Comment Daesh recrute ses terroristes-suicide
Alors que les agents de chaque branche [des cellules de renseignements de Daesh en Syrie] sont des Syriens typiques, leurs chefs ne le sont pas. Pour certaines raisons qu’Abu Khaled ne peut expliquer, les chefs des amniyeen tendent généralement à être des Palestiniens de Gaza. Les larmes de crocodile du Fatah, Hezbollah, Hamas doivent être prises pour ce qu’elles sont : de la pure hypocrisie.
On découvre, le mercredi 18 novembre, la première femme-kamikaze française de Daesh en plein coeur de Saint-Denis. Les premières femmes-kamikazes à emboîter le pas du Hezbollah, dans les années 2000, étaient les Palestiniennes du Fatah de Yasser Arafat et aujourd’hui Mahmoud Abbas, formées par Marwan Barghouti, chef des Brigades des Martyrs d’Al Aqsa, qui continue d’être adulé par les mairies communistes de… Seine-Saint-Denis!!!.
Ils viennent de Russie, de France -et même du New Jersey – pour donner leur vie à « l’Etat Islamique ». Mais un déserteur de Daesh révèle que les vieux espions de Saddam Hussein sont ceux-là même qui appuient sur la gâchette.
Avec toute l’attention qui est accordée à l’Etat Islamique -Daesh, très peu est consacré sur son travail à l’interne. Mais un homme qui prétend être membre des soi-disant services de sécurité de Daesh nous aide à faire un bond en avant en nous donnant accès à cette vision de l’intérieur. Cette série de reportages est fondée sur plusieurs jours d’interview avec un espion de Daesh.
Des espions comme seul Daesh en produit
ISTANBUL— »Devenir terroriste-suicide est un choix » dit cet homme qu’on appellera Abu Khaled, en écrasant une Marlboro rouge et en allumant une suivante. « Lorsque vous rejoignez Daesh, durant la formation théologique, ils vous demandent : « Qui veut devenir un martyr? » Des gens lèvent la main et ils sont affectés à un autre groupe ».
Le nombre de recrues décline, m’a dit l’ancien officier et instructeur des renseignements de Daesh, sur les rives du Bosphore. Mais, au moins, au cours de ces cours d’endoctrinement, on ne cherche pas de jeunes gens qui seraient partants pour un voyage expéditif au Paris. « Ils restent volontaires », déclare Abu Khaled.
Dans le vaste monde, hors d’al-Dawla al-Islamiya, le Califat islamique, nous avons eu quelques aperçus sur ces jeunes zélotes incendiaires.Il y a eu, par exempel, ,Jake Bilardi, un Australien de 18 ans parti en Syrie et en Irak, qui, si on en juge par le contenu de son blog qu’il a laissé alors qu’il était encore à Melbourne, a fait une transition sans heurt entre le Chomskyisme (critique antisioniste et anti-occidentale) au Takfarisme (la doctrine sunnite sur laquelle s’appuie Daesh), avant de déclencher sa bombe à un barrage routier en Irak.
Abu Abdullah al-Australi, avant d’aller chercher la mort à Ramadi, était convaincu de mener un acte noble de sacrifice de lui-même, en devenant kamikaze pour le Califat. Pour lui, le djihad avait commencé chez lui, à domicile. « Le tournant dans mon développement idéologique », a t-il écrit, a coïncidé avec le « début de ma haine et de mon aversion complète envers la totalité du système australien et celui sur lequel la majorité du monde se fonde. C’est aussi le moment où j’ai réalisé que la révolution violente globale était nécessaire afin d’éliminer ce système de gouvernement et que je serai certainement tué au cours de cette lutte ». Il avait raison sur cette dernière partie, si ce n’est sur la façon dont ses chers camarades révolutionnaires ont déterminé sa valeur d’utilité.
Pour des raisons pragmatiques, Daesh a longtemps toléré l’homogénéité au sein des rangs de ses Katibas, pou bataillons militaires, un peu de la même façon que les Républicains espagnols le faisaient au sein de leurs brigades internationales au cours de la guerre civile espagnole.L’un des katibas les mieux entraînées et les mieux équipées, porte le nom d’Anwar al-Awlaki, cet Imam d’Al Qaïda né Américain, qui a été éliminé par unre frappe de drone américaine au Yémen en 2011. « Tout est écrit et se fait en anglais au sein de cette katiba », affirme Abu Khaled. « Et nous en avons une autre avec plein d’américains appelée Abu Mohammed al-Amiriki. Elle porte le nom d’un type du New Jersey.Il a été tué par les Kurdes à Kobané. Cette katiba dispose aussi de nombreux étrangers ».
