AFP Les membres des syndicats russes tenant des ballons et des drapeaux défilent sur la Place Rouge lors de la manifestation du 1er mai 2018, à Moscou.

La puissance de la Russie sur la scène internationale cache sa fragilité économique

03/11/2019 07:00 CET | Actualisé 03/11/2019 07:00 

Les difficultés économiques croissantes en Russie expliquent en partie les manifestations qui, ces derniers temps, se multiplient dans le pays, de Moscou à Oulan-Oude, ainsi que la chute de la confiance en Vladimir Poutine et dans le gouvernement russe, une chute que certains observateurs jugent irréversible.

En effet, l’économie russe, très en retard sur les économies occidentales, stagne depuis 2013; la part du PIB russe dans le PIB mondial est retombée à son niveau de la fin des années 1990, la population sent son niveau de vie se détériorer et une récession est annoncée.

Or cette dégradation économique est signalée depuis plusieurs mois, avec diplomatie mais sans ambiguïté, par l’actuel président de la Cour des comptes russe, Alexeï Koudrine, qui l’explique aussi par les blocages du système politique.

Alexeï Koudrine, un “libéral” à la tête de la Cour des comptes russe

Alexeï Koudrine, qui côtoie professionnellement Vladimir Poutine depuis les années 1990, n’est en rien un opposant au pouvoir russe actuel. Il a été ministre des Finances de 2000 à 2011, et l’efficacité de ses actions d’alors est très largement reconnue: il a assaini et stabilisé la situation financière de la Russie – qui bénéficiait, certes, d’un prix du pétrole bien plus élevé que dans la décennie précédente et dans la suivante.

Écarté parce qu’il critiquait la part croissante des dépenses militaires et ne s’entendait pas avec Dmitri Medvedev, il a semblé s’intéresser aux revendications exprimées par la société lors des grandes manifestations de 2011-2012 et a pris la tête d’un Comité des initiatives civiles, censé contribuer au développement du pays.

Il est, de fait, assimilé au courant des “libéraux” qui voudraient rapprocher la Russie d’un certain modèle occidental et font face aux “siloviki”: ceux qui, issus de l’armée, du KGB-FSB et autres structures ”à épaulettes”, privilégient l’usage de la contrainte et de la force.

Alexeï Koudrine a ensuite intégré le présidium du Conseil économique rattaché au président de Russie, et en a été nommé vice-président en 2016. La même année, il a pris la tête d’une sorte de think tank proche du pouvoir, le Centre d’études stratégiques.

Alors que certains espéraient le voir redevenir ministre des Finances, Vladimir Poutine l’a choisi en mai 2018 pour diriger la Cour des comptes, une fonction prestigieuse, certes, mais qui implique avant tout de contrôler les organisations et opérations financières russes, et non de définir et appliquer des politiques.

Depuis 2019, cette Cour des comptes émet aussi des informations chiffrées sur la “mise en œuvre des objectifs de la nation”: justement, Alexeï Koudrine déplore de plus en plus que les objectifs fixés par les dirigeants russes ne se concrétisent pas, et attire l’attention sur les dangers dont est porteuse la stagnation économique du pays.

 

AFP
Le 2 juin 2000, Vladimir Poutine, récemment élu président pour la première fois, s’entretient au Kremlin avec Alexeï Koudrine, qui vient d’être nommé ministre des Finances. La longévité politique de Koudrine fait de lui un cas à part au sein d’une élite russe qui a été largement renouvelée depuis l’arrivée de Poutine au pouvoir.

Une économie en stagnation

En septembre 2017, encore directeur du Centre d’études stratégiques, Alexeï Koudrine donne une conférence, diffusée par la chaîne de télévision privée Dojd’, sur les mesures à adopter pour améliorer la situation économique du pays. Il y rappelle prudemment que c’est “peut-être” parce que l’URSS avait des taux de croissance très bas (1,75 % à la fin des années 1970 et 1,3% à la fin des années 1980) qu’elle a disparu. Or, signale-t-il, l’augmentation annuelle moyenne du PIB russe a été de 6,9% par an entre 2000 et 2008, mais de 1% seulement entre 2008 et 2017, et même de 0,73% sur la période 2012-2017. Il serait donc nécessaire de réagir, et Koudrine situe l’enjeu: la Russie pourra-t-elle “demeurer une grande puissance technologique” et concurrencer sur ce plan “les États-Unis, la Chine, l’Europe”?

