Hollywood & Israël, la love story : rencontre entre l’État juif et le grand écran

Dans un nouveau livre, les auteurs Tony Shaw et Giora Goodman examinent l’histoire de la représentation de l’Israël moderne au cinéma, avec ses hauts et ses bas

Israël occupe une place démesurée sur le grand écran américain. Qu’il s’agisse de films épiques à gros budget comme « Exodus », le succès de Paul Newman de 1960, ou de la comédie d’Adam Sandler « You Don’t Mess With the Zohan » en 2008, les films d’Hollywood sur l’État juif suscitent toutes sortes de réactions souvent contradictoires.

Cet éventail de réactions fait l’objet d’un nouveau livre intitulé Hollywood and Israel : A History, par les professeurs Tony Shaw et Giora Goodman.

« Il y a déjà eu un certain nombre de livres traitant du sujet de la représentation d’Israël dans les films hollywoodiens, principalement ‘Exodus’ », a déclaré Goodman dans une interview. « Mais aucun d’entre eux ne traite de la relation dans son ensemble, à la fois hors écran et à l’écran, et sur tout un siècle. »

« Il ne s’agit pas seulement de production cinématographique, mais aussi de philanthropie, de diplomatie et de défense des intérêts des célébrités, tout type de relation qui peut être construit entre la capitale mondiale du divertissement et un pays, Israël. »

Le livre regorge de moments cinématographiques représentant Israël.

Ils vont du baiser émouvant entre Paul Newman et son amoureuse presbytérienne américaine, l’infirmière Kitty Fremont (Eva Marie Saint), au sommet du mont Hermon dans « Exodus », à la vue saisissante de zombies déferlant sur Jérusalem dans « World War Z », une adaptation par Brad Pitt du best-seller apocalyptique de Max Brooks, fils du très apprécié réalisateur juif Mel Brooks.

Il y a aussi beaucoup d’anecdotes basées sur des recherches d’archives. Saviez-vous que l’ancien Premier ministre Ehud Olmert avait suggéré le titre « Pretty Woman » au producteur Arnon Milchan, lorsqu’Olmert était maire de Jérusalem ? Ou que la superproduction de 1990 avec Julia Roberts est ensuite devenue le film préféré de Yasser Arafat ? Ou encore que Frank Sinatra, aficionado d’Israël depuis toujours, aurait fait passer des fonds à la Haganah (c’est du moins ce qu’a affirmé Teddy Kollek, l’un des premiers agents de liaison israéliens à Hollywood, qui est, lui aussi, devenu maire de Jérusalem).

Les origines du livre sont presque hollywoodiennes : un collègue basé à Los Angeles a mis en relation les co-auteurs géographiquement séparés. Shaw est un universitaire britannique de l’université de Hertfordshire, tandis que Goodman est basé en Galilée où il occupe la chaire du département d’études multidisciplinaires du Kinneret College.

Interrogés sur leurs films préférés parmi les nombreux qu’ils ont étudiés, les auteurs les auteurs ont gardé une certaine réserve, mais ont tous deux levé leurs pouces pour le film « Zohan » de Sandler.

« Je ne suis pas un grand fan d’Adam Sandler », a déclaré Shaw. « La plupart de ses films sont assez mauvais. ‘Zohan’ n’est pas un mauvais film en termes de potentiel comique. Je ne suis pas un adolescent, Sandler fait un tabac auprès des adolescents, il n’y a pas grand-chose à retirer de tout ça, mais j’aime bien rire. »

La palette de personnages figurant dans le livre comprend des célébrités juives américaines telles que Barbra Streisand, qui a parlé avec l’ex-premier ministre Golda Meir par satellite et a chanté l’Hatikvah lors d’une fête célébrant le 30e anniversaire de l’État d’Israël en prime time en 1978.

