certification israélienne des produits en provenance de la Zone C de Cisjordanie alors qu’Israël y exerce toute les prérogatives en vertu, non d’une occupation illégale, mais d’un contrat signé par l’Olp ? La Cour de Justice, tenue de respecter les accords internationaux, l’autorisera.
Maître Bertrand Ramas-Muhlbach

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