L’ancien ministre s’appuie sur des chiffres. En citant le nombre des “robots multi-fonctionnels” pour 10.000 travailleurs – 448 en Corée du Sud, 292 en Allemagne, 164 aux États-Unis, 36 en Chine et 2 en Russie –, il donne la mesure du retard russe dans l’automatisation du travail. Le PIB par heure travaillée permet d’évaluer la productivité du travail: il se situe entre 66,6 et 68,3 dollars pour la France, l’Allemagne et les États-Unis, et de 25,9 dollars en Russie. Koudrine constate que la structure de l’économie mondiale a considérablement changé en dix ans suite à des innovations technologiques, mais que la Russie ne participe pas à ces évolutions. Il souligne ainsi le pourcentage des entreprises qui innovent chaque année sur le plan technologique : entre 34 et 55 % pour la Grande-Bretagne, la France, l’Italie et l’Allemagne, mais 8,3 % en Russie en 2015. Pourtant, rappelle-t-il, un plan gouvernemental prévoyait en 2008 d’amener ce pourcentage à 25-40%: “Cela veut dire que, dans le cadre de notre système de direction, nous ne réalisons pas encore les objectifs que nous nous donnons.” Cette fois, c’est l’inefficacité du politique qui est soulignée.

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Asher Cohen

Il est intéressant d’observer l’évolution des rapports de force entre Israël et la Russie après 1948.

Dès 1952, les russes ont adopté une politique pro-arabe dans leurs votes onusiens, mais la crise de Suez sera un moment de vérité. Suite aux menaces russes, Ben Gourion avait répondu « notre politique étrangère est dictée par nos intérêts vitaux et par notre désir de vivre en paix et aucun facteur étranger ne la détermine, ni ne la déterminera dans le futur ». Cette phrase exprime clairement la grande stratégie d’Israël qui prévaut toujours depuis des décennies. Le problème est que le 5 novembre 1956, le premier ministre russe Bulganine a déclaré que l’URSS était prête à écraser les belligérants sur Suez en utilisant « tout type d’armes de destruction moderne » donc nucléaires. Tout était dit ici, la Raison du plus fort est toujours la meilleure, français et anglais se sont couchés et l’on peut comprendre la ferveur israélienne à s’armer nucléairement.

Le 5 juin 1967, les arabes sont en train de perdre face aux Juifs, et le premier ministre russe Kosyguine déclare alors que: si les troupes israéliennes ne se retirent-pas, les forces armées soviétiques utiliseront les moyens appropriés pour mettre fin à « l’aventure sioniste ». Cette fois-ci, le Président Américain Johnson a ordonné à l’armada de la 6 flotte US d’avancer vers les côtes du Sinaï et les russes se sont alors couchés.

De 1967 à 1973, Israël n’a probablement développé qu’une stratégie nucléaire loco-régionale, limitée au théâtre du Moyen-Orient.

C’est le 24 octobre 1973, qu’a alors lieu une nouvelle épreuve de vérité. A 7 heures du soir, Brezhnev a menacé officiellement d’intervenir directement pour sauver de la liquidation 20.000 soldats égyptiens encerclés par les Juifs dans le Sinaï, et a commencé à livrer des ogives nucléaires à l’Egypte. Nixon a alors déclenché l’alerte nucléaire mondiale « Defcom B » et les russes se sont écrasés.

Maintenant une grande question est quelle leçon a tiré Israël de cette menace nucléaire russe, après octobre 1973? La réponse est découverte en 1979, certes avec le test nucléaire Véla dans l’Océan Indien, mais surtout avec l’arrêt par les Américains de la transmission de leurs images satellitaires des sites russes aux Israéliens. Face à la protestation des Juifs, les Américains ont alors compris que les cibles nucléaires d’Israël étaient russes. Qui aurait pensé qu’un si minuscule état Juif aurait décidé de dissuader nucléairement les russes de l’attaquer?

A partir de là, les rapports de force entre Israël et les russes vont évoluer. On n’entendra-plus les russes menacer d’intervenir si les Juifs ne se retirent-pas du Liban, Gaza ou Judée-Samarie, etc..

Selon les photographies livrées par Vanunu en 1986 au Times de Londres, on pouvait conclure qu’Israël détenait à l’époque 200 ogives nucléaires. Cela ne correspond-plus à une stratégie loco-régionale limitée au Moyen-Orient. Trente trois années après ces révélations, à quel niveau se situe la puissance de feu nucléaire d’Israël? Certains parlent de 400 à 800 ogives. Si en une vingtaine d’années, de 1967 à 1986, Israël a pu produire 200 ogives, il a pu en produire 200 autres les vingt années suivantes, et encore d’autres ensuite.

Tout ceci pour montrer que Netanyahou négocie en position de force face à Poutine qui évite de chatouiller Israël. Que de chemin parcouru depuis 1948 pour arriver à s’affirmer sur le plan mondial! Toutefois, on ne comprends-pas pourquoi Israël aurait besoin de l’accord américain pour bombarder l’Iran?