Barbra Streisand, en bas à gauche, s’entretient par téléphone avec le Premier ministre israélien Golda Meir lors de l’événement « The Stars Salute Israel at 30 » à Los Angeles, le 7 mai 1978. (Crédit : Wally Fong/AP)

Et puis il y a Steven Spielberg, qui a réalisé deux films sombres ayant un lien à Israël : « La liste de Schindler », oscarisé en 1993, qui se termine sur l’image de survivants de la Shoah se dirigeant vers Sion, au son de « Yeroushalayim shel zahav, et « Munich », en 2005, un film controversé qui explore la traque par le Mossad des terroristes de Septembre noir à l’origine du massacre des membres de l’équipe olympique israélienne aux Jeux olympiques d’été de 1972.

« [Munich a peut-être été révélateur des doutes que certains à Hollywood commençaient à avoir à l’égard d’Israël », a déclaré Shaw. « Le film a été perçu comme très critique à l’égard de la stratégie antiterroriste israélienne, mais il a été conçu par Steven Spielberg comme un plaidoyer pour la paix. »

Dans le livre, des Israéliens comme la superstar Gal Gadot et le réalisateur Gideon Raff reflètent l’afflux croissant de sabras à Hollywood. On y retrouve aussi des personnalités non juives telles que Sinatra, dont la photo orne la couverture et qui a donné son nom à un centre pour jeunes à Nazareth et à un centre d’étudiants sur le campus du Mont Scopus de l’Université hébraïque, tragiquement touché par un attentat terroriste en 2002. Y figure même une célébrité du clergé, « le rabbin des stars », Max Nussbaum, qui a présidé à la conversion au judaïsme de deux célébrités, Elizabeth Taylor et Sammy Davis Jr.

WESTWOOD, CA – AUGUST 28: Actress Gal Gadot attends the premiere of Universal Pictures’ « Riddick » at the Mann Village Theatre on August 28, 2013 in Westwood, California. (Photo by David Livingston/Getty Images)

Le livre démarre avec les années 1920 et 1930, et se penche sur le nombre restreint mais croissant de films hollywoodiens soutenant le sionisme et s’opposant à Hitler. Après l’indépendance d’Israël, les épopées bibliques à thème chrétien, comme « Ben Hur », connaissent une certaine heure de gloire, même si le film biblique le plus célèbre de tous est sans doute le récit de l’Ancien Testament, « Les Dix Commandements » de Cecil B. DeMille, tourné dans l’Égypte de Gamal Abdel Nasser. Sorti en 1956, l’année de la crise de Suez, le gouvernement de Nasser a interdit le film en raison de son prétendu complot pro-hébraïque et anti-égyptien, l’un des nombreux boycotts arabes contre des films ou des acteurs jugés favorables à leur voisin sioniste.

Charlton Heston dans le rôle de Moïse dans le film épique de Cecil B. DeMille de 1956, « Les Dix Commandements » (Crédit : Paramount pictures)

Alors que les directeurs de studio juifs tels que Louis B. Mayer étaient parfois réfractaires à évoquer la question du sionisme, les progressistes d’Hollywood constituaient un groupe favorable à l’Israël naissant, selon le livre, qui leur attribue le film « The Juggler » de 1953. Avec Kirk Douglas dans le rôle d’un survivant de la Shoah en Israël, « The Juggler » a établi un précédent cinématographique en se déroulant et en y étant effectivement filmé.

« L’intérêt précoce d’Hollywood pour Israël n’était pas seulement ethnique ou religieux en raison du grand nombre de Juifs dans l’industrie cinématographique », déclare Goodman. « Les libéraux d’Hollywood, souvent juifs eux aussi, étaient attirés par ce qu’ils voyaient comme un nouveau pays aux idéaux progressistes. »

Le livre consacre un chapitre entier à « Exodus ».

« Beaucoup d’historiens ont écrit sur ‘Exodus’ », a déclaré Tony Shaw. « Nous pensons que cela reste un film important ». Il attribue au film le mérite d’avoir aidé « les gens du monde entier à considérer Israël comme un État légitime, un pays souverain né de la Shoah. De grandes stars comme Paul Newman y ont joué. Il y avait l’histoire d’amour de son personnage avec une non-Juive [Kitty Fremont, jouée par] Eva Marie Saint et la signification que cela avait pour le soutien à Israël, et pas seulement celui des Juifs ».

