La place des Chrétiens dans l’équation israélo-palestinienne.

Le Moyen-Orient a toujours été une mosaïque dans laquelle se trouvent un grand nombre de minorités, essentiellement issues des trois religions révélées. Pour les chrétiens palestiniens, il y a eu un avant la déclaration Balfour de 1917 qui créait un foyer national en Palestine et un après. Un siècle plus tard, le paysage géopolitique de la région a été bouleversé. Du point de vue des Palestiniens chrétiens, avant Balfour, l’accession aux lieux saints se faisait librement, ainsi que leurs déplacements dans toute la région. Pour certains analystes, les peuples sur place se dirigeaient vers l’indépendance et la création d’États selon le modèle importé par les puissances européennes. 

Déclaration Balfour

La déclaration Balfour a été le point de bascule, lorsque les Anglais dans l’ambiguïté, ont tout promis à tout le monde. Leur gouvernement n’a pas été avare de promesses et leur contraire aux parties en présence, croyant réduire le risque de difficultés durant leur mandat. Aux Palestiniens, on donna des assurances sur la nature limitée du foyer national, aux Juifs la possibilité de s’établir et mieux si affinités. L’ambiguïté conduit inexorablement à la conflictualité. Il est alors trop tard, la machine était lancée. La suite est connue.

Chrétiens palestiniens

Le rôle des Palestiniens à partir de 1917

 Jusqu’en 1948, ils représentent de l’ordre de 8% de la population et sont majoritairement en première ligne dans la lutte pour la libération nationale au côté de la majorité musulmane. En 1948, la guerre et la propagande des ennemis d’Israël mettent sur le chemin de l’exode des dizaines de milliers de Palestiniens. D’après les statistiques, on dénombra de l’ordre de quelques 50 à 60.000 chrétiens, qui quittèrent Israël. Ce départ brutal aggravé par la propagande des belligérants arabes a porté un coup fatal à la communauté chrétienne palestinienne marquée à tout jamais par ce drame. Elle faisait partie intégrante de la population avant cet événement, mais emportée par la tourmente que fut leur départ, elle rejoint la lutte armée malgré un dilemme moral.

Par convictions religieuses, adversaire de la violence, cette communauté en devient acteur elle-même. On ne peut pas oublier que le cofondateur du FPLP fut Georges Habache (grec orthodoxe) et que le FDLP fut fondé par Nayef Hawatmeh (grec catholique). Parallèlement, les églises chrétiennes sur place, adoptèrent des positions contrastées. Certaines, notamment aux côtés de la résistance armée, d’autres dotées de dirigeants étrangers, soucieuses de leurs intérêts particuliers conservèrent une neutralité mal vécue par les chrétiens palestiniens. Le premier patriarche latin palestinien de Jérusalem, Michel Sabbah, joua un rôle actif, qui entraina parfois des conflits avec les autorités israéliennes. Actuellement on constate un relatif retrait des dirigeants actuels des églises qui se concentrent plutôt sur la protection de leurs intérêts, protection de statu quo et différend fiscal avec Israël.  

Une délégation du Hamas visite une église à Gaza

L’émergence de la Palestinité

 Les Chrétiens de Ramallah comme ceux de Gaza sont désormais gagnés par le concept identitaire auquel ils veulent se rattacher, celui de la communauté palestinienne. Depuis la prise de contrôle de Gaza par le Hamas, version locale des Frères Musulmans, et la déliquescence de l’Autorité Palestinienne, l’islamisation des cadres palestiniens s’est accélérée. Les chrétiens sont pris entre deux feux, celui de l’appartenance à la communauté palestinienne et son corollaire, l’émergence de la lutte armée, Les élites qui naguère ont joué un rôle central dans la vie palestinienne, disparaissent progressivement, mais surement, car les jeunes ne voient aucune perspective dans leur avenir sur place.

Les élites chrétiennes encore présentes, tant dans les territoires qu’en Israël, dans les associations, parmi les artistes, expriment une revendication croissante en vue d’une unité chrétienne qui fait défaut, car c’est celle d’une minorité dans la minorité.  La tension et le dilemme tant identitaire que politiques montrent la fragmentation au sein même de cette communauté. On a pu le constater à diverses occasions, pendant les deux premières Intifadas, les chrétiens en général se sont tenus à l’écart.  Cette neutralité apparente tend à disparaître.

Fin 2022, les Chrétiens en Israël représentent 1,9% de la population d’Israël, soit environ 185.000 personnes. Dont 76% sont des arabes israéliens qui représentent 6,9% des citoyens arabes israéliens, contre pratiquement 20% pour la population musulmane. D’après diverses évaluations, 50.000 Chrétiens palestiniens résident en Cisjordanie et Jérusalem-Est. A Gaza dont la population chrétienne diminue régulièrement, il y aurait moins de 1.000 personnes.

