
Gilles-William Goldnadel : «Gaza comparé à Auschwitz, quelle époque !»
Par Gilles william Goldnadel
FIGAROVOX/CHRONIQUE – Dans l’émission Quelle époque! diffusée sur France 2, le présentateur Thierry Ardisson a comparé la situation à Gaza au camp de concentration d’Auschwitz, avant de présenter ses excuses. Notre chroniqueur juge ce parallèle inapproprié.
J’envisageais déjà de consacrer cette chronique du lundi à l’audiovisuel public. Chacun connaît mon obsession assumée pour son défaut chronique de pluralisme qui ne me gênerait aucunement s’il n’était financé par mon fisc. Ses biais idéologiques militants m’exaspèrent et ne concernent pas seulement ses journalistes ou ses humoristes à sens inique. Je comptais me plaindre banalement de ce que les débordements consécutifs à la victoire du Paris Saint-Germain avaient été occultés. Ou de l’exceptionnelle brutalité avec laquelle Sarah Knafo avait été questionnée par une journaliste de France Inter. Les mêmes journalistes avaient été autrement moins pugnaces, avec Jean-Luc Mélenchon. Il n’est pas non plus impossible que j’eusse raillé les émissions généralistes de l’après-midi et de la nuit, telle que Zoom Zoom Zen ou encore La Terre au Carré.
Bref, mon article annonçait mes griefs chroniques. Enfin, j’aurais morigéné l’interview de ce dimanche matin de l’écrivain François-Henri Deserable qui a atténué les exactions commises par Che Guevara. Il suffit de lire les Dix faces cachées du communisme du grand François Kersaudy pour savoir combien le Che méritait son surnom de «petit boucher». Mais c’était compter sans la Belle Époque sur France 2 de ce samedi soir. Déjà, il me faut confesser que l’émission précédente m’avait assez révulsé. Lorsque l’un des fils de Nicolas Sarkozy avait été tenu d’entendre sous les rires et lazzis que son père était «un voleur». De la part de ce que j’ai coutume de nommer dans mes gazouillis ironiques sur X «un humoriste de sévices publics». À géométrie strictement invariable.
J’avais épinglé Raphaël Pitti pour avoir comparé, quelques jours seulement après le 7 octobre, Gaza au ghetto de Varsovie… Il avait également considéré le ministre de la Santé du Hamas comme un « homme admirable » Gilles-William Goldnadel
À ce stade, je précise que l’émission dont il s’agit n’est pas enregistrée en direct et peut donc faire l’objet de retraits de passages problématiques. Elle ne peut ainsi plaider un manque de réflexes vigilants. C’est donc dans ce cadre que ce samedi, j’ai eu la stupéfaction d’entendre Thierry Ardisson comparer Gaza à Auschwitz… Sans que l’animatrice de l’émission, la très expérimentée Léa Salamé, ne songe à réfuter sa comparaison obscène. Bien au contraire, elle en rajouta en suggérant, non sans une feinte générosité, que cet Auschwitz ne pouvait être imputé «à tous les Israéliens»…
Pour approfondir encore ma blessure et éclairer mon lecteur, je dois préciser que Thierry Ardisson avait été instruit sur Gaza lors de l’émission par un témoin plus militant que médecin, Raphaël Pitti (membre du parti Place publique de Raphaël Glucksmann), que j’avais épinglé dans mon Journal de guerre pour avoir comparé, quelques jours seulement après le 7 octobre, et toujours sur l’audiovisuel public, Gaza au ghetto de Varsovie… Il avait également considéré sur Sud Radio le ministre de la Santé du Hamas comme un «homme admirable»… Et pour aggraver encore mon chagrin impuissant devant cette nazification obsessionnelle de l’État juif sur les écrans étatiques, j’observais l’attitude mutique d’Apolline de Malherbe, la talentueuse intervieweuse de BFM TV. La semaine précédente, lors d’une émission animée par la journaliste précitée, mon confrère Alain Jakubowicz avait comparé – mais en direct – Jean-Luc Mélenchon à Goebbels. En suite de quoi non seulement la chaîne BFM et sa présentatrice avaient présenté leurs excuses, mais les syndicats de journalistes maison exprimé leur émotion…
Thierry Ardisson, dans un communiqué qu’il m’a adressé, a tenu à demander pardonGilles-William Goldnadel
S’agissant à présent de l’émission de service public, seul Thierry Ardisson, dans un communiqué qu’il m’a adressé, a tenu à demander pardon. En revanche, ni la chaîne publique ni son animatrice ni ses syndicats n’ont – au moment où ces lignes sont écrites – présenté d’excuses ni même ne se sont émus de l’ignoble comparaison. Je suis donc conduit à constater qu’il vaut mieux nazifier l’État du peuple de la Shoah, victime d’un pogrom gigantesque, que le dirigeant d’un parti extrémiste, tendre avec une organisation pogromiste islamiste et qui ne se caractérise pas par un philosémitisme excessif.
Pour le reste, qu’on ne compte pas sur moi pour que je m’explique ici et maintenant, rationnellement, sur le dramatique conflit en cours à Gaza, dans un contexte aussi irrationnel. Je me contenterai de deux remarques générales qui expliquent largement cette irrationalité. L’obsession de Sion et de la chose juive. Plutôt Israël que le Soudan. Un esprit critique acéré, parfois justifié, à l’égard du premier qui n’a d’égale qu’une indulgence sans limites pour la radicalité islamique la plus cruelle. J’y vois davantage, on le sait, la marque du racisme anti-blanc que de l’antisémitisme classique toujours présent. Ainsi et dans un domaine voisin, on a commémoré il y a quelques jours le souvenir de la traite esclavagiste transatlantique. Il n’était pas question d’y associer le souvenir de la traite arabo-islamique, plus longue et plus cruelle et dans laquelle sont morts plus d’un million de Français. La loi Taubira est passée par là. La ministre s’en est expliquée dans L’Express en 2006. Il ne fallait pas désespérer les jeunes Arabes des quartiers.
Retour et fin sur cet audiovisuel de service public qui ne se conforme pas à son cahier des charges en matière d’honnêteté et d’objectivité de l’information. Pour demeurer et terminer sur la question qui fâche et rend fou, ce dimanche matin, sur France Inter à 9 heures et comme souvent, un bilan victimaire à Gaza était annoncé comme émanant de la «Défense civile». Mais il était caché aux auditeurs-contribuables que le Hamas ne se cachait même pas derrière cet organisme au nom avantageux. Nous avions obtenu de l’Arcom une ferme mise en garde pour de pareilles pratiques. On voit ce qu’il en est de son respect scrupuleux. Le scandale, c’est qu’il n’y ait pas scandale.
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox. Il a publié récemment Journal d’un prisonnier (Fayard, 2025). Il est également président d’Avocats sans frontières.
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