Séfarades, ashkénazes, une rupture plus politique que sociale ou économique. Un pays riche qui produit aussi de la pauvreté et de la violence. Une réalité contrastée, d’une marche en avant à pas forcé où les plus faibles ne trouvent aucun secours.

Au-delà des problèmes sécuritaires ou nationaux, il y a une identité juive qui doit aussi se vivre avec la morale et la solidarité, en faisant cesser le règne de l’argent roi.

Les Orientaux, majoritaires en Israël

À l’échelle de la population juive israélienne, il est difficile d’évaluer avec précision la proportion de Juifs orientaux (ou Mizrahim), c’est-à-dire ceux dont les aïeux sont originaires du Maghreb et du Moyen-Orient.

D’une part, les recherches israéliennes mêlent le plus souvent Séfarades et Orientaux. Or les premiers avaient pour langue maternelle le ladino, aussi appelé judezmo ou judéo-espagnol, tandis que les seconds parlaient majoritairement un dialecte arabe, judéo-arabe ou judéo-araméen.

D’autre part, l’existence de centaines de milliers de couples mixtes ashkénazes-orientaux brouille quelque peu les estimations. Un critère pertinent serait plutôt le sentiment d’appartenance des Juifs israéliens. Selon ce critère, sur une population juive estimée à 7,3 millions d’âmes en 2020, 45 % s’identifient comme Orientaux ou Séfarades, 44 % comme Ashkénazes et 3 % comme Beta Israël (ou Éthiopiens)*.

Par ailleurs, les Ashkénazes se subdivisent parfois entre Ashkénazes au sens strict – originaires d’Europe à l’exception de l’ex-Union soviétique – et russophones issus de l’immigration ex-soviétique des années 1990, ces derniers ayant un profil culturel différent, très largement athée et pratiquant un bilinguisme russe-hébreu.

Si l’on tient compte de cette distinction, les Orientaux, qui représentent 45 % de la population, constituent ainsi le premier groupe “ethnique” juif d’Israël face à 30 % d’Ashkénazes au sens strict et 14 % d’Ex-Soviétiques.

* Source : Noah Lewin-Epstein et Yinon Cohen, “Ethnic origin and identity in the Jewish population of Israel” in Journal of Ethnic and Migration Studies (2018).

L’épisode Givat Amal, une récente illustration du clivage Mizrahim-Ashkénazes

Comme le relatait le 16 novembre 2021 le site israélien Siha Mekomitbasé à Tel-Aviv Jaffa, le 15 novembre dernier, près de 200 policiers et garde-frontières israéliens ont effectué une descente à Giv‘at Amal A (“La Colline du Labeur A”, en hébreu) et en ont expulsé ses derniers habitants orientaux.

Avec 360 000 habitants (dont 95 % de Juifs), les quartiers septentrionaux et centraux de Tel-Aviv abritent des populations juives principalement ashkénazes issues des classes moyennes et supérieures, tandis que les quartiers méridionaux abritent des populations populaires “mixtes” : 31 000 Juifs et 17 000 Arabes.

Giv‘at Amal A, elle, était une “anomalie”, une enclave “orientale”, peuplée de Juifs d’origines maghrébine et moyen-orientale, au cœur des quartiers septentrionaux majoritairement ashkénazes de Bavli, Giv‘at Amal B et Tzamarot Ayalon. Une première vague d’expulsions avait déjà eu lieu en 2014.

Mais la pauvreté n’est pas le lot des Séfarades sans formation vivant en marge du pays dans des villes pauvres où règne la violence, les orthodoxes ashkénazes pour certains d’entre eux vivent aussi dans une relative pauvreté du fait de chefs de famille ne travaillant pas. La pauvreté concerne ceux qui sans formation aucune, n’ont personne pour les sortir de leur état, dans un  pays où les dirigeants sont plus proches des spéculateurs, qui ont pris les habitants en otages. Les profits dans l’immobilier sont du domaine de l’escroquerie organisée. Rien ne peut expliquer les marges de 300% à 400% fait sur le dos des acquéreurs. L’un des exemples les plus édifiants est entre autres Netanya où les tours en grappe de dix sont des copier-coller , sur des terrains de sable, sans commerce, où le prix des logements avoisine les 7000 €/m² alors que les couts de construction ne dépassent pas les 2000 €/m².

NATANYA – SARCELLES APRES SARCELLES MAIS A 7000 €/M²

JForum – Courrier International

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Les habitants de Givat Amal expulsés de leurs maisons après 16 ans de bataille juridique

En 2018, un tribunal a statué que les résidents du quartier de Tel Aviv y vivaient illégalement, mais néanmoins, la décision d’expulser les résidents restants n’a pas été annulée.

