Chronologie de la tragédie: la mort de Madhat Yusuf

Au début de la deuxième Intifada, 12 policiers des frontières étaient en poste dans le complexe du tombeau de Joseph à Naplouse lorsqu’un groupe palestinien a attaqué; le sergent druze a été abattu et saigné à mort avant d’être évacué par la police de l’Autorité palestinienne plus de quatre heures plus tard, et sa famille n’a jamais pardonné à Benny Gantz ni au reste de la chaîne de commandement concernée.

En octobre 2000, au début de la deuxième Intifada, le sergent Madhat Yusuf, sous-officier de la police des frontières et membre de la communauté druze israélienne, s’est complètement vidé de son sang pendant trois heures et demie, lors d’une attaque menée par une foule de Palestiniens au complexe contenant la tombe de Joseph, à la périphérie de la ville de Naplouse en Cisjordanie.

Le chef du Parti Résilience Israël, Benny Gantz, alors brigadier général, était le commandant régional de l’armée israélienne, lors de l’incident. Sa gestion des événements, qui ont conduit à la mort de Madhat – l’armée israélienne a demandé aux agents de sécurité palestiniens d’évacuer le soldat blessé au lieu d’envoyer une force d’intervention et de sauvetage – ont été vivement critiqués par la famille et par ses adversaires politiques.

Madhat Yusuf (Photo: reproduction d'Alex K)

Madhat Yusuf (Photo: reproduction d’Alex K)

 

À la mi-janvier de cette année, une délégation de la communauté druze s’est rendue chez Gantz, à Rosh Ha’ayin. Gantz les a chaleureusement salué, déclarant qu’il existait un «lien de sang» entre eux, avant de proclamer qu’il avait l’intention d’apporter des modifications à la loi sur l’État-nation, récemment adoptée, de manière à être plus inclusif envers les Druzes, dont beaucoup se sentaient blessés par le libellé de la loi.

Gantz a déclaré à la délégation que la version actuelle de la loi «attaquait le Druze dans le dos». Cette expression a provoqué la colère de Mahdi Yusuf, 49 ans, frère de Madhat, qui a accusé Gantz d’avoir lui-même  poignardé son frère dans le dos [ à tout le moins, de ‘avoir laissé mourir sur place, contrairement à l’éthique de Tsahal, de n’abandonner aucun des nôtres sur le terrain].

Les Palestiniens s'emparent du contrôle de la tombe de Joseph, le 1er octobre 2000

Les Palestiniens prennent le contrôle de la tombe de Joseph, le 1er octobre 2000

Mahdi a souligné qu’il ne souhaitait pas que la mort de son frère soit utilisée à des fins politiques, mais que la famille souhaitait préciser qu’elle n’avait ni oublié ni pardonné aux personnes de l’armée qu’elle jugeait responsables.

Il ne s’agit pas seulement de Gantz. La famille considère que toute la chaîne de commandement – le premier ministre et ministre de la Défense de l’époque, Ehud Barak, le chef d’état-major d’alors, Shaul Mofaz, les hauts gradés du Shin Bet et les commandants militaires locaux – sont responsables de l’abandon de leur fils et de leur frère. En 2007, lorsque Barak s’est présenté à la direction du Parti travailliste, les amis et la famille de Madhat ont imploré les électeurs de ne pas le choisir. En 2011, lorsque Gantz a été nommé chef d’Etat-Major, la famille s’est publiquement prononcée contre cette décision, en vain, car le Premier ministre Benjamin Netanyahu a, néanmoins, confirmé Gantz pour le poste.

Shaul Mofaz

Shaul Mofaz

 

L’enclave de la tombe de Joseph

Madhat Yousef était l’un des 12 policiers des frontières en poste dans le complexe de la tombe de Joseph lorsqu’il a été tué le 1er octobre 2000, au début de la deuxième Intifada.

Cinq ans auparavant, dans le cadre des accords d’Oslo, le complexe de la tombe de Joseph avait été désigné comme une enclave israélienne dans la zone A, administrée par l’Autorité palestinienne. L’accord stipulait que les forces de sécurité israéliennes stationnées sur la tombe seraient des forces civiles et non militaires, sans uniforme.

