Ce qu’écrivait Ben Laden dans ses lettres

Le 20 mai 2015, le Bureau du Directeur du Renseignement national (ODNI) publie une première tranche des document retrouvés sur les étagères de la bibliothèque de Ben Laden dans son complexe à Abbottabad (Pakistan), lors du raid du 2 mai 2011 où le terroriste le plus recherché de la planète fut exécuté. Les documents ont été passés au peigne fin avant d’être dévoilés au grand public avec l’autorisation appuyée du président américain, Barack Obama. Voici quelques morceaux choisis de la deuxième tranche divulguée, le 1er mars dernier.

Oussama Ben Laden

Au total, il y a 113 documents, avec en prime le testamentd’Oussama Ben Laden et une lettre qui s’adresse au mollah Omar.On y découvre aussi une sorte de revue de presse qui inclue des articles publiés en majorité par la presse anglo-saxonne. Foreign Policy, Business Week, Military Review, News Week et leWashington Post. Ce qui semble aussi beaucoup intéresser l’émir d’origine saoudienne, ce sont les publications rédigées par les think tank et notamment celles du Combating Terrorism Center de West Point qui totalise une quarantaine de communications sur le sujet. Sur la France, il y a 19 ouvrages qui vont de l’économie, à l’eau, en passant par les inégalités salariales dans le pays. Les autres habitants du complexe d’Abbottabad (Pakistan) ont exprimé, eux aussi, quelques centres d’intérêts bien peu compatibles avec une pratique rigoriste de l’islam, comme les jeux vidéos sur la Delta Force.

Dans la tête de celui qui déclara la guerre à l’Amérique

On comprend un peu mieux ce qui se passait dans la tête de celui qui déclara la guerre à l’Amérique, en 1998, du fin fond de sa grotte, en Afghanistan, sans que personne bien sûr ne le prenne au sérieux. Une grande paranoïa, évidemment, mais qui ne le serait pas, en étant l’homme le plus traqué du monde? Une demande un peu névrosée d’obéissance. En tout cas de la part de sa famille parce qu’il semble que de la part de ses frères d’armes, il eut de plus en plus de mal à se faire entendre, tout au long des ces années de traque. Il s’interroge sur l’Etat islamique et ne goûte guère les décapitations, mais valide les kidnappings. Il se réjouit du dixième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, qui est au fond son fait d’arme le plus spectaculaire. Et enfin, la relation épistolaire qu’il entretient avec sa femme ainsi que le rôle des femmes dans le djihad.

Les lettres ne sont pas toutes datées et quand elles le sont, elles ne correspondent pas forcément à notre calendrier. Le style (traduction?) est basique. Sujet, verbe, complément. Et les références à Allah en début et fin de missives sont permanentes.

Lundi 28 Muharram 1432, à sa femme

«Tu connais nos mesures de sécurité»

Il s’excuse de ne pas avoir écrit plus tôt, mais son coursier a été malade. Il explique ensuite qu’il a encore une fois essayé de la faire venir, mais ses compagnons de route, exténués par des années de lutte et de fuite, refusent de se soumettre à tous les ordres du chef d’Al Qaïda. Comme par exemple, faire venir, un à un, les membres de la famille du leader. Ben Laden semble ne pas leur en vouloir. Même s’il envisage sérieusement de changer les compagnons qui l’accompagnent dans sa cavale, afin de retrouver sa femme plus vite.

Chez le dentiste

Le passage de sa femme chez le dentiste est révélateur de la paranoïa de Ben Laden. Il craint qu’on ait pu insérer une puce dans le trou d’une de ses dents. Ben Laden lui donne des conseils, lui recommande de prêter attention à la taille de la seringue, à la date exacte de cette petite opération dentaire, puis il lui rappelle qu’une fois qu’elle aura quitté l’Iran pour la Syrie afin ensuite de le rejoindre, elle ne doit en aucun cas aller se faire soigner dans un hôpital, sauf en cas d’urgence. « Tu connais nos mesures de sécurité », écrit-il. Toujours pour des raisons de sécurité, il lui conseille – ou plutôt lui ordonne – qu’elle apprenne l’ourdou et le pachtoun. Il lui rapporte aussi qu’il a lu Time magazine et qu’il a appris que des frères et trois membres de sa famille ont été relâchés ces derniers jours. Il pense que ce sont Uthman, Muhammad et Fatima. Il s’interroge et interroge sa femme sur un certain Abu Yusuf, mentionné dans l’article parce que lui ne le connaît pas.

Ben Laden termine en soulignant qu’il joint à sa lettre quelques modestes cadeaux en rapport avec le froid de l’hiver et la somme de 25.000 roupies. Et surtout, il lui demande de détruire la lettre après l’avoir lue.

