A l’occasion de la commémoration des la chute du mur de Berlin, il y a 32 ans, des histoires inédites (re)font surface, telle celle de ces espions alsaciens derrière le Rideau de fer…

Au début des années 1970, de jeunes appelés du contingent alsacien ont rejoint la Mission militaire française de liaison auprès du haut commandement soviétique à Berlin Est. À l’occasion des 32 ans de la chute du Mur de Berlin, ils évoquent leurs souvenirs de la Guerre froide derrière le rideau de fer.

Le plus prolixe d’entre eux est peut-être Michel Fallecker, aujourd’hui domicilié à Brunstatt. Jeune appelé, il se voit envoyer à la Mission militaire française de liaison (MMFL). « Fin août, j’ai été affecté à la mission de Potsdam pour y servir comme chauffeur. Nous avions des Mercedes quasi blindées avec des moteurs dopés appelées Véhicule de grande liaison. Elles étaient équipées d’un réservoir additionnel, de dispositifs de treuillage. C’est là que j’ai dû présenter pour la première fois mon Propousk, le laissez-passer, à l’officier de garde sur le pont des Espions », raconte-t-il.

« Une sentinelle pointait sa kalachnikov  »

La villa aux bords du Heiligen See dans laquelle il est logé a la particularité d’avoir des oreilles… « Tous les employés étaient à la solde du KGB et de la Stasi, le service de renseignements de la RDA. Un Vopo occupait 24 heures sur 24 la guitoune posée sur le trottoir d’en face. Il y avait aussi quatre postes d’observation. Les Russes étaient informés de nos faits et gestes. Pour brouiller les pistes nous utilisions l’argot. »

Comme les autres appelés, Michel effectue des missions de renseignements. « Ce qui nous intéressait étaient les zones interdites permanentes (Zip) et temporaires (Zit). Qui dit Zip dit mouvements russes inattendus et curiosité de la part des Alliés. C’est là qu’il fallait se rendre sans se faire prendre. »

Il y eut des moments chauds, comme ce jour d’hiver 1971-72 où, en mission avec l’adjudant-chef Simon, il s’approche d’un bois où l’armée soviétique avait enterré des chars T54 dont seules les tourelles dépassaient. « L’appareil photo de l’adjudant-chef crépitait. Soudain il s’est mis à hurler : « Fonce Michel, fonce !!! ». Une sentinelle pointait sa kalachnikov dans notre direction… Notre Mercedes a balayé toute la largeur de la route enneigée !!! ». Intimidation ou risque réel de se faire tirer dessus… Michel se pose encore la question.

Autre suée, quand en remontant une piste dans une semi-obscurité il se retrouve nez à nez avec une colonne de blindés. « J’entends encore le cliquetis des chenilles et le rugissement des moteurs de ces monstres défilant à quelques centimètres de ma portière… Le moindre écart nous aurait été fatal ! »

Il y eut d’autres poussées d’adrénaline en approchant d’objectifs. « La présence de “Jals ” (jalonneurs est-allemands) sur les carrefours indiquait un passage imminent de convois. Il fallait se concentrer sur les alentours pendant que l’observateur passager égrenait dans son magnétophone les numéros de plaques afin de relier les véhicules à leurs lieux d’affectation. »

Un jour, en suivant une colonne de transport de troupes, Michel ne voit pas arriver un véhicule de l’armée est-allemande. « Il m’a dépassé avant de se rabattre pour me bloquer. Le major est-allemand était déjà debout sur le marchepied. J’ai pilé pour éviter de me laisser coincer tout en passant la première pour accélérer et le doubler ainsi que toute la colonne de camions Oural. Tschuss mein Freund … »

Des billets de banque pour une taupe

Il y eut d’autres moments mémorables… « Comme ce jour où le chef d’équipage nous a guidés vers une forêt des environs de Berlin pour enfouir à un endroit précis un “camembert“ : un étui étanche qui contenait des demandes de renseignements avec une liasse de billets de banque destinée à une taupe infiltrée chez l’ennemi ». Une demande des Services de renseignements extérieurs français. « Là, on était en plein roman d’espionnage ! »

André Bruckert, de Bitschwiller-lès-Thann, s’est lui aussi retrouvé affecté comme chauffeur d’élite à la Mission de Potsdam. « Nous avons été coursés par la Volkspolizei (VoPos) à bord de leur Warburg. Elle nous a forcés à faire un demi-tour, sachant qu’en faisant cette manœuvre nous allions nous enliser dans un champ. Et ce qui devait arriver arriva : les trois membres de notre équipage furent contraints de treuiller notre véhicule alors que nos poursuivants assis à une centaine de mètres de nous se régalaient du spectacle », se souvient-il. Autant de tranches de vie d’espions que les anciens appelés ont pu partager lors de l’assemblée générale de l’amicale des anciens de la mission qui s’est tenue à Thann… en toute discrétion.

 

Source : Dernières Nouvelles d’Alsace

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