(FILES) In this file photo taken on June 18, 2021 Iranian ultraconservative cleric and presidential candidate Ebrahim Raisi waves after casting his ballot for presidential election, in the capital Tehran. Congratulations poured in for ultraconservative Ebrahim Raisi today on winning Iran's presidential election as his rivals conceded even before official results were announced. The other three candidates in the race all congratulated him for his victory, which had been widely expected after a host of heavyweight rivals had been barred from running. / AFP / ATTA KENARE

Ebrahim Raïssi, nouveau visage dur de l’Iran

Le candidat ultraconservateur a été élu, sans opposition, avec 61,95 % des voix, dès le premier tour du scrutin, avec un taux d’abstention de 51,2 %. La gouvernance iranienne repose sur 29% du peuple, c’est à dire rejetée par près 70% des iraniens. Ce gouvernement finira par chuter. L’Europe en s’opposant à Trump, et en n’appliquant pas les sanctions qui auraient dû être appliquées, a permis la survie du régime terroriste d’Iran.

Il aura été le seul à faire campagne, si loin et si proche à la fois. Si Ebrahim Raïssi, élu président de la République islamique d’Iran avec 61,95 % des suffrages, selon des résultats définitifs annoncés samedi 19 juin, a limité ses apparitions physiques, il a été omniprésent dans l’espace public avec un affichage massif de portraits à son effigie dans les rues et sur les édifices. Le chef de l’autorité judiciaire aura même bénéficié du soutien post-mortem du général Ghassem Soleimani. Mort en janvier 2020, l’ancien chef des opérations extérieures des gardiens de la révolution (l’armée idéologique du pays), le plus célèbre martyr de l’aile dure du régime, a ainsi été « rappelé » pour la cause : des affiches le mettant en scène au côté du futur président jusqu’aux lettres de soutien qu’il lui aurait adressées.

Women register to vote in the presidential election at a polling station in Tehran, Iran, Friday, June 18, 2021. Iran began voting Friday in a presidential election tipped in the favor of a hard-line protege of Supreme Leader Ayatollah Ali Khamenei, fueling public apathy and sparking calls for a boycott in the Islamic Republic. (AP Photo/Ebrahim Noroozi)

Ultrafavori faute d’adversaires en mesure de lui contester la victoire, ses challengeurs les plus sérieux ayant été empêchés de se présenter, Ebrahim Raïssi est élu, à l’âge de 60 ans, au terme d’une étrange campagne. Nul n’a été besoin d’une armée de petites mains, de tractages, de militants… Dans la capitale, la machine électorale du camp conservateur s’est bornée à saturer tant l’espace visuel que virtuel avec une campagne agressive menée sur les réseaux sociaux. A la veille du scrutin du 18 juin, des volées de SMS envoyés à tous les abonnés du pays ont pris le relais. Pour encourager la participation, rien n’a été exclu. Fait inédit : l’heure limite du vote a été prolongée jusqu’à 2 heures du matin. Ce qui a été dénoncé par certains comme illégal, car le vote, selon la loi, ne peut être prolongé sur deux jours. Quelques minutes avant minuit, les Iraniens ont reçu un SMS citant le Guide suprême, Ali Khamenei, les appelant à se rendre aux urnes si « nous voulons faire diminuer ou anéantir les pressions économiques comme les sanctions ».

Ton plus nuancé sur le nucléaire

Dans un scrutin qui a vu la base conservatrice se mobiliser, Ebrahim Raïssi a tenté de rassembler au-delà du cercle des plus ultras en menant une campagne axée sur la lutte contre la pauvreté et la corruption dans un pays épuisé par la crise économique et le poids des sanctions internationales, entrées en vigueur après la sortie unilatérale de l’ancien président américain Donald Trump, en 2018, de l’accord sur le dossier nucléaire de Téhéran.

La colère a conduit une majorité d’Iraniens à boycotter le scrutin, avec un taux d’abstention de 51,2 %, selon des résultats définitifs donnés par le ministère de l’intérieur, qui recense aussi près de 3,7 millions de bulletins blancs ou nuls. Mais son image d’homme incorruptible l’a servi auprès de ceux qui ont voté. Parmi les Iraniens qui se sont déplacés aux urnes vendredi, nombre d’électeurs rencontrés ont fait le pari de reporter leur voix sur Ebrahim Raïssi dans l’espoir, souvent sans grande illusion, d’une amélioration de leurs conditions de vie. Loin de toute considération sociétale ou religieuse.