Des policiers sont entrés lundi matin dans le quartier de Tel Aviv Givat Amal pour commencer à expulser les familles après des mois de protestations des habitants à la suite d’une décision de justice les obligeant à partir.
Il y a actuellement environ 45 familles vivant à Givat Amal suite aux expulsions précédentes en 2014 d’environ 80 familles. En 2018, un tribunal a jugé que les résidents de Givat Amal y vivaient illégalement, mais néanmoins, la décision d’expulser les résidents restants n’a pas été exécutée.
Givat Amal est l’un des quartiers les plus pauvres de Tel-Aviv, bien qu’il soit situé dans l’un des quartiers les plus riches de la ville. La zone a été décrite comme « l’une des zones immobilières les plus recherchées » du pays, ce qui a conduit à la bataille juridique qui a commencé en 2005 et s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui.
GIVAT AMAL AU NORD DE TEL-AVIV
Un projet de développement dirigé par le magnat des affaires Yitzhak Tshuva a été approuvé pour la première fois à Givat Amal en 2005, ce qui l’aurait vu tripler de taille pour inclure sept nouveaux immeubles de grande hauteur, mais déplacer la population, dont beaucoup y vivent depuis la fondation de l’État mais n’ont pas de droits de propriété légaux.
En raison de l’absence de droits de propriété, les familles déplacées ont d’abord été informées qu’elles n’auraient pas droit à une indemnisation, mais cela a changé depuis. À partir d’août 2021, les locataires expulsés recevront une aide au loyer pendant les mois suivant les expulsions, a rapporté N12.
Un rapport de Haaretz d’octobre de cette année décrivait les conditions du quartier de Givat Amal, en attendant les expulsions à venir. « Jusqu’à aujourd’hui, ils utilisent des forages qu’ils ont creusés pour évacuer les eaux usées. Sans chambres fortifiées, ils se mettent à l’abri des roquettes sous des toitures en amiante fragile. Les mauvaises herbes qui ont envahi les parcelles vides où vivaient les habitants offrent désormais un refuge aux serpents », a rapporté le journal. .
Avant les évacuations de lundi, les habitants de Givat Amal se sont barricadés chez eux, ainsi que des militants sociaux qui sont arrivés pour les soutenir.
Le codirecteur de StandingTogether, Alon-Lee Green, a appelé d’autres personnes à se joindre à lui pour aider les habitants du quartier, affirmant qu’il était « dans la maison d’un habitant qui vit ici depuis plus de 70 ans. Huldai et les ministres du gouvernement autorisent Yitzhak Tshuva à expulser un tout le quartier pour qu’il puisse se construire une tour de luxe. »
L’espoir que le nouveau gouvernement annulerait les décisions d’expulsion est devenu infondé, un fait qui se reflète dans les affiches et les pancartes placardées dans le quartier avec les visages du ministre de la Justice Gideon Saar et de la ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked, les tenant pour responsables de la décision avec Le maire de Tel-Aviv, Ron Huldai.
Jérusalem Post

Portraits

Israël : les Séfarades, les Ashkénazes, ma mère et moi.

Une romancière israélienne livre l’histoire de sa mère, juive marocaine qui a émigré en Israël, où elle a épousé un Ashkénaze. Un récit autobiographique, publié dans Ha’Aretz, qui met en avant le clivage tenace entre Juifs orientaux et occidentaux dans ce pays et les injustices subies par les Mizrahim et autres Juifs considérés comme “d’Orient”.

De Téhéran à Casablanca en passant par Mascate, Bagdad, Alger et d’autres villes du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, les communautés juives à travers cette partie du monde, berceau historique du judaïsme, ont évolué au gré de l’évolution des relations entre leurs pays et l’État hébreu, des flux migratoires, des mouvements d’indépendance ou encore des conflits internes et des accords de paix. Courrier International revient sur cette histoire mouvementée des “Juifs d’Orient” dans une série en huit épisodes, voici le premier.

“Certains disent que plus noire est la baie, plus sucré est le jus. Je dis que plus sombre est la chair, plus profondes sont les racines.” – [Le rappeur américain] Tupac Shakur.

