Je suis femme, athée et chercheure

Les laboratoires de recherche académiques sont de plus en plus souvent sollicités pour accueillir des stagiaires souhaitant porter le voile islamique dans le cadre d’activités de recherche.

Pour ces laboratoires souvent composés d’une majorité de femmes ayant un niveau d’éducation privilégié, ce choix, par des femmes bénéficiant elles aussi d’un niveau d’éducation inhabituel pose problème et soulève de vifs débats. En effet, alors que le port du voile islamique est longtemps resté cantonné à certains milieux socio-culturels et économiques, il se répand aujourd’hui sur les bancs des universités.


Ce qui était acceptable de la part de femmes n’ayant pas encore eu l’opportunité de bénéficier d’une éducation, qui procure, par l’apprentissage des savoirs, le sens et le goût des libertés, devient problématique lorsqu’il s’agit de femmes qui sollicitent une formation à la recherche et par la recherche, dans un lieu de transmission du savoir.

Le voile, insulte à la féminitude

Ce qui était acceptable de la part de femmes n’ayant pas encore eu l’opportunité de bénéficier d’une éducation, qui procure, par l’apprentissage des savoirs, le sens et le goût des libertés, devient problématique lorsqu’il s’agit de femmes qui sollicitent une formation à la recherche et par la recherche, dans un lieu de transmission du savoir.

Au delà de ce qu’il représente sur le plan religieux – ce que nous sommes tout à fait capables de tolérer comme tout autre signe religieux – le voile qui nous est ainsi imposé, est une insulte à notre féminitude.

Le statut de la femme en France et dans la majorité des pays occidentaux s’est lentement amélioré au cours du siècle dernier, même si de larges zones d’ombre perdurent et, que de grands progrès restent à faire. Le port du voile est la négation des luttes et des souffrances de millions de femmes, une injure inacceptable envers celles qui ont payé de leur vie et donc un retour en arrière que nous ne pouvons accepter. Il est aussi d’autant moins acceptable qu’il est parfois arboré avec fierté par d’autres femmes.


Au delà de ce qu’il représente sur le plan religieux – ce que nous sommes tout à fait capables de tolérer comme tout autre signe religieux – le voile qui nous est ainsi imposé, est une insulte à notre féminitude. Et en tant que femme, je ne peux accepter le consentement des femmes à leur domination par des hommes, et leur soumission.

Je suis femme, athée et chercheure.

En tant que femme, je ne peux accepter le consentement des femmes à leur domination par des hommes, et leur soumission.

« Car la force la plus forte de l’homme n’est pas dans l’exercice de la violence, mais dans le consentement des femmes à leur domination, et ce  consentement ne peut exister sans qu’il y ait partage par les 2 sexes des mêmes représentations qui légitiment la domination masculine ». ….

Violence et consentement sont les éléments majeurs de la domination masculine (M. Godelier, 1982).

L’exigence laïque doit s’imposer

En tant qu’athée, je ne vois pas comment et pourquoi Dieu pourrait imposer cela à la femme, puisque, comme le pensent plus du quart des individus dans notre société, son existence ne peut être prouvée.

Ses « dires » ne sont que la simple insufflation du bien-fondé de cette soumission à quelques prophètes (oh combien adhérents… puisqu’hommes eux mêmes !), par des hommes, en chair et en os, qui ont œuvré intentionnellement et collectivement pour reproduire et amplifier cet avantage. Et beaucoup persistent !

Selon P. Sastre, cette domination masculine n’existerait pas. « Ce qui existe, c’est une histoire évolutive conflictuelle qui aura poussé les deux sexes à développer des stratégies reproductives distinctes et où en fin de compte les femmes sont loin d’être perdantes » (P. Sastre, 2015).

Quoi qu’il en soit, l’exigence laïque, loin de l’accusation qui lui est faite d’être une nouvelle forme d’intégrisme anti-religieux, doit imposer à tous, religieux et athées, hommes et femmes, respect mutuel et neutralité, et bannir toute hiérarchisation. Elle doit aussi tenir compte des convictions des uns et des autres pour mieux aménager le temps, l’espace et les limites de l’équilibre droits/devoirs, qu’il s’agisse de juifs, de protestants, de catholiques ou de musulmans mais aussi des athées !


Quoi qu’il en soit, l’exigence laïque, loin de l’accusation qui lui est faite d’être une nouvelle forme d’intégrisme anti-religieux, doit imposer à tous, religieux et athées, hommes et femmes, respect mutuel et neutralité, et bannir toute hiérarchisation.
De plus, en tant que chercheure, j’estime que la recherche n’est pas faite pour celles et ceux qui ne remettent rien en question.

