LA CHAUSSURE DANS LE JUDAÏSME
La neuvième bénédiction du matin: « shéâssa li kol tsorkhi » soit : « qui a pourvu à tous mes besoins » a trait au port de chaussures.
Lorsque Moïse fait paître les moutons appartenant à Jéthro et qu’il aperçoit le buisson ardent, HaShem s’adresse au futur prophète/berger/libérateur du peuple d’Israël et lui ordonne : « déchausse-toi (1) car cette terre où tu te tiens est sainte » !!!
Plus tard, après que Moïse ait rejoint ses pères et que Josué l’ait remplacé à la direction du peuple, lorsqu’il se trouve face à Jéricho l’ange dit au fils de Noun (2): enlève ta chaussure (au singulier).
A l’occasion des jeûnes tels que tish’a beav ou à Yom Kippour, il est interdit au Juif tout comme à la Juive de porter des chaussures en cuir, ainsi que, que D. nous en préserve tous lors du deuil d’un proche.
La mitsva (commandement) du yiboum dite du lévirat en français demande au plus proche parent d’un homme décédé sans enfant de donner une descendance posthume au défunt en épousant la veuve et, en cas de refus, de déchausser celui qui décline cet engagement (3). En ce cas il sera surnommé « le déchaussé » de manière à qualifier ainsi ce désistement ….
Autre chose : il est écrit dans le Talmud (4) « N’empêchez pas vos pieds d’être chaussés » ce qui implique que l’un des soucis de l’homme doit être d’avoir des chaussures. Une autre phrase encore beaucoup plus complexe arrête notre réflexion : Un homme vendra plutôt les chevrons de sa maison mais ne restera pas sans chaussures !!!
Qu’est-ce à dire ? Nous allons nous efforcer de comprendre le rôle de la chaussure dans le judaïsme et pourquoi devons-nous en porter obligatoirement et pourquoi, parfois, devons-nous nous en débarrasser ?
TOUT D’ABORD QUELLES SONT LES DIFFÉRENCES ENTRE MOÏSE ET JOSUÉ ?
HaShem ordonne à Moïse d’ôter ses DEUX chaussures car Moïse , au terme de sa « prise de contact » avec HaShem sur le Mont Sinaï, mont sacré/saint sur lequel sera conclu le pacte ou l’alliance entre HaShem et le peuple d’Israël et sur lequel va être offerte la Torah est éminemment saint et, de plus, Moïse sera dans un très proche avenir investi de sa fonction de Libérateur (Goël).
A l’inverse, Josué qui n’a pas été choisi comme libérateur mais comme génération suivante (dor hemshekh) la terre de Jéricho même si elle est située sur Admath Israël ne possède pas autant de sainteté que le Mont Sinaï sur lequel est resté deux fois 40 jrs et 40 nuits face-à-face avec D. etc…. ceci pourrait déjà expliquer la différence entre l’un et l’autre.
Pour quelle raison portons-nous des chaussures ? L’objectif premier est de séparer nos pieds de la poussière et de l’impureté qui peut se trouver dans la terre dans laquelle nous ensevelissons nos morts ou dans laquelle se trouvent des rampants tels des vers ou autres insectes répugnants ou nuisibles et c’est pourquoi si quelqu’un ne peut porter de chaussures il recouvrera ses pieds de chaussettes de manière à séparer ses pieds de la terre !!!
Que se passe-t-il lorsqu’un homme ne possède rien, pas même des chaussures ? Il doit même « engager « les poutres/chevrons de sa maison de manière à pouvoir avoir de quoi avoir des chaussures. Et, ainsi que l’enseigne le Rav Kook à propos de cette mishna de Pessahim 112a, l’homme doit véritablement s’efforcer de trouver ou d’acquérir des chaussures.
Certaines choses différencient l’homme de la bête ce sont : la parole, puisque l’homme peut parler, s’exprimer, prier au contraire de la bête.
L’homme se tient les pieds sur terre la tête tendue vers les cieux au contraire de la bête qui tient sa tête horizontalement et non pas verticalement.
L’homme porte des chaussures au contraire de l’animal pataugeant dans la fange…
L’homme est doté de la faculté de réflexion au contraire de la bête.
Au réveil, l’homme rend grâce au Créateur avant tout acte de lui avoir rendu sa conscience et son âme après une nuit de sommeil, qui représente d’après nos Sages 1/60ème de la mort. Après avoir procédé aux ablutions destinées à nous débarrasser des impuretés de la nuit, nous entamons les bénédictions du matin lesquelles concernent le Klal Israël c’est-à-dire la totalité du peuple.
Toutes (15) sauf 4 qui nous concernent individuellement : la 9ème puis les 12, 13 et 14.
Effectivement, dans ces 4 berakhoth nous rendons grâce à D de notre genre et du fait que nous avons nos propres facultés et devoirs mais pour la 9ème, nous rendons grâce pour un bien matériel particulier qui s’attache à notre individu et au fait que grâce à nos chaussures nous pourrons vaquer à nos occupations plus librement, de manière noble, sans nous salir, et sans être incommodés, ni par la chaleur du chemin en été, ni par la froidure ou l’eau en hiver…
La chaussure a donc une importance dans le judaïsme représentant d’une part le confort mais aussi la protection et celui qui perd sa chaussure perd un peu de son honneur tout comme celui qui refusera de perpétuer le souvenir de son frère ou de son plus proche parent disparu sans descendance.
La chaussure constamment en contact avec la salissure des chemins protège, procure un confort mais en touchant sa chaussure, il sera nécessaire de faire l’ablution des mains (netilath yadayim) (5) sauf s’il s’agit de chaussures neuves qui n’ont pas encore été utilisées.
Pourquoi ne pas porter de chaussures en cuir les jours de deuil, de détresse ou de contrition ? Les chaussures en cuir étaient considérées comme des chaussures de luxe et surtout très confortables (encore qu’on « attrape » des cors aux pieds et des durillons qui font souffrir justement à cause du frottement des pieds sur le cuir) alors qu’aujourd’hui où les canons de la mode ont changé et que l’on voit des gens très « smarts » apparaître chaussés de chaussures de sport sous prétexte que c’est plus sain et dont le prix est supérieur à celui de souliers en cuir !!!
Lors de la birkath cohanim deux fois par jour, les cohanim doivent se délester de leurs chaussures et, s’ils n’en portent pas, mettre des chaussettes (6), car, ils constituent en fait le vecteur de la bénédiction divine qui « siègera » au bout des doigts pendant la berakha c’est pourquoi, les prêtres couvrent leurs doigts afin que la kedousha de la berakha « n’aveugle » personne en cet instant de très grande sainteté.
Caroline Elishéva REBOUH
1. HaShem ordonne à Moïse d’ôter ses DEUX chaussures (exode chapitre 3 verset 5).
2. Josué chapitre 5 verset 15 où il est demandé à Josué de n’enlever qu’UNE seule chaussure !!
3. Deutéronome chapitre 25 versets 5 à 10.
4. Pessahim 112a.
5. A cause de la saleté.
6 Pour ne pas distraire les autres cohanim par la vue des pieds les uns des autres.
Par JForum.fr