Sur un siège de l’hôpital Ichilov de Tel-Aviv, mon regard est attiré par le journal. Je le ramasse et l’ouvre à la page 2. “Regarde”, dis-je à ma mère. Elle plisse les yeux, ne comprenant pas tout de suite. “Ah !” s’écrie-t-elle, étonnée, avant de répéter mon nom avec inquiétude, comme si sa parution dans un journal le lui rendait étranger et qu’elle essayait de ne pas mal le prononcer. Elle a l’air contente, mais cela ne nous rapproche pas davantage. Au contraire. La distance creusée entre nous par une foule de détails biographiques n’en est que plus concrète.

Je la félicite pour ses cheveux qui commencent à repousser. Depuis qu’elle est tombée malade un an auparavant et qu’elle les a perdus, elle s’est mise à porter des bonnets de laine, ressemblant ainsi à son père, lequel ne retirait jamais son chapeau de laine, même lors des fêtes. Peut-être mon grand-père préférait-il ce couvre-chef à la kippa ? Peut-être était-ce une habitude qu’il avait emportée de son village des montagnes de l’Atlas [marocain], et à laquelle il s’était accroché à Hatzor Haglilit, la ville juive de Galilée [fondée en 1953 près de Safed, au nord du lac de Tibériade] où il s’était installé et où il est désormais enterré ?

Fraises à la crème

Ses yeux se tournent vers mon bras qui est presque collé au sien. “Tu es noire, tu vas souvent à la plage ?” Elle ouvre le haut de son chemisier pour me montrer qu’elle aussi prend des couleurs, ajoutant non sans plaisir que nous avons en commun un beau teint. Lorsqu’elle me portait dans son ventre, ma grand-mère Chawa, la belle-mère de mon père ashkénaze, lui donnait de grands bols de fraises à la crème.

Ma mère, une adolescente de 17 ans, mangeait sagement. Chawa était originaire d’Europe et portait des écharpes en fourrure de renard. Sa maison était garnie de miniatures en cristal, ainsi que d’un lustre en cristal poli, ce qui fascinait ma mère.

Quand elle avait fini la préparation sucrée, jusqu’à la dernière goutte, elle courait vomir et quand elle revenait, en larmes et à bout de souffle, ma grand-mère lui tapotait le dos : “Ce n’est pas grave, l’important, c’est que quelque chose soit entré.” Ma mère ne savait pas alors que, dans son dos, ma grand-mère se vantait de noyer ses fraises de crème pour que je ne sorte pas de son ventre aussi noire qu’elle.

“Une immigrante du Maroc”

Ma mère supporte patiemment ma compagnie dans les salles d’attente de l’enfer, s’assied sagement dans le cabinet du médecin et laisse sa fille poser les questions. Jamais ma mère ne pourrait imaginer que, la nuit précédente, sa fille si assurée n’a pas trouvé le sommeil, se tournant et se retournant dans son lit, et que, dans la salle d’attente, ses tripes se tordent d’une terreur qu’elle s’efforce de ne pas trahir. “De quoi as-tu peur ?” lui demandais-je, alors que ses genoux s’agitaient.

Avant notre premier rendez-vous à l’hôpital Ichilov, je lui ai dit que le médecin est éthiopien. Elle a réagi par un “ah” neutre, avant d’ajouter : “Je ne sais pas quoi dire.” Cela veut dire que, jusqu’à ce qu’elle connaisse mon sentiment et, donc, ce qu’on attend d’elle, elle préfère garder le silence. Ce qui est une nette amélioration par rapport à la réaction de ma grand-mère paternelle, lorsque mon père “lui a ramené une immigrante du Maroc”.

Comment résumer l’histoire familiale ? Mon père est né à Krasnobród, une bourgade [majoritairement juive] de la province de Lublin, dans le sud-est de la Pologne actuelle. Lorsque, au début de la Seconde Guerre mondiale, le 23 septembre 1939, la Gestapo a investi la ville, assassiné ses habitants juifs et pillé leurs biens, il est parvenu à fuir vers l’est avec ses parents et sa sœur, jusqu’en Sibérie.

Après trois années d’errance et la mort de sa femme de la fièvre typhoïde, mon grand-père a mis mon père et sa sœur sur un bateau rempli d’autres enfants en partance pour Israël.

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La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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Davidex

La pauvreté est ce qu’il y a de plus effrayant dans la société israélienne.

emmanuel

FAIRE DES MARGES DE 300% ET 400% EST IMPOSSIBLE ! ! !!!!!

le maximum est de 100%. CE QUI N’EST PAS DU TOUT NORMAL.
PAS BESOIN D’EN RAJOUTER POUR MONTRER LE COTE ABJECT DES EXPLOITEURS DE MISERE.

Manu