Réimplanter des colonies israéliennes dans la bande de Gaza: un débat brûlant

Alors que les derniers soubresauts de la guerre à Gaza ne sont pas encore éteints, un vif débat agite déjà les sphères du pouvoir israélien: faut-il réimplanter des colonies juives dans cette bande de terre désertée lors du retrait unilatéral de 2005 ?

Si le Premier ministre Netanyahu s’est jusqu’ici montré très réservé sur ce projet jugé « irréaliste », certains de ses plus proches ministres et députés n’hésitent plus à l’appeler ouvertement de leurs vœux. Au sein même du Likoud, les voix discordantes se multiplient.

Cette semaine, le ministre de la Défense Yoav Galant s’est insurgé contre cette hypothèse: « Nous n’avons pas les ressources humaines pour un tel déploiement militaire. Cela nous obligerait à étendre à quatre ans le service militaire ». Pourtant, force est de constater que cette option conquiert des partisans bien au-delà de la frange idéologique de la droite dure.

Des groupes de pression pro-colons se structurent déjà, des plans de relocalisation sont fiévreusement cartographiés. Des centaines d’Israéliens ont même officiellement signifié par écrit leur volonté de s’implanter à nouveau dans la bande de Gaza.

Certaines formations ont d’ores et déjà lancé une campagne de « promotion de l’immigration volontaire » vers Gaza. Lors d’une conférence fin janvier, ministres et députés n’ont pas hésité à prendre part avec le public à des danses populaires entonnant des slogans en ce sens.

Le ministre de la Sécurité intérieure Itamar Ben Gvir est allé jusqu’à affirmer cette semaine: « J’adorerais vivre à Gaza et je le ferais si c’était possible ». Un positionnement aux antipodes de la ligne affichée par Netanyahu qui réitérait récemment à la presse étrangère: « La réinstallation à Gaza n’a jamais été à l’ordre du jour, quand bien même cela déplairait à certains de mes partenaires ».

Pour mieux saisir les ressorts de ce débat houleux, replongeons-nous dans les archives de l’ancienne implantation israélienne dans la bande de Gaza.

Après la conquête de 1967, le gouvernement mit en œuvre un « plan à 5 doigts » prévoyant la division territoriale de Gaza en 5 blocs de colonies. La première, Kfar Darom, vit le jour en 1970, concrétisant le projet avorté de 1946. Suivirent au cours des années 70 les implantations de Netzer et bien d’autres par la suite.

Environ 8600 colons, dont 3500 enfants, vivaient dans une vingtaine de colonies éparpillées sur près de 20% de la bande côtière au moment de l’évacuation de l’été 2005. Des communautés qui avaient peu à peu développé leurs propres traditions, systèmes scolaires, activités agricoles, tourisme et infrastructures.

Pendant de longues années, les relations de voisinage avec les populations arabes locales étaient restées d’ailleurs plutôt pacifiques et commerciales. Jusqu’au déclenchement de la première Intifada en 1987, qui vint rompre cette période d’accalmie.

La suite est connue: cycles d’attaques meurtrières, ripostes aveugles, enlisement du conflit. Les colons durent progressivement restreindre leurs mouvements, se calfeutrer derrière des barrières de sécurité toujours plus étanches. Jusqu’au terrible bilan d’environ 6000 roquettes et obus de mortier essuyés avant l’évacuation de 2005.

Après cette douloureuse déchirure, un pan de la société israélienne n’a donc cessé de nourrir une amertume tenace, une forme de nostalgie vindicative pour ce « Gush Katif » déraciné dans le sang et les larmes. Une poudrière que ne cesse d’attiser la frange radicale des colonisateurs, avides de « reconquête » d’une terre rêvée de peuplement.

Mais les milieux sécuritaires lucides sont bien conscients des risques d’une telle entreprise, après l’échec de la politique des colonies comme gage illusoire de paix. Tout réimplantation se traduirait immanquablement par un déploiement militaire de très grande ampleur, un gouffre financier, et une nouvelle déflagration sécuritaire incontrôlable avec le Hamas.

Dans un Israël encore sous le choc de cette nouvelle guerre, le débat reste donc totalement ouvert et ravive les plaies à peine refermées. Un choix cornélien entre une revanche amère sur l’histoire, et l’impératif d’un avenir apaisé.

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Asher Cohen

Tant que persistera une population arabe à gaza, le hamas aura un socle pour se reconstituer et continuera d’attaquer Israël. L’objectif sécuritaire recherché n’aura pas été atteint, Israël aura versé le sang de ses soldats et dépensé des milliards de dollars dans une guerre inutile. De plus, gaza étant devenue un champ de ruines, sa reconstruction mettra des années, et les gazaouis ne pourront y vivre qu’assistés par Israël en nourriture, fuel, électricité, médicaments, etc.., et comme le hamas sera réarmé par la frontière égyptienne, il faudra maintenir en permanence des troupes autour de gaza.

La solution radicale au problème est donc le déplacement de 2,3 millions de gazaouis vers leurs pays d’origine. C’est parfaitement réalisable puisque Netanyahou a réussi à déplacer 1 M de personnes du nord au sud, puis 1 M de Rafah vers la mer. La recolonisation du Goush Qatif coûtera alors beaucoup moins d’effectifs militaires que s’il y avait une population arabe.

C’est un problème de géopolitique. Ni l’Égypte, ni les pays arabes, ni l’Europe, ne veulent actuellement ni reprendre ces populations, ni même prendre en charge l’administration de la bande de gaza. Le but est ici de maintenir un abcès de fixation permettant de continuer à entraver le développement de l’État Juif. Il est clair qu’Israël mène actuellement la guerre, non seulement contre le hamas, mais aussi contre l’Égypte, les pays arabes et l’Europe, sans oublier le hezbollah, l’Iran et les houthis. C’est pourquoi Netanyahou a intérêt, après l’offensive de Rafah, à laisser pourrir la situation à gaza, jusqu’à ce que ces pays bougent. Biden a parfaitement compris qu’après Rafah, la situation pourrie peut durer encore des années, aussi s’est-il empressé de faire construire un port artificiel pour assurer l’approvisionnement humanitaire, mais ce n’est qu’une solution provisoire. Qui va craquer le premier ?