Sandrine Kiberlain : « Je voulais parler de l’antisémitisme, parce que ça fait partie de mon histoire personnelle »

par Pascaline Potdevin

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C’est à Cannes, à la Semaine de la Critique, qu’elle a présenté son premier long-métrage en tant que réalisatrice, Une jeune fille qui va bien. Un personnage, et une histoire qui lui ressemble, à plus d’un titre.

C’est une histoire d’un autre temps et dans laquelle, pourtant, on se reconnaîtra forcément. Dans Une jeune fille qui va bien, son premier long-métrage, Sandrine Kiberlain dresse le portrait d’Irène (interprétée par Rebecca Marder), apprentie actrice, amoureuse débutante, fille, petite-fille et sœur aimante, mue par l’élan de ses 19 ans. Et qui, dans une France de plus en plus antisémite, pendant la Seconde Guerre mondiale, ne voit pas la menace qui gronde. La réalisatrice, dont les quatre grands-parents étaient juifs polonais, a mis beaucoup d’elle-même dans son film. Et n’a pu retenir ses larmes quand, à l’issue de sa toute première projection à Cannes, elle a été saluée par une standing-ovation, au milieu de l’équipe du film, qui l’a accompagnée.

Madame Figaro.- On vous a vu très émue après la projection de Une jeune fille qui va bien à Cannes. Qu’avez vous ressenti?

Sandrine Kiberlain.- C’était la première fois que je montrais le film et de plus, dans ce cadre-là, un Festival de Cannes qui renaît. Et avec des gens, dans la salle, qui ont participé à la fabrication du film. J’ai ressenti quelque chose qui m’a dépassé, c’est vrai. Et je suis amoureuse de mes acteurs : les avoir auprès de moi, ça a fait beaucoup d’émotion, c’est vrai. Enfin, voir des gens qui ont l’air d’être touchés par ce qui vous touche, cela fait du bien. Je pensais que c’est en tant qu’actrice qu’on était la plus exposée. Mais c’est maintenant que je le suis.

Avez-vous été attentive aux réactions du public pendant la projection ?

Pas vraiment, j’espérais juste que les gens ne s’ennuient pas. Et j’ai l’impression qu’il y avait une belle écoute. Mais sans dévoiler la fin du film, quand j’ai entendu quelqu’un, dans le noir, pousser un soupir de surprise devant la dernière image, ça m’a émue.

Pourquoi avoir choisi de situer votre film pendant la Seconde Guerre Mondiale ?

Je voulais parler de cette guerre sans la montrer. Et de l’antisémitisme, parce que cela fait partie de mon histoire personnelle même si moi, je suis d’origine juive étrangère, et que les personnages du film sont Français. Je voulais parler de moi sans vraiment parler des miens. Mais je tenais à ce que le film ne soit pas marqué comme une reconstitution historique, pour qu’on puisse le transférer inconsciemment sur ce qu’on vit aujourd’hui. Et sur cette question qui me taraude et dont je n’ai jamais eu la réponse : pourquoi l’antisémitisme existe-t-il encore ? Pourquoi ça fait encore débat ? J’ai eu envie de me mettre à la place de ceux qui se sont posés la question à l’époque, quand cela arrivait sournoisement dans leurs vies. Je me suis demandé quel était le quotidien d’une famille : dans quelle position se met-on ? Est-ce qu’on est rebelle, comme le personnage de la grand-mère ? Est-ce qu’on est consciencieux, respectueux des lois, comme le père ? Limite influencé, comme le frère ? Ou dans la volonté de ne rien voir, comme l’héroïne ? C’est par son prisme à elle qu’on avance dans le film. Parfois, elle tombe dans les pommes, parce que ça la dépasse, ça se dérobe. Mais elle se relève, elle va à ses rendez-vous, elle a 19 ans. La période était presque un prétexte : montrer le plus grand des bonheurs, c’est la meilleure façon de dénoncer la plus grande des violences.

Je voulais parler de moi sans vraiment parler des miens
Un film comme un cadeau

Dans quelle mesure Irène vous ressemble-t-elle ?