La loi sur l’État-nation de juillet 2018 confirmant le caractère juif de l’État a été très mal reçue par ce qui reste de la communauté chrétienne qui s’est sentie discriminée comme citoyens de seconde zone. Elle se trouve placée sur le même plan que la communauté musulmane. Ce sera alors la fin d’une tentative de l’État de coopter les élites chrétiennes. Ce qui semble aujourd’hui aller de pair avec l’émergence d’un changement politique important voulu par le nouveau gouvernement. On se rappelle que déjà en 2019 le premier ministre Netanyahou déclarait : « Israël n’est pas un État de tous ses citoyens ». Les dernières élections semblent confirmer la désillusion, et le renoncement des citoyens non-juifs dont plus de 50% ne sont pas allés voter contre plus de 60% de votants en 2015.

Haifa durant les fêtes de Noël et Hanoucah

La pression islamique

     Le discours spécifique chrétien est systématiquement contrecarré par d’autres groupes au sein de la société palestinienne en Israël.  Les partis musulmans disqualifient le discours identitaire chrétien, vécu comme un obstacle dans la lutte contre le seul ennemi, l’État d’Israël. De sorte que progressivement, une partie de ces chrétiens, pour ne pas dire la majorité, veut s’inscrire dans la minorité nationale largement musulmane pour ne pas rester otage de cette communauté majoritaire ou de l’État hébreu.

Les Chrétiens sont unanimes à refuser la conscription. Ils ne sont pas les seuls en Israël. A titre indicatif, il y aurait eu 180 conscrits arabes en 2013, 150 en 2015, moins de 100 arabes chrétiens en 2017. Pour les jeunes arabes chrétiens défavorisés, c’est une opportunité économique et professionnelle de s’armer et de recevoir une formation militaire pour faire face aux violences auxquelles ils sont confrontés. Ils sont supposés bénéficier ensuite d’avantages matériels et immatériels importants, mais semblent peu convaincus par l’expérience des druzes qui demeurent des citoyens de seconde zone à leur tour. Le service militaire les place eux même en position délicate, car considérés par les organisations militantes armées comme des collabos et des traitres à la cause. Ce qui les met en danger ainsi que leur famille.

Soldats arabes avec le président Rivlin

D’aucuns ont pensé que la conscription devait être considérée comme un devoir par les non-juifs pour se voir reconnus tous les droits des citoyens, alors que l’exemple donné par les Juifs orthodoxes sont exemptés du service obligatoire. L’exemple est loin d’être convaincant. La campagne qui avait été lancée pour un service civil (Shirout Leoumi) n’avait pas eu plus de succès. Cependant, la présence des chrétiens bénéficiant d’un bon niveau d’éducation est relativement élevée dans les institutions civiles au niveau local ou national, bien supérieure à leur part nationale.

En 2014 le parlement avait adopté une loi opérant la distinction entre représentation chrétienne et arabe au sein de la Commission nationale sur l’égalité des chances dans l’emploi. Yariv Levin, député Likoud à l’époque, ministre actuel de la Justice, déclarait son intention de poursuivre cette démarche par une série de lois visant à séparer légalement les chrétiens de la société arabe majoritairement musulmane.  Cette mesure semblait calquée sur le système Ottoman des millets (équivalent des Dhimmis) soulignant encore davantage la représentation communautaire comme principe de base du gouvernement mandataire britannique. Ce projet entraina une levée de boucliers unanime des acteurs civils, politiques, associations diverses.

Cette configuration pousse régulièrement au départ ceux qui le peuvent. Car ils ne trouvent plus leur place dans un environnement qu’ils perçoivent comme de plus en plus hostile. Enfin, ils appréhendent de nouvelles mesures que le gouvernement actuel pourrait prendre à leur encontre comme citoyens non-juifs.

Source : benillouche.blogspot.com Par Francis Moritz

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Alex E. MÉRALI

L’idéal serait que ces chrétiens quittent massivement et définitivement notre pays. Nous n’avons que faire d’eux et de leurs états d’âme. Pour être plus abrupt, je précise que ces gens indésirables sur notre terre ne peuvent que nous apporter leur haine chrétienne et qu’il n’y a aucune raison de l’accepter.

gigi

La question des chrétiens n’est que provisoire. Elle sera résolue avec leur départ car, pris entre 2 feux, ils n’auront d’autre choix que l’émigration.

Ratfucker

« Une partie des Chrétiens…veut s’inscrire dans la minorité nationale largement musulmane pour ne pas rester otage de cette communauté majoritaire ou de l’État hébreu ». On peut avoir la traduction en français dialectal de ce charabia?

schlemihl

Ca veut dire que leur situation est intenable et rappelle la situation des juifs luttant aux côtés des nationalistes européens au dix neuvième siècle en Pologne Allemagne Hongrie et ailleurs. Le patriotisme ne les a protégés en rien au siècle suivant. A rapprocher des juifs qui ont lutté pour l’ indépendance dans le monde arabe.

Ce qui arrive aux chrétiens palestiniens n’est qu’un cas particulier de ce qui arrive aux minorités dans le monde entier.