Un an plus tard, à la veille de la fête de Souccot, en 1996, le complexe a été attaqué par une foule palestinienne. Les forces de sauvetage sont entrées dans la zone à bord de véhicules de transport de personnels blindés ( APC) et ont été attaquées à balles réelles, perdant six de leurs hommes. À la suite de l’événement, Tsahal a élaboré d’autres plans d’urgence en cas d’événements similaires. Une option consistait à évacuer les occupants du complexe, si des perturbations importantes étaient attendues.

La deuxième option, intitulée « Chemise Rayée » -Striped Shirt- (dénommée d’après le vêtement offert par Jacob à son fils préféré Joseph dans le livre biblique de la Genèse), appelait au sauvetage efficace et rapide des forces de sécurité lors d’un affrontement violent.

Les deux plans ont accumulé la poussière sur les étagères et n’ont jamais été mis en œuvre. En mai 2000, le complexe a de nouveau été attaqué et un sous-officier blessé a été évacué, après quatre heures d’attente, par des policiers palestiniens dirigés par le chef des forces de sécurité préventives, Jibril Rajoub [alors appelé le « Saddam Hussein des Territoires », pour son palmarès en matière de tortures, de meurtres gratuits et d’extorsion].

Jibril Rajoub (Photo: Amit Shabi)

Jibril Rajoub (Photo: Amit Shabi)

 

L’attaque du 1er octobre

L’assassinat de Madhat a eu lieu trois jours après le début de la Deuxième Intifada. Quinze Palestiniens ont été tués par les forces de l’armée israélienne et des dizaines de blessés. Lorsque la situation a commencé à s’échauffer, le commandant de Tsahal chargé de la région immédiate, le colonel Yossi Adiri, a ordonné l’évacuation des résidents de l’implantation de Yitzhar qui séjournaient dans le complexe pendant les festivités de Rosh Hashanah.

Adiri a également cherché à écarter la police des frontières installée sur place, car il était clair que la violence atteindrait bientôt le complexe de la tombe et que les 12 hommes seraient incapables de se défendre. Mais Barak a opposé son veto à cette demande, en accédant peut-être aux appels des chefs des implantations locales.

Le dimanche 1er octobre à midi, après les funérailles des Palestiniens tués lors des affrontements des jours précédents, le complexe a été attaqué. Le commandant de la petite force à l’intérieur, Ismail Suwad, a déclaré qu’il avait d’abord cru que c’était juste un autre affrontement qui allait bientôt se terminer. Mais vers 13 heures, la force s’est retrouvée face à des centaines d’émeutiers lançant des pierres, des objets métalliques tranchants et des cocktails Molotov, ainsi que des tirs de plusieurs directions sur le complexe.

Gantz au tombeau de Joseph après avoir été nommé chef de cabinet (Photo: Samaria Development Council)

Gantz au tombeau de Joseph après avoir été nommé chef d’Etat-Major (Photo: Samaria Development Council – Conseil de Développement de Samarie)

 

14 h 30 : des officiers supérieurs, y compris le commandant de la région centrale, le major-général Itzik Eitan et le général de Brigade Gantz rejoignent le colonel Adiri sur la colline de Tel a-Ras, surplombant le complexe assiégé.

15h : Yuval Diskin, directeur adjoint du Shin Bet, arrive sur la colline après avoir communiqué avec Rajoub et le directeur de la sécurité nationale du Fatah, Haj Ismail, leur demandant de se rendre sur les lieux de l’émeute. Rajoub dit qu’il est en route, mais on a révélé par la suite qu’il avait tergiversé pendant un certain temps avant de partir.

15h10 : Sgt. Madhat Yusuf est touché par une balle tirée à travers une fente dans le mur. La balle pénètre son corps en dessous du côté gauche de la clavicule et sort du côté droit de la taille.

«Au début, je ne comprenais pas ce qui s’était passé», a déclaré Arkady Shenderovich, qui se tenait à sa droite. « Cinq minutes plus tôt, il y avait une accalmie dans les combats et Madhat a fumé une cigarette avec moi et tout à coup il s’est allongé sur le sol, essoufflé. »

15h12 : Un hélicoptère Black Hawk est envoyé pour évacuer la force bloquée. À l’intérieur de l’enceinte, des médecins connectent Yousef à un respirateur.

Les Palestiniens incendient la tombe de Joseph plusieurs fois au cours des années

Les Palestiniens incendient la tombe de Joseph plusieurs fois au cours de ces années

 

15h15: Suwad, le commandant sur place, informe le colonel Adiri qu’un de leurs hommes est grièvement blessé et doit être évacué. Il continue à réclamer par radio  une évacuation immédiate toutes les demi-heures. À ce stade, la foule a déraciné les barrières de béton entourant le complexe et contourné la clôture extérieure, certains d’entre eux continuant de tirer dans le complexe de la tombe.