En tant que chercheure, j’estime que la recherche n’est pas faite pour celles et ceux qui ne remettent rien en question.

« On ne fait pas avancer la connaissance sans, dans un premier temps, accroître l’inconnaissance, élargir les zones d’ombre, d’indétermination ; pour avancer, il faut d’abord renoncer à certaines évidence ; ces évidences procurent le sentiment confortable que procurent toutes les certitudes ; mais elles nous empêchent de poser les questions, ce qui est, sinon la seule, au moins la plus sûre façon de parvenir à des réponses » (C. Delphy, 1991).

Cela s’applique tout autant aux hommes et aux femmes « apprentis-chercheurs » pour ce qui concerne la recherche scientifique qu’aux femmes « éduquées », en ce qui concerne la domination des hommes et son symbole, le voile.

En tant qu’enseignant universitaire, face au devoir de réserve absolu auquel nous soumet la loi, puisque nous ne devons porter aucun signe et, alors qu’à l’inverse, on nous demande de tolérer les signes religieux chez les étudiants tant qu’ils ne perturbent pas l’ordre, on peut s’interroger sur les limites de l’acceptable. En effet, le voile, porteur de symboles qui dépassent largement le strict religieux est perçu comme une insulte, une injure pour une majorité de femmes.

Les voies du dialogue

Interrogeons-nous comme Régis Debray, sur le type de neutralité qui pourrait être envisageable dans les sphères de la transmission du savoir et de l’acquisition des libertés :

« Un élève peut exprimer ses convictions par la parole, dans ses devoirs écrits ou ses réponses orales (si elles ne sont pas injurieuses pour d’autres), mais on ne peut imposer aux autres le spectacle d’une affiliation à l’état brut, sans léser le postulat d’égalité entre fille et garçon, blond ou brun, malingre et malabar, fidèle et athée, etc…Le domicile est inviolable, et la police elle-même ne peut y perquisitionner qu’à certaines heures et conditions.

A l’inverse, le domestique n’a pas à pénétrer dans le seul des espaces publics qui, pour remplir sa mission propre, doit tenir l’intime en respect. Nous enlevons nos chaussures quand nous entrons dans une mosquée, et l’on ne se convertit pas à l’islam pour autant. Demander à des pratiquants d’enlever couvre-chefs et ornements à la porte des établissements – et à fortiori des classes – ce n’est pas leur imposer de renoncer à ce qu’ils sont, et encore moins de se convertir à un credo qui n’est pas le leur. C’est leur demander de respecter la nature singulière conférée par notre histoire à un lieu où n’importe qui ne peut entrer n’importe comment et de plain pied » (R.égis Debray, 2004).

Je ne vois pas pourquoi cela ne pourrait s’appliquer à des laboratoires de recherche académique.

Quoi qu’il en soit, et au-delà des motifs profonds de ce refuge dans une identité communautaire qui peut afficher, de manière provocatrice, des convictions que nous ne partageons pas, le dialogue s’impose. Les filles, les femmes sont plus souvent l’objets des études et les cibles des discours portant sur le sujet et certaines y sont sensibles voire militantes (« Ni putes, ni soumises »).

En revanche les hommes – bien que certains changent aussi – demeurent le plus souvent indifférents, effacés voire franchement hostiles à ces mouvements qui attaquent des privilèges biologiquement injustifiés et surannés (D. Welzer-Lang, 2004 ; C. Junien, A. Gabory, et L. Attig, 2012 ; C. Junien 1017). Pourront-ils tenir longtemps, en porte-à-faux, à contre-courant, dans une société qui affiche et pratique l’inverse de ces préceptes ? Ils ne peuvent continuer à imposer ce patriarcat voire un certain « viriarcat » qu’en dehors de la loi et par différents types de contraintes voire de violences idéelles et factuelles envers les femmes. Contrairement à ce que beaucoup de ces garçons pensent, et dans le contexte d’égalité des sexes vers laquelle nous tendons, ces hommes s’enferment dans une virilité obligatoire et dépassée qui devient leur prison.

« Paradoxalement, l’homme reproduit en lui toutes les valeurs patriarcales jusqu’à incarner la puissance même qui l’opprime : il est dans la situation ridicule d’être à la fois garant et victime du système » (G. Fournier et E. Reynaud, 1978 ; E. Reynaud, 1981).

Or il existe des alternatives aux archétypes masculins désuets. Il est possible de vivre autrement ses expériences d’hommes et le rapport aux femmes, tout en gardant sa dignité et ses convictions religieuses.