The bin Laden papers: Paranoia and conspiracies in Arab culture

L’anniversaire du 11 septembre

«Tu sais combien c’est important pour nous et combien il est nécessaire d’exploiter cet événement dans les médias, comme étant l’illustration de nos victoires»

Dans une lettre précédente encore adressée à son épouse, Ben Laden réitére son désir inassouvi de ne pas l’avoir à ses côtés ainsi que ses enfants. Il se confie aussi sur le 11-Septembre dont il attend le dixième anniversaire avec impatience. « Il ne reste plus que huit mois et demi avant la date anniversaire. Évidemment, tu sais combien c’est important pour nous et combien il est nécessaire d’exploiter cet événement dans les médias, comme étant l’illustration de nos victoires, nous les musulmans, et ainsi communiquer au monde ce que nous voulons communiquer. Je suis en contact avec les frères d’Al Jazeera qui doivent commencer à couvrir cet événement à partir du 1 septembre. Nous y participerons à condition que nous puissions envoyer et insérer plusieurs de nos communiqués. » Ben Laden l’informe aussi qu’il lui fait parvenir un ordinateur, des cartes SIM, afin que le couple puisse communiquer et afin qu’elle puisse donner son avis sur les communiqués de son époux.

L’argent

Ben Laden s’intéresse aux problèmes des rançons. A-t-on le droit de les pratiquer? Globalement oui. Il parle ainsi de l’ambassadeur d’Afghanistan, Abdul Khaliq Farahi (enlevé de septembre 2008 à août 2010) qui a été échangé contre des frères pour la somme de cinq millions de dollars, versée en deux fois. On apprend au passage que Ben Laden est fauché et a grand besoin d’argent.

L’argent et le Soudan

«La question de l’argent au Soudan est terminée»

La somme tourne autour des 29 millions de dollars. Ben Laden parle d’un médiateur grâce à qui, il a reçu plus d’un million au Soudan même, 800.000 à Jalalabad et un million deux cent cinquante mille, à Kandahar. « J’ai reçu 12 millions de dollars de mon frère Abu Bakir Muhammad Bin (Laden) de la part de la branche de la compagnie Ben Laden, au Soudan. » L’émir explique aussi qu’il a donné de l’argent à un certain Shaykh Abu Hafs al-Mauritani. Il conclu d’une façon que l’on soupçonne autoritaire, en disant : « La question de l’argent au Soudan est terminée. » Tout l’argent qu’il destinait au gouvernement soudanais doit être maintenant attribué aux membres de sa famille.

Ben Laden et son père, Ben Laden et son fils

Le 15 octobre 2008, il écrit à son père et lui demande de lui pardonner s’il a fait quelque chose qui lui a déplu. Il commence tous ces débuts de phrase par : « Mon précieux père. » On ne sait pas si ce dernier a répondu. Il écrit à son fils Abu Abdallah : on apprend dans une lettre datée du 16 décembre 2007 que l’une des filles de Ben Laden est morte.

Al-Zarqaoui et al-Bagdhadi

«Si vous m’attaquez, je vous attaquerai et que l’épée frappe vos têtes»

Dans une lettre non datée mais écrite, semble-t-il, à Tunis, Ben Laden s’exprime sur al-Zarqaoui. « J’ai demandé aux frères d’Irak de retarder l’annonce de leur nouvel émir, afin de protéger l’unité des moudjahiddines. » Il s’adresse à quelqu’un dont le nom n’est pas donné mais en mentionne un autre qui a désormais son importance. « En ce qui concerne ta volonté de soutenir la République islamique d’Irak et la décision d’Abou Bakr al-Baghdadi… Je vois cela d’un tout autre point de vue. » Enfin, il s’intéresse aussi au prêcheur égyptien, al-Qardawi, et suggère qu’il faut y aller doucement avec lui parce que « beaucoup d’enfants de notre nation ne connaissent pas la vérité à son sujet et ouvrir un débat à son propos donnerait une mauvaise image du djihad et des moudjahiddines ». Pas de date.

Dans une autre missive où il s’adresse aux Américains, Ben Laden cite le Général de Gaulle. Dans cette même lettre, il affirme avoir demandé à Abu Moussab al-Zarqaoui de développer la branche militaire en Irak afin de démultiplier les énergies et les hommes qualifiés qui pourraient porter atteinte aux intérêts américains. Il conclut, sinistre : « Si vous m’attaquez, je vous attaquerai et que l’épée frappe vos têtes. »

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André

L’anniversaire du 11 septembre : «Tu sais combien c’est important pour nous et combien il est nécessaire d’exploiter cet événement dans les médias, comme étant l’illustration de nos victoires»

Alain Soral ne lui avait donc pas expliqué que ça n’était pas lui mais les « sionistes » qui avaient fait sauter les tours ?

André

L’anniversaire du 11 septembre : «Tu sais combien c’est important pour nous et combien il est nécessaire d’exploiter cet événement dans les médias, comme étant l’illustration de nos victoires»

Alain Soral ne lui a pas expliqué que ça n’était pas lui mais les « sionistes » qui avaient fait sauter les tours ?