Un peu tard, cependant, les katibas délimitées sur le plan ethnique et linguistique ont été dissoutes et reconstituées en katibas plus mélangées, en raison des conséquences indésirables du fait d’avoir réuni ensemble trop de gens provenant des mêmes endroits, ou ne parlant qu’une seule langue. Al-Battar, l’un des bataillons les plus forts au sein de l’armée de Daesh, étaient constituée de 750 Libyens. Ses hommes, selon Daesh, étaient plus fidèles à leur Emir qu’ils ne l’étaient envers l’organisation. Aussi a t-on dissout Al-Battar.
Peu de temps après avoir rejoint Daesh, Abu Khaled avait pour mission de trouver une katiba francophone d’environ 70 à 80 djihadistes qui ne parlaient pas du tout arabe. Ces hommes ont rédigé et signé une pétition et Abu Khaled l’a transmise aux Quartiers-Généraux de Raqqa. Cette pétition a été rejetée. Pourquoi? Ils m’ont dit : « On a eu un problème auparavant avec les Libyens. Nous ne voulons pas que les Français restent dans une seule et même Katiba ».
Les Russophones sont également considérés comme des voyous semeurs de troubles, dans al-Dawla (le Califat). Tous les djihadistes du Caucase ou des anciennes républiques soviétiques tendent à être regroupés sous le même générique de « Tchétchènes ». Et comme Abu Omar al-Shishani, un Tchétchène originaire de Géorgie, est l’un des Commandants le plus renommés et reconnus sur le terrain au sein de Daesh, les « Tchéchènes » (ou réputés tels) dirigent leurs propres affaires avec très peu de supervision ou de commandement et de contrôle de la part de Raqqa. Cela n’a fait qu’éveiller la suspicion et la vigilance parmi les Arabes et les djihadistes régionaux. « Je me trouvais alors à Raqqa et il y avait cinq ou six Tchétchènes. Quelque chose les a rendus fou. Ils sont alors allés voir l’Emir de Raqqa. Il avait tellement la trouille qu’il a ordonné à Daesh de déployer des snipers sor les toits des immeubles. Il pensait que les Tchétchènes allaient l’étriper. Ces snipers sont restés sur le toit deux heures durant ».
L’annonce faite par Daesh de la fin des frontières artificielles imposées par les puissances impériales européennes a conduit aux conséquences indésirables de la création d’un impérialisme djihadiste. Les cercles dirigeants de Daesh, après tout, sont essentiellement irakiens et s’il y avait un objectif politique par opposition à un but uniquement religieux, qui soulignait toute son activité, ce serait la restauration d’un pouvoir sunnite à Bagdad. En effet, la franchise qui agit en Mésopotamie peut être considérée comme plus « nationaliste » dans ses orientations que celle présente au Levant (Syrie), où les muhajiureen saoûlés à la « fin des accords Sykes-Picot » semblent ne pas réaliser qu’ils se font exploiter par les anciens hommes de main de Saddam Hussein.
***
Plutôt structurés comme de véritables mukhabarat régionales, ou des services de renseignements des tyrans traditionnels arabes, Daesh cherche, semble t-il à extirper des amniyat, ou des services de sécurité, constitués de quatre agences distinctes ou secteurs, chacune ayant son propre rôle.
Il y a le Amn al-Dakhili, qui est l’équivalent du Ministère de l’Intérieur de Daesh. Il est chargé de maintenir la sécurité dans chaque ville.
Puis, il y a l’Amn al-Askari, ou les renseignements militaires de Daesh, ses hommes chargés des missions de reconnaissance et les anatomistes des positions et des capacités de combat de l’ennemi.
Amn al-Kharji constitue les renseignements étrangers et extérieurs de Daesh, dont les opérationnels sont envoyés « derrière les lignes ennemies » pour mener des activités d’espionnage ou des complots et conduire des opérations terroristes. Mais les « lignes ennemies » ne symbolisent pas seulement les pays et les villes d’Occident ; toutes les zones de Syrie contrôlées par l’Armée Libre Syrienne ou le régime d’Assad et qui ne font ainsi pas partie des limites du Califat, requièrent de disposer d’atouts sur place pour pénétrer ces lignes.