 

 

 

Comme l’expliquent les auteurs, le film a connu une histoire mouvementée. Il y a eu de nombreuses réécritures et trois scénaristes différents – Uris a été remercié au début du projet. Le gouvernement britannique a demandé un traitement plus doux de son côté, tout comme les dirigeants de la communauté arabe israélienne locale. Tout au long du projet, le gouvernement israélien a, lui aussi, exprimé ses souhaits, que ce soit en mettant moins l’accent sur la violence de l’Irgoun ou en utilisant davantage le mot « Israël ».

Le soft power, y compris la hasbara – la stratégie de diplomatie et de sensibilisation d’Israël – est traité en profondeur dans le livre. Outre Kollek, les premiers a avoir entretenu des relations avec Hollywood sont Moshe Pearlman, chef d’un département de publicité au sein de Tsahal et du ministère des Affaires étrangères, et Meyer Weisgal, président de l’Institut des sciences Weizmann, qui a convaincu son ami, le réalisateur Otto Preminger, de se rendre en Israël pour « Exodus ».

« On retrouve de nombreuses autres personnalités dans ce livre », déclare Goodman.

Parmi les plus récents, citons le producteur hollywoodien Milchan, dont la popularité n’a cessé de croître jusqu’à ce qu’il soit accusé d’avoir fait des cadeaux au premier ministre de l’époque, Benjamin Netanyahu, ainsi que le créateur de la franchise « Power Rangers », Haim Saban, qui a organisé de nombreux rassemblements à Hollywood en faveur d’Israël, auxquels ont participé des personnalités comme Arnold Schwarzenegger et Robert de Niro.

Les auteurs traitent également de l’évolution de la représentation des Palestiniens dans les films. Cela va de représentations peu subtiles de terroristes à des présentations plus nuancées, notamment le film « Paradise Now » du cinéaste palestinien Hany Abu-Assad, en 2005, qui raconte l’histoire de candidats à l’attentat-suicide, et le film « Omar », nommé aux Oscars en 2013, qui raconte l’histoire d’un homme accusé de collaboration avec Israël.

Shaw et Goodman se penchent également sur le soutien d’Hollywood aux Palestiniens. Un chapitre étudie le discours d’acceptation de l’actrice britannique Vanessa Redgrave pour l’Oscar du meilleur second rôle féminin pour « Julia » en 1978. Sur scène, la star pro-palestinienne avait critiqué l’attention négative que lui portaient les « voyous sionistes », que certains ont interprété comme faisant référence à la Ligue de défense juive et d’autres comme ayant une connotation plus large.

Pour parler des tensions au Moyen-Orient qui imprègnent Hollywood, Shaw et Goodman ont privilégié une approche plus objective.

« Nous avons vraiment travaillé dur pour nous assurer que le vocabulaire que nous utilisions ne pouvait pas être interprété comme étant pro ou anti-israélien », a déclaré Shaw. « Nous sommes des historiens, après tout. Nous n’avons pas points de vue ou d’intérêts à défendre. »

Cette approche s’est avérée utile pour examiner l’impact de facteurs tels que le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions, les réseaux sociaux et la guerre de Gaza de 2014.

« Nous nous trouvions là à un point charnière », a déclaré Shaw. « Comme nous l’avons constaté, les choses ont commencé à changer. De nombreuses personnalités d’Hollywood, des gens d’Hollywood, étaient devenus ouvertement plus critiques. »

Pourtant, note-t-il, quelques années plus tard, en 2018, une autre cérémonie d’anniversaire pour Israël a eu lieu à Hollywood – un gala pour le 70e anniversaire. Il était privé cette fois, mais il a tout de même attiré une foule d’acteurs clés, de Billy Crystal à Noa Tishby.

« De nombreux Israéliens viennent à Hollywood, ce qui rend la relation entre Israël et l’industrie cinématographique américaine d’autant plus étroite », a déclaré Shaw. « D’une part, la critique ouverte d’Israël a augmenté, certainement par rapport aux années 70. Mais à bien des égards, la sous-structure d’Hollywood est encore très pro-Israël. »

Source : fr.timesofisrael.com

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