Les révélations de la lanceuse d’alerte continuent d’ébranler Facebook

Facebook avait conscience de la radicalisation de nombreux utilisateurs et du flot de désinformation en lien avec l’élection présidentielle américaine de 2020, mais n’a pas réagi en conséquence d’après des documents de la lanceuse d’alerte Frances Haugen, obtenus par différents journaux américains.

Ces révélations sont les dernières en date d’une longue série, depuis une première vague d’enquêtes publiées par le Wall Street Journal en septembre grâce à des rapports internes transmis par cette ex-employée du groupe californien.

Vendredi, des articles du New York Times, du Washington Post ou encore de la chaîne NBC portaient sur le rôle de Facebook dans la polarisation intense de la vie politique aux Etats-Unis.

Début novembre, quelques jours après le scrutin, un analyste faisait par exemple savoir à ses collègues que 10% des contenus politiques visionnés par les utilisateurs américains de la plateforme étaient des messages assurant que le vote avait été truqué, d’après le New York Times.

Cette rumeur sans fondement, martelée par l’ex-président Donald Trump, a alimenté la colère de nombreux conservateurs et conspirationnistes, qui a culminé avec les émeutes du Capitole le 6 janvier.

Des partisans du milliardaire républicain avaient ce jour-là envahi le Congrès pendant la certification de la victoire du démocrate Joe Biden. Cinq personnes ont trouvé la mort pendant ou peu après l’attaque.

Dans la foulée, Facebook, comme Twitter et les autres grandes plateformes, ont banni Donald Trump et les mouvements extrémistes impliqués dans les émeutes.

Mais d’après les nouvelles révélations publiées vendredi, des employés du groupe californien estiment qu’il aurait pu mieux anticiper le problème.

Ces informations ont été extraites de milliers de documents internes remis à la SEC, l’autorité boursière, par Frances Haugen.

Début octobre, elle a répété devant des sénateurs américains que les dirigeants de la firme, Mark Zuckerberg en tête, « financent leurs profits avec notre sûreté ».

Elle avait auparavant fait fuiter des études montrant que Facebook a conscience des problèmes psychologiques des adolescentes surexposées aux vies et corps apparemment « parfaits » des influenceuses sur Instagram.

C’est le fil rouge de ces révélations: le géant des réseaux sociaux connaissait les problèmes mais a choisi, en bonne partie, de les ignorer, selon la lanceuse d’alerte et d’autres sources anonymes.

Les articles de vendredi évoquent ainsi un rapport intitulé « Le voyage de Carol vers QAnon ».

Carol Smith, une « mère conservatrice de Caroline du Nord », était un faux compte créé par un chercheur, payé par Facebook pour étudier le rôle de la plateforme dans la polarisation des utilisateurs.

D’après ce chercheur, dès l’été 2019, Carol Smith était exposée par l’algorithme du réseau social à un « torrent de contenus extrêmes, conspirationnistes et choquants », dont des groupes de la mouvance QAnon.

Défense

Face à cette nouvelle vague de critiques, Facebook a publié un communiqué rappelant ses investissements conséquents pour assainir ses plateformes et soutenir le processus démocratique.

« Mais la responsabilité de l’insurrection revient à ceux qui ont enfreint la loi et à ceux qui les y ont incités », y déclare Guy Rosen, un vice-président du groupe chargé de l’intégrité civique. Cette défense a peu de chances de satisfaire des élus remontés à bloc contre le réseau social. D’autant que le flot de révélations ne tarit pas: un consortium d’une dizaine d’organisations de presse, de CNN au Monde, s’apprête à publier des articles basés sur ces documents, d’après le site spécialisé The Information.

Et un nouveau lanceur d’alerte s’est manifesté, selon un article du Washington Post paru vendredi. Ex-membre de l’équipe d’intégrité civique, il a fait une déposition auprès de la SEC le 13 octobre, où il accuse Facebook de faire passer les profits avant les enjeux humains.