Cette façon de procéder est cruciale dans la façon dont l’organisation « s’étend » en Syrie et en Irak – en expédiant des veilleurs pour recruter des agents et des informateurs ou recueillir des renseignements sur les groupes rivaux, qu’il s’agisse de milices ou d’armées étatiques. Abu Khaled insiste de façon répétée sur le fait que c’est bien le sourcing (lesbonnes sources) et non pas tant la puissance martiale qui rend Daesh aussi formidable dans sa façon de s’emparer et de conserver des territoires.
D’autres s’accordent sur ce point. Il y a quelques mois , Christophe Reuter du Der Spiegel a publié un exposé fondé sur des documents internes pris à Daesh qui démontre la compartimentalisation et la segmentation prudente de ces amniyat.
En d’autres termes : tous les soi-disant alliés des américains en Syrie ne sont pas exactement ce pour qui ils passent. Certains d’entre eux, selon Abu Khaled, sont manipulés par des gens qui travaillent à la place pour Daesh en secret.
« Ces agents sont prévus pour fonctionner comme des signaux de vagues sismiques », écrivait Reuter, » envoyés pour suivre à la trace les moindres fissures, aussi bien que les vieilles rancunes accumulées dans les couches les plus profondément enfouies de la société locale – en bref, toute information qui puisse être utilisée pour diviser et subjuguer la population locale. « Qui étaient les grandes familles d’élite? Comment ont-elles fait fortune? Y a t-il parmi leurs enfants l’un ou l’autre qui soit homosexuel? Quel levier utiliser pour les faire chanter, les soumettre et les contraindre à se conformer?
L’appareil tout entier est criblé de fiefs semi-autonomes, souvent occupés à suivre à la trace ce que les autres font. « Un Département Général des renseignements fait son rapport à un « Emir de la Sécurité » d’une région, qui est chargé des Emirs-adjoints de chaque district séparé. Un chef de cellules secrètes et directeur de service des renseignements et d’information du département fait son rapport à chacun de ces émirs-adjoints. Ces cellules secrètes au niveau local font leur rapport à ces mêmes émirs-adjoints. L’objectif est que chacun continue d’ouvrir l’oeil sur tous les autres ».
Cela rappelle naturellement le fonctionnement du KGB ou de la Stasi – et c’est difficile de le prendre pour une simple coïncidence, étant donné que la plupart des responsables de haut-rang de Daesh sont d’anciens membres de la mukhabarat de Saddam Hussein et, par conséquent, d’anciens élèves des organismes de sécurité de l’ancien Pacte de Varsovie. En fait, l’architecte de la franchise de Daesh en Syrie, Haji Bakr aujourd’hui éliminé, était un ancien colonel des Services de renseignements de l’armée de l’air de Saddam Hussein.
Abu Khaled m’a dit que le Ministère du redouté Haji Bakr n’a fait, depuis lors (sa mort) que prospérer.
« Une semaine avant que je ne fasse défection, j’étais assis aux côtés du chef de l’Amn al-Kharji, Abu Abd Rahman al-Tunisi. Ils connaissaient les points faibles de l’armée syrienne libre. Al-Tunisi m’a déclaré : « Nous allons entraîner des types que nous connaissons bien, des recruteurs, des Syriens… Prends-les, entraîne(-les et renvoie-les d’où ils viennent. Nous leur donnerons entre 200.000 et 300.000 $. Et parce qu’ils ont de l’argent, l’ASL les postera à des positions-clés ».
« C’est ainsi que Daesh s’est emparé de la Syrie », affirme Abu Khaled. « Il a installé ses hommes de main dans les villages et les zones tenues par l’armée libre syrienne ».
En d’autres termes : tous les supposés alliés de l’Amérique en Syrie ne sont pas ce qu’on croit qu’ils sont. Certains d’entre eux, selon Abu Khaled, sont manipulés par des gens qui travaillent secrètement pour Daesh.