Claudine Junien

Claudine Junien est professeur émérite de génétique médicale,

Source : Causeur

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

5 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Flora

à propos du voile, il faudrait poser le problème autrement.
Car à quoi sert le voile, sinon à se cacher ou à cacher quelque chose?
La question est donc bien de se cacher (ou d’être cachée). Il s’agit donc de s’interroger sur ce que signifie le fait de se cacher, selon les contextes.
Dans un contexte hostile, de dictature particulièrement: se cacher est une forme de protection possible (voir pendant la seconde guerre mondiale les résistants. (positif)
Dans un contexte de fête, lors des carnavals par exemple, se cacher procède du jeu, du plaisir, de la fête. (positif)
Dans un contexte érotique, se cacher, se voiler, tend à développer le désir (Positif, sauf à ce que cela peut aussi amener au désir du viol, le voile en étant l’incitation)
Par contre, dans un contexte non hostile, dans les Etats démocratiques où les libertés existent, se cacher c’est soit craindre la liberté, soit se dissimuler pour frapper, soit ne pas vouloir assumer la responsabilité de nos actes, soit parce qu’on nous l’impose. Mais ça peut être aussi une façon de ne pas être remarqué(e) parce que l’on ne se trouve pas assez fort, assez à la hauteur des canons esthétiques de la Société dans laquelle on vit. (Dans tous ces cas de figure, cela renvoie à du négatif)
Dans ce contexte non hostile à la personne, qui se cache donc?: le voleur, celui ou celle qui veut faire un mauvais coup, qui ne veut pas se faire remarquer, qui ne veut pas assumer la responsabilité de ses actes, qui a honte (négatif)
Maintenant, pourquoi des femmes montrent-elles ostensiblement qu’elles se cachent?
: pour servir cette idée qu’il faut vivre effacée et soumise, et c’est ainsi que les femmes voilées sont les portes drapeaux de la servitude volontaire, de la soumission aux hommes qui, eux ont tous les droits de s’exposer.
Réflexion à poursuivre en lisant attentivement les textes dits ‘sacrés’ en regard de la Constitution relative aux droits fondamentaux de la femme, de l’homme et des enfants.
La religion et ses dogmes est-elle compatible avec l’exercice du libre examen?

Un Goy Français

@Sarah Vigoret
« Le féminisme militant nie à la femme sa liberté de choisir sa vie au profits d’idéaux complexés. »

Je suis d’accord : aujourd’hui le féminisme est pathétique, surtout en France : elles ne savent même plus ce qu’elles veulent et souvent, revendiquent n’importe quoi. Pour moi, le féminisme n’est pas l’affirmation que les femmes et les hommes doivent être strictement identiques. Egalité des droits et des devoirs, égalité de salaire, évidemment ! Droit de vote, acquis depuis 70 ans, bien sûr !

Mais sans de vrais hommes, point de vraies femmes. Dans le domaine relationnel, vive l’altérité ! Ce sont les différences qu’il faut prendre en compte, et c’est ce que dit la religion chrétienne.

La religion islamique, elle, ne dit pas seulement que la femme doit être soumise à l’homme, elle dit qu’elle lui est INFERIEURE. Et ça, c’est le vrai mensonge. Hommes et femmes, s’ils ne sont pas identiques, sont égaux. Point marre.

léa

Cette dame est chercheurE mais elle reste professeur sans E final. Cette fierté féminine mal placée dans cette orthographe déplorable qui rajoute un E à toutes les professions masculines est complètement ridicule. J’ai tout autant d’amiration et de respect pour Madame l’écrivain, l’auteur, le professeur, le docteur etc etc. Préoccupons nous plutôt de donner des salaires équivalents ou des postes a responsabilité où nous les femmes sommes tout aussi compétentes que les hommes.

marman68

la femme prison, elle a toujours les barreaux devant ses yeux, et se promène tous le temps avec sa prison portative, et ils osent venir nous parler de liberté

Sarah Vigoret

« En tant qu’athée, je ne vois pas comment et pourquoi Dieu pourrait imposer cela à la femme, puisque, comme le pensent plus du quart des individus dans notre société, son existence ne peut être prouvée. »
Si ça ce n’est pas de l’intégrisme laïque ! Et enrobé d’intégrisme féministe…
Le féminisme militant nie à la femme sa liberté de choisir sa vie au profits d’idéaux complexés.
Concernant D.ieu, sa non-existence n’a également pas de preuve tangibles…
L’intégrisme scientifique laïque est véritablement une des plaies de ce siècle, et je pense qu’il porte une certaine responsabilité dans le développement de l’obscurantisme islamique dont les militants de base sont quasiment à 99% incultes.