Dans ce document, l’ancien employé relate notamment des propos tenus en 2017, quand l’entreprise décidait de la meilleure façon de gérer la polémique liée à l’interférence de la Russie dans la présidentielle américaine de 2016, via sa plateforme.

« Ce sera un feu de paille. Des élus vont râler. Et d’ici quelques semaines, ils seront passés à autre chose. En attendant on imprime de l’argent au sous-sol et tout va bien », aurait alors déclaré Tucker Bounds, un membre de l’équipe de communication de Facebook.

D’après le Washington Post, le deuxième lanceur d’alerte assure dans sa déposition que les managers de Facebook sapaient régulièrement les efforts de lutte contre la désinformation et les discours haineux par peur de mettre en colère Donald Trump et ses alliés, et pour ne pas risquer de perdre l’attention des utilisateurs, essentielle à ses volumineux profits.

Facebook : la lanceuse d’alerte Frances Haugen serait financée par le fondateur d’eBay

Combattre l’une des entreprises les plus puissantes du monde peut coûter cher. Cependant Frances Haugen, la lanceuse d’alerte qui a dénoncé certaines pratiques de Facebook a le fondateur milliardaire d’eBay derrière elle, selon un article publié mercredi par Politico. Il s’agit de Pierre Omidyar, un critique bien connu de la Big Tech. Il avait déjà soutenu le journalisme indépendant à Hawaï mais aussi des campagnes anti-monopole et l’activisme des employés dans leurs entreprises.

L’année dernière, la fondation d’Omidyar a fait don de 150 000 dollars (128 000 euros) à Whistleblower Aid, le même organisme à but non lucratif responsable de la représentation juridique de Frances Haugen. L’organisation philanthropique d’Omidyar, Luminate, est derrière les opérations de communication de la lanceuse d’alerte en Europe, a rapporté Politico. Bill Burton, le principal responsable des relations publiques de Frances Haugen aux États-Unis, vient de l’organisation Center for Humane Technology, un groupe que le patron d’eBay finance également.

Ni Frances Haugen, ni Pierre Omidyar n’ont répondu aux allégations de soutien financier détaillées dans le rapport de Politico, et n’ont pas répondu aux questions Insider.

Par rapport aux précédents lanceurs d’alerte dans le domaine de la tech, Frances Haugen a pu capter l’attention du public en partie grâce à ses relations presse avancées. Elle a notamment contribué à la séries des “Facebook Files” du quotidien américain The Wall Street Journal. Elle est également apparue dans l’émission « 60 Minutes ».

Sophie Zhang, une autre dénonciatrice de Facebook qui s’est exprimée pour la première fois sur les problèmes de l’entreprise en avril 2021, a reçu moins d’attention du public. Après que Frances Haugen a dénoncé Facebook pour avoir fait passer « les profits avant les utilisateurs » lors de son témoignage au Congrès, Sophie Zhang avait tweeté : « Si le Congrès souhaite que je témoigne, je remplirai mon devoir civique, comme je l’ai déclaré publiquement au cours des six derniers mois. »

Dans une interview avec Insider, Sophie Zhang a déclaré que bien qu’elle et Frances Haugen aient vu des côtés complètement différents de l’entreprise, le témoignage de cette dernière lui semblait familier. « Il n’y a fondamentalement aucun recoupement entre nos détails. Ce qui se recoupe, c’est notre message global », a-t-elle déclaré.

Après la publication de l’article de Politico, The Omidyar Network a mis en ligne un blog intitulé « In Support of Tech Whistleblowers Who are Holding Tech to Account » (‘En soutien aux lanceurs d’alerte qui demandent des comptes aux entreprises technologiques »), dont l’auteur n’est pas cité. Le billet de blog indique que la fondation soutient la dénonciatrice de Pinterest, Ifeoma Ozoma, et son projet, “The Tech Worker Handbook”, un guide de ressources pour les employés qui envisagent de s’exprimer sur des questions liées au travail « pour l’intérêt public ».

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