Abu Khaled est devenu membre d’ Amn al-Dawla, ou le service de sécurité du Califat de Daesh. C’est son propre Shin Bet ou son FBI, responsable de mener des opérations de contre-espionnage (qui éradique les espions étrangers de l’Armée libre syrienne, du régime d’Assad ou des services régionaux ou occidentaux), d’intercepter les communications internes (comme les appels téléphoniques et les connexions internet non-autorisées) et de maintenir le programme de détention notoire de l’organisation. Le fameux Mohammed Emwazi, né en Grande-Bretagne, surnommé « Jihadi John” après ses décaptiations enregistrées d’otages occidentaux et qui a très probablement été tué par une frappe de drone le 13 novembre, jour des attentats de Paris,était lui aussi membre d’Amn al-Dawla.
« Quand quiconque membre de l’une de ces quatre branches travaille », explique Abu Khaled, « ils sont masqués ». Mais parfois, le penchant de Daesh pour s’attirer l’attention des médias permet d’en tirer le meilleur parti. L’identité d’Emwazi, selon Abu Khaled, n’a pu seulement être confirmée que parce qu’un informateur du gouvernement régional a obtenu une séquence inédite de ce Britannique qui courait autour de Raqqa sans porter de masque et qu’il a pu la transmettre à Londres.
Alors que les agents de chaque branche sont typiquement syriens, leurs chefs ne le sont pas. Pour certaines raisons qu’Abu Khaled ne peut expliquer, les chefs des amniyeen (renseignements) tendent généralement à être des Palestiniens de Gaza.
Comme toutes les autres bureaucraties d’Etat, la territorialisation donne lieu à des luttes intestines entre factions. « Nous avons l’armée et les amniyeen,” affirme Abu Khaled. Ils ne s’aiment pas. Lorsque j’entraînais les amniyeen, mes amis de l’armée « régulière » avaient l’habitude de me dire : « Pourquoi est-ce que tu travailles maintenant pour les Kufar? ». Il sourit : les « Infidèles ».
Le rôle principal d’Abu Khaled consistait à entraîner la sécurité locale sur les lignes de front d’al-Bab. Cela se déroulait dans un camp à environ cinq kms au nord de la ville et le protocole quotidien était intensif. Le réveil sonnait à 5h 30 du matin. Les djihadistes se rassemblaient pour faire des exercices pendant une heure. Abu Khaled se rendait sur le site à 7h et donnait des cours jusqu’à midi. Il enseignait les tactiques sur le champ de bataille et la vigilance opérationnelle : comme sécuriser un périmètre et lancer une sortie.
Les djihadistes pouvaient ensuite se reposer durant deux heures avant la reprise de l’entraînement. A 5h30 le soir, on les laissait vaquer à leurs occupations, mais pas dans un baraquement du camp. « Les mecs retournaient vers les endroits où ils dorment parce qu’il n’était pas sûr de rester sur le camp d’entraînement », dit-il.
***
Ses hommes ont demeuré, entre autres, dans la résidence d’Abu Mohammed al-Adnani, originaire d’Alep, le deuxième homme le plus puissant de cette armée terroriste. Il a autrefois été le confident d’Abu Musab al-Zarqawi, le fondateur palestino-jordanien d’Al Qaïda en Irak, l’incarnation originelle de Daesh.
Adnani, l’un des principaux membres du conseil de la Shura de Daesh -son principal organisme dans la chaîne de décision – est responsable de la désignation du Wali ou gouverneur des quatre Wilayat ou provinces.
Adnani nomme aussi les chefs des quatre branches des services de sécurité, autant que le chef d’équipe de l’administration militaire de Daesh. Il a un tempérament très changeant. « Je ne pense même pas qu’il consulte le Khalifa [Le Calife Baghdadi], lorsqu’il veut remplacer des gens ou les limoger ». selon Abu Khaled. (Cela semble par contre exagéré : le Conseil de la Shura, dirigé par Abu Bakr al-Baghdadi, autorise certainement – à tout le moins enterrine la sélection et le limogeage des Walis). « A chaque visite, il met des gens en prison, il vire des gens. Avant que je ne me rende à al-Bab, Adnani a nommé un nouveau Wali d’Irak, un nouveau chef de la sécurité d’Irak. Aujourd’hui en Syrie, nous n’avons aucun Syrien qui soient Walis. Des étrangers d’Arabie Saoudite, de Tunisie, d’Irak – mais pas de Syriens. La Tunisie devrait vraiment ouvrir son embassade à Raqqa, et pas à Damas. Parce que c’est là que se trouvent ses ressortissants! ».