C’est moi qui ai écrit cette histoire. En l’inventant, je me suis servi de ce que je connais le mieux. Je me suis aussi beaucoup inspirée de moi à cet âge-là, qui voulait être actrice, réussir le Conservatoire, qui est «née» à ce moment-là : c’est là que j’ai commencé à vivre ma vie. Ce moment où l’on est partagé entre l’idée de ne pas vouloir quitter une famille aimante, mais qu’on a tout un monde à découvrir. Et le film montre des acteurs qui débutent : il y avait comme une transmission, je voulais donner à d’autres ce qu’on m’a donné à moi.

En tant qu’actrice, filmez-vous vos interprètes de manière différente ? Comme vous aimeriez être filmée ?

Oui, un peu comme lorsqu’on offre un cadeau à ceux qu’on aime : on donne ce que nous-mêmes, nous aimerions recevoir. Et j’ai été très inspiré par le visage de Rebecca Marder. J’avais la volonté de la filmer de très près, à des moments précis. Parce qu’il y a des films très forts, dans lesquels je me souviens de plans serrés, qui prennent tout l’écran. Pour moi, c’est la magie du cinéma, le symbole même d’être actrice : le visage en entier, qu’on regarde en dimension surhumaine.

Avez-vous, vous-même, été filmée comme cela ?

C’est plus difficile de se regarder. Il y a des gros plans que j’aime moins, mais il y en a un, dans En avoir ou pas (de Laetitia Masson, en 1995, NDLR), où l’on voit toutes ces taches de rousseur qu’on me reprochait mais que moi, j’aimais bien. Mais ce que l’on aime, ce ne sont pas vraiment les gros plans. C’est une façon globale d’être comprise. Des gros plans ratés, il y en a aussi ! Mais il y a plein de metteurs en scène qui m’ont aimée, par qui j’ai aimé être filmée. L’idée, c’était d’essayer de faire la même chose avec les acteurs. Et avec Rebecca en particulier.

Sur un plateau, quel réalisatrice êtes-vous ?

Je suis une réalisatrice débutante, mais qui a l’impression d’être à sa place, de ne pas l’avoir volée. Bosseuse : j’ai beaucoup travaillé en amont. Un peu inconsciente, je pense, parce que j’ai dû m’adapter à des situations inattendues. Maternelle avec mes acteurs. Et puis très précise, très énergique. Mais être réalisatrice, c’est finalement être assez seule : on est très entourée, l’équipe vous donne le meilleur d’elle-même, il faut savoir écouter ce qu’on vous dit, mais aussi revenir à ce que l’on veut. J’ai vraiment appris cela : à me concentrer sur ce que je sentais profondément.

Vous êtes une habituée du Festival de Cannes : quelle est la première chose que vous faites quand vous arrivez sur la Croisette ?

Je déballe mes affaires et je mets sur les cintres les trucs qui ne doivent pas du tout être chiffonnés.

Et quand vous rentrez chez vous ?

J’essaie de ne rien oublier, je prends un bain, et je rends les vêtements.

Ce que vous avez déja fait à Cannes et ne referez jamais plus ?

Je ne me forcerai à rien.

Pascaline Potdevin Le 11 juillet 2021  madame.lefigaro.fr/

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Gilbert FITOUSSI

Bonjour,
je suis étonné de voir que l’on reprend les écrits de Madame Pascaline Potdevin, en faisant des erreurs de français ou en recopiant ses erreurs. N’ayant pas lu Le Figaro, je ne sais quelle est l’origine de ces fautes.
« On vous a vu très émue », au lieu de « on vous a vue… »
« J’ai ressenti quelque chose… qui m’a dépassé, « , au lieu de « … qui m’a dépassée. »
« …à la place de ceux qui se sont posés la question » au lieu de « …qui se sont posé la question »
« quand cela arrivait sournoisement dans leurs vies », au lieu de …dans leur vie » (chacun n’en a qu’une).
« Je me suis demandé » au lieu de « je me suis demandée ».
« Je me suis servi… » au lieu de « …servie… ».
« … moi…, qui voulait être actrice », « qui voulais… »
« Et j’ai été très inspiré… » , au lieu de « … inspirée ».

Quoi qu’il en soit , c’est regrettable de laisser passer toutes ces fautes.
Cordialement.