16h07: Rajoub répond positivement à la demande israélienne d’évacuer le soldat blessé. Selon le rapport d’enquête, « les Palestiniens ont donné l’impression qu’ils se dirigeaient vers le site alors qu’ils n’avaient pas encore bougé. »

16 h 10: le major-général Eitan ordonne à une unité de blindés de s’approcher de la scène.

16 h 30: le colonel Adiri demande à une unité de la police des frontières de se rendre sur les lieux dans des jeeps blindées. Mais à environ un kilomètre du site, le général de Brigade Gantz leur ordonne de s’arrêter et de ne pas progresser davantage.

17h10: Le chef d’état-major Mofaz arrive sur la colline de Tel a-Ras après que le Premier ministre Barak l’a informé de l’état des entretiens avec Rajoub.

Vue aérienne du complexe

Vue aérienne du complexe

 

17h20: L’unité à l’intérieur du complexe rapporte que l’état de Madhat se détériore et qu’il a cessé de parler à ses camarades.

17h30: Mofaz ordonne aux hélicoptères de tirer sur des membres armés de la foule. Certains officiers recommandent de retarder l’ordre, craignant que la police palestinienne utilise l’incendie comme une excuse pour quitter les lieux. Diskin recommande d’ouvrir le feu, car il semble que la police palestinienne a rejoint la foule pour tirer sur le complexe.

18h23: Les hélicoptères ouvrent enfin le feu et la foule s’enfuit.

18h40: le Sgt. Madhat Yousef succombe à ses blessures. La nouvelle choque les officiers supérieurs car ils n’étaient pas au courant de l’ampleur de ses blessures, selon l’enquête.

«La force d’évacuation est presque là», déclare le colonel.

«Trop tard», répond Suwad.

19h30:  Quatre heures et vingt minutes après qu’il a été abattu, le corps de Yusuf est évacué du complexe par une ambulance palestinienne.

Yuval Diskin (Photo: Zvika Tishler)

Yuval Diskin (Photo: Zvika Tishler)

 

Ils n’ont pas échoué. ils n’ont même pas essayé

L’enquête qui a suivi a permis de déterminer que la nécessité d’évacuer le policier blessé n’avait à aucun moment été mise en doute. Le seul dilemme concernait la meilleure méthode pour le faire.

Gantz a exprimé son chagrin après la mort de Madhat, mais a affirmé que l’envoi d’une force de sauvetage rapide aurait fait beaucoup de victimes des deux côtés et que seuls les commandants présents sur les lieux pouvaient pleinement saisir toutes les considérations.

Le comité a terminé son rapport deux semaines après l’incident et a constaté que, compte tenu des circonstances et de ce que les acteurs savaient à l’époque, l’événement avait été traité correctement.

Mahdi Yusuf sur la tombe de son frère (Photo: Alex Kolomoisky)

Mahdi Yusuf sur la tombe de son frère (Photo: Alex Kolomoisky)

 

Gantz s’est rendu à la maison de Yusuf pour remettre personnellement le rapport à la famille. Quand il est arrivé, la maison était remplie de journalistes et il leur a dit qu’il ne pouvait pas répondre à leurs questions de cette manière. Les membres de sa famille lui ont dit qu’ils méritaient des réponses et qu’il devait répondre à leurs questions.

En tout état de cause, ils n’ont pas accepté les conclusions du rapport, soulignant qu’il était déraisonnable de compter sur les Palestiniens, ceux qui tiraient, pour être ceux qui seraient chargés du sauvetage.

La famille était bouleversée par le fait que le plan d’intervention surnommé « chemises rayées » n’avait pas été mis en œuvre et que Tsahal n’avait pas pris toutes les mesures possibles pour sauver leur fils.

« En ce qui nous concerne, » a déclaré Mahdi, « cette histoire n’est pas finie. Nous n’acceptons pas que l’armée ait échoué dans l’évacuation des blessés. Ils n’ont même pas essayé.

Gantz et Ehud Barak une décennie après (Photo: Tzafrir Aviyov)

Gantz et Ehud Barak une décennie après (Photo: Tzafrir Aviyov)

 

La famille a maintenu son récit depuis l’entrée en politique de Gantz. Ils portent l’essentiel de la faute sur le dos de Barak. Barak lui-même a déclaré qu’il assumait l’entière responsabilité de ce qui s’était passé, mais qu’il avait laissé la gestion de la situation aux commandants sur le terrain, qui étaient les mieux placés pour analyser la situation.

