Aharé Moth- Kedoshim: « Aime ton prochain comme toi-même «
Selon les années, ces deux parashioth sont couplées. Elles sont situées au centre du livre du Lévitique (Vayikra) qui lui-même, est situé au centre du Pentateuque, de même que Eretz Israël est le centre du monde et que le Temple soit situé au centre de Jérusalem.
L’une des thématiques de cette sidra est aussi le jour de Kippour avec tout ce qui s’y rattache comme les deux sacrifices de béliers l’un qui sera brûlé et l’autre, le bouc émissaire, qui sera envoyé pour expier les fautes d’Israël et qui, précipité du haut de la montagne sera déchiqueté en lieu et place de la collectivité.
Lorsque nous parlerons des ascètes, (nazir), nous verrons que D. recommande à celui qui veut faire preuve d’ascétisme de revenir bien vite au sein de la communauté. Nous lisons dans les Pirké Avot (II, 4) « al tifrosh min hatsibour » c’est-à-dire : ne te sépare pas du public c’est-à-dire de ta communauté. Or, en faisant preuve d’ascétisme pour tenter de franchir des degrés de pureté et devenir « saint » il faut s’isoler mais surtout ne pas omettre de se faire pardonner pour s’être séparé du klal Israël sans lequel , on ne peut réellement pas accéder à une spiritualité extrême, tout simplement car l’homme a besoin des hommes, de tous les hommes quels que soient leur mérites ou leurs défauts. C’est ainsi que le klal Israël (l’intégralité) est pardonné à Kippour : tout homme participe aux kapparoth de toute la communauté, peu importe quels sont les péchés commis par les uns ou par les autres mettant en exergue le fait que :
ישראל ערבים זה לזה
Ou bien que :
ישראל חברים זה בזה
Ce qui revient à dire que dans son ensemble, le peuple d’Israël est engagé ou responsable ou lié l’un à l’autre. Et comme on le verra dans la sidra de kedoshim, la sainteté ne peut s’obtenir que lorsque nous sommes tous ensemble car nous sommes solidaires les uns des autres.
Pour en revenir à Aharé mot qui signifie « après la mort » (des fils d’Aharon), dans la parasha de Shemini, on avait évoqué la mort des deux fils d’Aharon dès leur entrée au service de D. pour un acte fait à la légère diront certains en apportant un feu que D. n’avait pas commandé, ou pour avoir pénétré dans le Saint des Saints sans avoir revêtu les vêtements sacerdotaux mais surtout, sans y avoir été convoqués.
Cet acte, pourrait passer pour être l’expression d’un amour fou et léger, irresponsable ou irraisonné, un peu comme s’ils avaient été des « fous de D. ». C’est là qu’intervient la notion de crainte révérencielle de D. car pour ce qui est de notre approche de D., l’amour du Créateur ne saurait exister sans crainte et pas n’importe quelle crainte. Il n’est pas question de crainte-peur ou de crainte-effroi mais de crainte proportionnelle au respect que nous devons accorder à D., qui, bien qu’il soit « le fiancé » d’Israël, est notre Souverain. C’est pour cela que nous devons éprouver une crainte « révérencielle ».
Lorsque plus loin dans le texte, nous lisons toujours au sujet de Nadav et Avihou : « ils moururent » cela signifie que leur mort est beaucoup plus importante qu’il n’y paraît : ils sont morts physiquement mais aussi d’une autre façon : ils n’étaient ni mariés, ni pères de famille : ils sont morts sans descendance. Pourtant, le Midrash rapporte que Moïse s’adressa à son frère Aharon HaCohen, en lui spécifiant qu’il savait bien que des personnes « saintes » et dotées de qualités très spécifiques auraient à inaugurer le Saint des Saints mais, qu’au vu de tous, Nadav et Avihou étaient des personnages d’une importance supérieure-même à celle d’Aharon ou même de Moïse !
Cependant, d’autres commentateurs font allusion à la âkédat Yitshak ou ligature d’Ytshak. En effet, au cours de cette « séquence », Avraham a aperçu le bélier qui allait prendre la place de son fils et, en même temps, le patriarche aperçut un autre sacrifice, de taille, qui aurait lieu en son temps et qui aurait fait allusion au sacrifice des deux fils d’Aharon.
D’ailleurs, dans les premiers versets de cette parasha nous lisons non seulement que cette péricope prend place après la mort des fils d’Aharon mais encore qu’ils sont morts et ont perdu leur fonction de Cohen sans laisser de descendance. Ils sont donc morts deux fois.