Les chefs de Daesh, selon Abu Khaled, font des tournées régulières à l’intérieur de leur Califat en restant virtuellement incognito, afin d’examiner si « l’Etat » fonctionne comme il devrait. Eµt si jamais ce n’est pas le cas, les têtes tombent au sens aussi bien littéral que figuré.
Abu Khaled déclare qu’il a partagé une position sur la ligne de front avec Baghdadi en personne. « Une fois, nous nous trouvions aux alentours de l’aéroport (militaire) de Kweiris [près d’Alep, centre d’une bataille épique avec le Hezbollah et les forces du régime iranien]. « Et Al-Baghdadi est arrivé sur place. Nous ne le savions pas sur le moment, nous ne l’avons appris que lorsqu’il est parti. Certains individus l’ont bien vu mais n’ont même pas réalisé que c’était lui. Lorsque les dirigeants de l’Etat Islamique circulent, ils n’arrivent pas avec des gardes du corps de VIP. Vous ne savez même pas qu’ils sont présents ».
Peut-être que l’histoire ci-dessus est vraie. Cela fait partie d’un culte de la personnalité soigneusement étudié, sans lequel aucun absolutisme ne peut survivre et s’auto-perpétuer.
Les légendes autour de ces visites secrètes rappellent celles de Harun al-Rashid, le cinquième Calife Abbasside de Bagdad, lorsqu’il était au sommet de sa gloire au 8ème siècle. Bien qu’al-Rashid était bien réelle, le compte-rendu organisé pour sa postérité est bien meiux documenté dans son rôle de fiction récurrente : Les Mille et une Nuits.
Par moments, Abu Khaled ressemble plus à une Scheherazade involontaire, trafiquant plus des rumeurs et des potins de troisième main – un Califat à dormir debout – que ce dont il a lui-même été témoin. Pourtant, même ces histoires sont éclairantes,puisqu’elles font la démonstration du soin que prend Daesh à vendre sa propre légende à l’interne.
Une autre anecdote concernant Al-Baghdadi, par exemple, est presque avec certitude une fabrication des techniciens politiques perspicaces, en vue de la propagation intentionnelle à travers les fruits de la moisson djihadiste.
Une fois, dit-on, Baghdadi voyageait vers Minbij, l’autre ville importante que Daesh contrôle à Alep, lorsqu’il aurait été victime d’un accident de voiture. L’homme qui conduisait la voiture dans laquelle la sienne est entrée était fou furieux et a commencé à crier sur le Calife, dont il ne connaissait pas l’identité, juste là au milieu de la rue, devant les passants.
« Je vais t’envoyer devant le tribunal! » criait l’homme à Baghdadi. « Allons-y! » lui a rétorqué Baghdadi. Et les deux hommes se sont rendus devant le tribunal de la Chari’a à Minjib. Devant un magistrat religieux qui connaissait l’identité de l’accusé, même si le plaignant l’ignorait, Baghdadi a reconnu que l’accident était de sa faute. Le Juge a ordonné que le Calife paie une amende.
« Ils s’en sont tenus au jugement, comme n’importe qui », m’a raconté Abu Khaled. « Pour ce genre de choses, croyez-moi, ils sont très forts ».
Abu Khaled crédite ce genre de notion de « l’égalité devant la loi », comme l’un des principaux piliers du programme politique populiste de Daesh. Et il dit qu’il en a fait l’expérience de première main.
Son ordinateur personnel, dit-il, a été confisqué, à un certain moment par Amn al-Dawla de façon à l’examiner pour toute indice d’infidélité ou de trahison. L’engin a été perdu, un accident provoqué par la bureaucratie djihadiste. 3Aussi, il m’a fallu les traîner devant le tribnal. Je le jure devant Dieu, le juge a pris le téléphone : « Ok, les gars, vous avez 24 heures. Il me faut son ordinateur. Ou vous devrez lui rembourser son ordinateur. Sans quoi je vous enverra au beau milieu du square et je vous ferai rosser devant tout le monde ». Vous pouvez être n’importe qui et faire appel en Justice. C’est une des raisons pour lesquelles les gens qui haïssent Daesh continuent de le respecter ».
Mais, bien sûr, Daesh ne renforce pas seulement sa volonté grâce au respect, fait-il remarquer. Lorsqu’une telle requête en Justice tombe trop court, Daesh se tourne vers une méthode complémentaire afin de contrôler la population : l’effroi qu’il inspire. C’est alors qu’Abu Khaled m’a parlé de la Cage…
Par Michaël Weiss