« La critique découle du résultat tragique, pas parce qu’il y avait une preuve de négligence dans la prise de décision », a déclaré Barak.

En juillet 2003, la Cour suprême a été saisie d’un recours visant à ordonner l’ouverture d’une enquête par l’État sur l’incident. Il a été rejeté car le tribunal était convaincu que les commandants étaient confrontés à un dilemme opérationnel et non moral et que l’enquête de Tsahal était suffisante.

Benny Gantz, ainsi que Rajoub, Mofaz, Diskin et Galant, ont refusé d’être interviewés pour donner leur version de cette tragédie.

Ariela Ringel Hoffman | Publié: 03.01.19, 23:54

Etti Abramov et Elior Levy ont participé à ce rapport.

ynetnews.com

Adaptation : Marc Brzustowski

 

 

 

 

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

10 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Sergio26

Pourquoi avez-vous censuré mon texte? Il est très respectueux et mesuré! Je vous le renvoie ci-dessous:

Félicitations! Votre article sur la mort du sergent Madhat Yousuf est clairement articulé, pudique et limpide. Il est rare de nos jours de témoigner d’un journalisme qui fait preuve de style d’intégrité et de qualité littéraire. Les Druzes sont nos frères. Ce dysfonctionnement de Tsahal est une preuve de lâcheté, un manque grave de jugement et de solidarité. On ne tergiverse pas quand il s’agit de sauver une vie. C’est quoi cette manipulation politicienne qui consiste à protéger la foule palestinienne hostile et belliqueuse aux dépens d’un des nôtres. Faut-il comprendre que pour Tsahal un Druze vaut moins qu’un Juif et qu’un Palestinien? Sur un champ de bataille toutes les vies sont égales devant Dieu. On ne délègue pas sa responsabilité à son ennemi. Un haut gradé qui ne s’informe pas des conditions de vie et de survie d’un simple soldat ne mérite pas ses galons et moins encore l’exercice du pouvoir. J’espère que cet article ne s’inscrit pas dans une lutte politicienne électorale, mais qu’il sonne un rappel éthique.

Habibi

Gantz est un sournois psychorigide et quasiment pétrifié, au caractère implacable et potentiellement pervers.
Son élection annoncerait la fin d’Israel et des libertés juives.

Elie de Paris

La gauche et l’esprit gauche ont causé des milliers de morts YSRAELIENS.
Si elle passe, non seulement les alliottes vons stopper net, mais les yéridottes _descentes_vont enfler demesurement…
À bon entendeur..

eddy

Bienheureux celui qui n’a jamais eu le devoir de prendre des décisions de cet ordre.
Malheureux celui qui se permet de juger.

Rosa SAHSAN

Bibi doit réunir toutes les droites. Et vite.
Un cinglé comme Gantz qui veut sortir de la Judée Samarie unilatéralement On a vu se que cela a donné a Gaza.
ROSA

futaiul

Si Gantz gane les ellectios,Israel va pedre son territoire et la poblacion aussi

DANIELLE

Nous ne connaissons pas tous les détails de l’histoire, mais vous savez que bien de soldats israéliens toutes origines confondues sont déjà restés de l’autre côté de la ligne après les combats, alors ça n’est obligatoirement parce qu’il était Druze.
Je comprends la douleur d’une famille qui pense que quelque chose aurait pu être fait plus tôt, mais que voulez-vous Hachem en a décidé autrement.
Pour son courage et sa bravoure que sa mémoire repose en paix.

Schlomo Goren

Mahdi, le frère du Sergent Madhat Yousufa laissé en pâture aux barbares a raison de souligner qu’il ne souhaitait pas que la mort de son frère soit utilisée à des fins politiques, ce que Benny Gantz semble négliger en se rappelant opportunément dans sa campagne électorale que la mort de ce malheureux lui pèserait sur la conscience.
Benny Gantz est soit mal conseillé, soit il se révèle être comme un cynique.

ixiane

Et c’est un Homme pareil qui ose se présenter comme 1er ministre !! et c’est un Homme pareil que les israéliens choisissent par leur sondage !!!! j’espère qu’ils retrouveront la raison à temps, avant qu’il ne soit trop tard !!!