La parasha vient nous enseigner un principe: Aharé Mot-Kedoshim c’est-à-dire : peu importe pour quel motif Nadav et Avihou sont morts : par désobéissance, par orgueil, pour un sacrifice prédestiné : peu importe ! Ils sont morts : rien ne sert de discourir : à présent ils sont saints ! Et, si la médisance sur les vivants est l’une des cinq causes de la lèpre, alors qui plus est la médisance après la mort est interdite de manière encore plus intense puisque la personne morte est sainte.
Nous aurions pu nous attendre à ce que dans la première parasha on traite des règles de deuil mais dans Aharé Moth il va s’agir de Yom Kippour et de tout ce qui s’y rapporte. On va parler de la façon qu’avait le Cohen d’apparaître devant tout le Peuple, et aussi du bouc émissaire et de la façon d’obtenir le pardon.
Le jour de Kippour est le jour le plus solennel du calendrier juif. Ce jour est celui où Moïse est redescendu vers le Peuple du Mont Sinaï muni des secondes Tables de la Loi. Mais c’est celui où d’année en année le peuple juif jeûne pour faire pardonner par le Créateur tous ces pêchés que nous accumulons d’année en année en étant conscient du fait qu’en « avouant » des fautes que nous n’avons pas commises nous œuvrons dans le devoir de la mitsva d’être solidaires les uns des autres en partageant entre nous toutes fautes possibles et imaginables. Et ceci en prenant appui sur le passé qui est toute cette année qui vient de s’écouler puisque pendant Yom Kippour nous n’avons pour unique préoccupation que de regretter notre comportement passé et tenter de définir une nouvelle politique pour l’année qui commence et que nous mettons nos mérites à la disposition de notre prochain.
Pour la parasha de Kedoshim, le Créateur nous demande d’être saints. Comment ? Pourquoi ? Les nombreuses ordonnances (mitsvoth) que contient cette péricope (plus d’une cinquantaine) nous donnent le choix d’adopter une ligne de conduite qui va concerner plus particulièrement chacun d’entre nous selon son volant d’activités. Ainsi, ces mitsvoth concerneront tous les domaines : nos relations entre nous, notre vie quotidienne, familiale, sociale et cette sidra va renfermer deux « piliers » de la vie sociale dont l’un va être repris par Rabbi Akiva : « Aime ton prochain comme toi-même « . Ce précepte va compléter une injonction qui précède ce verset et qui concerne une ordonnance très forte: la réprimande. En effet, il est écrit que lorsque tu vois ton prochain fauter tu dois le réprimander et ainsi tu ne porteras pas sa faute et immédiatement après il est écrit: aime ton prochain comme toi-même ce qui nous permet de conclure qu’ainsi, notre implication est importante même dans la vie d’autrui et ce pour le bien de l’Autre tout comme dans notre propre intérêt.
D. nous demande d’être saints parce qu’Il est notre D. et un autre principe se dégage : celui de Hillel qui a déclaré que la base du judaïsme est de ne pas faire à autrui ce que l’on n’aimerait pas qu’on nous fît car si notre prochain ne nous réprimande pas et nous laisse errer dans nos erreurs c’est qu’il ne nous aime pas et lui, aimerait-il qu’on le laissât faire des erreurs ?
Dans ces deux chapitres XIX et XX , le Créateur nous demande de faire certaines choses et nous confirme :
אני ה’ א-לוקיכם
« Je suis l’Eternel votre D. » pour quelle raison nous répète-t-Il qu’Il est notre D. ? Les commentateurs nous enseignent que, de manière à rassurer les plus pratiquants, que les moyens ou ceux même qui ne pratiquent presque rien, Lui notre Créateur reste notre D et c’est aussi la raison pour laquelle Il accepte de résider au milieu de nous.
Pour mieux se rapprocher de D. et pour réussir à faire ce qu’IL nous demande : être saints, nous devons tenter de sublimer nos instincts. Il nous faut exercer des pressions sur notre libre-arbitre et notre personnalité pour savoir opérer des choix et pour pouvoir nous imbriquer dans la vie sociale et savoir nous impliquer, et parce que nous devons nous efforcer d’être saints alors, nous devrons nous efforcer d’être intègres et d’être justes et de faire ce qui est bien aux yeux du Créateur car c’est ainsi que nous atteindrons la sainteté : en étant intègres nous nous servirons de poids et de mesures justes, nous serons bons et miséricordieux, nous nous acquitterons des devoirs qui nous sont imposés et nous appliquerons les commandements qui nous sont donnés.
Ce que D. nous demande comporte, proportionnellement, beaucoup moins de devoirs envers Lui qu’envers notre prochain.
Caroline Elishéva REBOUH