Irak : dix manifestants tués en 24 heures, la situation reste tendue à Bagdad

Les forces de l’ordre ont, comme mardi, fait usage de balles réelles pour disperser des manifestants qui réclament une meilleure situation économique et la fin de la dépendance vis-à-vis de l’Iran.

Des manifestants à Bagdad, mercredi 2 octobre. La veille, deux d’entre eux sont morts.
Des manifestants à Bagdad, mercredi 2 octobre. La veille, deux d’entre eux sont morts. SALAM FARAJ / AFP

Dix manifestants ont été tués et des centaines ont été blessés en vingt-quatre heures en Irak où des milliers de personnes réclamant services et emplois ont défilé de nouveau mercredi 2 octobre face à des forces antiémeute qui tirent à balles réelles malgré des appels au calme. L’armée régulière tend à fraterniser avec la population, alors que les milices pro-iraniennes font les frais de l’impopularité. Soleimani est arrivé d’urgence à Bagdad, pour orienter la répression.

Le gouvernement d’Adel Abdel Mahdi, mis en place il y a presque un an, a fait le choix de la fermeté face à son premier test populaire, sans toutefois que cela ne décourage les manifestants qui affluaient toujours en soirée vers les points de ralliement à Bagdad et dans plusieurs villes du Sud. Mercredi, deux manifestants ont été tués par balles à Nassiriya, dans le sud du pays, et plusieurs à Bagdad, selon des responsables qui n’ont pas précisé l’origine des tirs. La veille, un manifestant avait été tué à Nassiriya et un autre à Bagdad.

En divers quartiers de la capitale, des manifestants ont brûlé des pneus, coupant des axes routiers importants. Les manifestants cherchent à converger vers l’emblématique place Tahrir, dans le centre de Bagdad, point de rendez-vous traditionnel des manifestants, et face à l’Ambassade d’Iran. Comme la veille, les forces antiémeute ont tiré de nouveau à balles réelles mercredi à Bagdad, ainsi qu’à Nadjaf et à Nassiriya pour disperser les milliers de manifestants aux revendications variées : de la lutte contre la corruption à celle contre le chômage en passant par la récente mise à l’écart d’un général populaire. Elles ont également molesté des journalistes et arrêté un reporter à Bagdad, d’après des correspondants sur place.

Selon des sources médicales, une soixantaine de personnes, en majorité des manifestants, ont été blessées à Bagdad, dont une dizaine par balles. En vingt-quatre heures, environ trois cents blessés ont été officiellement recensés.

« Ici, on a l’impression d’être des étrangers chez nous »

Les protestataires n’entendent toutefois pas laisser le mouvement faiblir. A Zaafaraniya, Abdallah Walid, journalier de 27 ans, a rapporté à l’Agence France-Presse (AFP) être sorti mercredi « en soutien aux frères de la place Tahrir », aujourd’hui bouclée par les forces de l’ordre. « Nous voulons des emplois, de meilleurs services publics, cela fait des années qu’on les réclame et le gouvernement ne nous a jamais répondu », lance-t-il, excédé, près d’une rue où des blindés des forces antiémeute sont stationnés.

« On réclame tout : on veut un pays, ici, on a l’impression d’être des étrangers chez nous (face à l’Iran qui manipule les dirigeants du pays)», a renchéri Mohammed Al-Joubouri, qui travaille lui aussi comme journalier en dépit de son diplôme universitaire. « Aucun Etat n’attaque son peuple comme ce gouvernement. On est pacifiques et ils tirent », a-t-il affirmé, au milieu de colonnes de fumée noire s’élevant de pneus brûlés barrant des rues du quartier d’Al-Chaab, dans le nord de la capitale.

Lire le reportage de 2018 :En Irak, la grande colère de Bassora, en proie à de nombreuses manifestations

Les manifestations contre le pouvoir ne sont pas rares en Irak, mais depuis l’arrivée aux affaires du gouvernement de M. Abdel Mahdi, le 25 octobre 2018, aucune d’apparence spontanée n’avait connu une telle ampleur. La mobilisation rassemble toute sorte de déçus du gouvernement, des diplômés au chômage aux détracteurs de la corruption. Aucune organisation, aucun parti politique ou leader religieux ne s’est déclaré à l’origine des appels à manifester qui ont récemment fleuri sur les réseaux sociaux.

Les Nations unies appelle à la retenue

Depuis mardi, les appels à la retenue se sont multipliés. Le président, Barham Saleh, a estimé sur Twitter que « manifester pacifiquement » était « un droit constitutionnel », les forces de l’ordre étant là « pour protéger les droits des citoyens ».

Barham Salih

@BarhamSalih

التظاهر السلمي حقٌ دستوري مكفولٌ للمواطنين.أبناؤنا في القوات الامنية مكلفون بحماية حقوق المواطنين، والحفاظ على الأمن العام. أؤكد على ضبط النفس وإحترام القانون. أبناؤنا شباب العراق يتطلعون إلى الإصلاح وفرص العمل، واجبنا تلبية هذه الاستحقاقات المشروعة. الرحمة للشهداء والشفاء للجرحى

1 343 personnes parlent à ce sujet

« Nos jeunes veulent des réformes et du travail, c’est notre devoir de satisfaire ces demandes légitimes », a écrit M. Saleh, alors que le pays est sorti, fin 2017, de sa dernière guerre, celle contre l’organisation Etat islamique (EI), avec une économie exsangue et un taux de chômage de 25 % parmi les jeunes.

Les forces de sécurité irakiennes bloquent l’accès à la place Tahrir, au centre de Bagdad, mercredi 2 octobre.
Les forces de sécurité irakiennes bloquent l’accès à la place Tahrir, au centre de Bagdad, mercredi 2 octobre. Khalid Mohammed / AP

La représentante spéciale de l’Organisation des Nations unies (ONU) en Irak, Jeanine Hennis-Plasschaert, a dit être « très inquiète » et a appelé « à la retenue ». La commission des droits de l’homme du Parlement a dénoncé une « répression » qui constitue « une faute » et dont « les responsables devront rendre des comptes ». Le patron du Parlement a réclamé une enquête, de même que Moqtada Al-Sadr, très influent leader chiite devenu chantre des militants anticorruption.

Mais, dans la nuit de mardi à mercredi, alors que les proches du manifestant tué à Bagdad l’enterraient à Sadr City, remuant bastion chiite, le porte-parole du ministère de l’intérieur, Saad Maan, a dénoncé « des saboteurs » cherchant à « propager la violence ». Peu après, M. Abdel Mahdi a salué « la grande responsabilité et la retenue des forces armées » face à « des agresseurs (…) ayant délibérément fait des victimes parmi les manifestants innocents ». Ce communiqué a suscité des commentaires enflammés sur les réseaux sociaux, mercredi matin.

JForum avec agences (I24, AFP, qui minimise l’influence de l’Iran comme cible des manifestants)

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