 

Alors qu’il y a quatre ans, à l’époque candidat à la présidentielle face au président Hassan Rohani, Ebrahim Raïssi n’avait raté aucune occasion de s’en prendre à l’accord conclu en 2015 avec la communauté internationale, cette fois, il a adopté un ton beaucoup plus nuancé. « Nous considérons l’accord comme un contrat que le Guide suprême a validé et nous nous engageons à le respecter », a-t-il soutenu lors d’un débat télévisé avec ses rivaux. « Mais vous n’êtes pas capables d’appliquer l’accord. Seul un Etat fort peut le faire, a-t-il ajouté face à son adversaire, le réformateur Abdolnaser Hemmati, l’ex-gouverneur de la banque centrale, vu comme un supplétif du président Rohani. L’autorité à l’étranger est une prolongation de l’autorité à l’intérieur. Lorsque vous ne pouvez pas fournir assez de poulets dans le pays, vous êtes aussi incapables de faire appliquer l’accord. » Une allusion à l’échec du gouvernement Rohani de redresser l’économie, notamment après le retour des sanctions américaines.

Pour Henry Rome, spécialiste de l’Iran au sein du cercle de réflexion Eurosia Group, le changement de ton de M. Raïssi s’explique avant tout parce qu’« un accord est résolument dans l’intérêt de l’Iran ». Ce dossier sensible, comme toutes les questions essentielles au sein de la République islamique, est entre les mains du Guide suprême, la plus haute autorité du pays. Le gouvernement ne fait qu’appliquer ses directives. « Si un accord est conclu avant qu’il ne prenne ses fonctions [en août], Raïssi l’honorera. Sinon, il faut s’attendre à ce qu’il agisse de sorte à conclure rapidement les pourparlers, afin de bénéficier d’une amélioration économique rapide » avec la levée des sanctions américaines, explique Henry Rome. Selon le Wall Street Journal, les pourparlers indirects doivent reprendre, début juillet, à Vienne entre l’Iran, le Royaume-Uni, la France, la Russie, la Chine, l’Allemagne et les Etats-Unis, pour sauver le « deal ».

Le sombre passé d’Ebrahim Raïssi, qui a fait toute sa carrière au sein du pouvoir judiciaire, jouant un rôle important dans presque tous les grands dossiers de violation des droits humains depuis la révolution islamique en 1979, pèsera aussi bien en Iran qu’à l’étranger. Sur la scène internationale, Ebrahim Raïssi sera, estime Henry Rome, « gardé à distance ». Il figure notamment sur la liste noire des dirigeants iraniens sanctionnés par les Etats-Unis pour « complicité de graves violations des droits humains ». « Il y a un prix à payer pour l’Occident de parler avec M. Raïssi, au bilan épouvantable en matière de droits humains, analyse Ali Vaez, directeur du programme Iran à l’International Crisis Group. Pour autant, les négociations ne vont pas s’arrêter avec lui, au vu de précédents comme [le dirigeant libyen Mouammar] Kadhafi et les talibans. »

Les militants politiques s’attendent à des jours sombres pour la société civile iranienne sous la présidence Raïssi. C’est sous son règne à la tête de l’autorité judiciaire (2019-2021) que l’ONG caritative Imam Ali, active depuis plus de vingt ans dans la lutte contre la pauvreté, a été interdite. En 2020, le dissident Rouhollah Zam, exilé en France d’où il animait une chaîne d’information sur la messagerie Telegram, a, lui, été kidnappé en Irak et exécuté. « M. Raïssi incarne la pensée autoritaire. Il incarne la fermeture des journaux et le traitement sévère des dissidents et des militants politiques, explique depuis Téhéran une militante politique qui a été plusieurs fois emprisonnée pour ses activités et préfère garder l’anonymat. L’élection d’Ebrahim Raïssi aura indéniablement des conséquences graves pour nous. »

Le nouveau président est attendu au tournant. Il doit rapidement honorer ses engagements électoraux sur la reprise économique. Depuis le retour des sanctions américaines, l’inflation n’a cessé de grimper, jusqu’à atteindre aujourd’hui 40 %, tandis que le taux de chômage est de 12 %. Des chiffres sous-estimés, selon de nombreux économistes. Or, la corruption endémique, la gabegie et le népotisme généralisés dans le système iranien n’augurent pas d’un décollage rapide de l’économie.

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