Illustration: Un homme avec une kippa regarde les gens prendre part à une manifestation organisée par le CRIF devant la synagogue de Lyon, le 31 Juillet 2014. (Crédit : Romain Lafabregue/AFP)

A la tête d’une petite entreprise, époux et père comblé, Jacki T. avait tout pour être heureux. Mais ce plombier de 45 ans, propriétaire d’un pavillon en région parisienne n’en peut plus des insultes et regards malveillants qui pourrissent son quotidien.

Au point que ce juif natif du département de la Seine-Saint-Denis envisage d’émigrer en Israël, alors que plusieurs crimes ont nourri ces derniers mois la crainte d’une résurgence de l’antisémitisme en France.

« Pas par lâcheté, car je n’ai pas peur. Mais parce que je ne peux pas laisser grandir mes enfants ici, malheureusement », dit-IL dans le salon de son pavillon situé à Drancy aux murs tapissés de photos de mariage.

Jacki est un dur. Il a grandi dans une cité du Blanc-Mesnil, la ville voisine. « Avec les Maghrébins et les Noirs, on se tapait dessus, mais on se respectait ».

Le problème vient pour lui de « la nouvelle génération. Des petits jeunes de 14 ans qui comprennent rien, qui mélangent tout et qui veulent se faire du juif car le Juif, il a de l’argent ».

Selon lui, le climat a commencé à changer au début des années 2000, lors de la seconde Intifada, et s’est nettement détérioré ces dernières années.

Illustration : La police et les ambulanciers inspectent la scène après un attentat-suicide dans un bus aux heures de pointe à proximité du quartier de Gilo à Jérusalem pendant la Seconde Intifada, le 18 Juin, (Crédit : Flash90)

Le vendredi soir quand il se rend à la synagogue, kippa sur la tête, ce sont des regards malveillants et des injures sifflées entre les dents.

Quand il dépose ses trois enfants à l’école juive à Sarcelles, dans le département voisin, il lui arrive d’essuyer des insultes antisémites parce qu’il s’est garé en double file. Il décrit des jeunes qui passent et repassent devant l’établissement, faisant patiner les roues de leur voiture avant d’accélérer brutalement.

Si ça ne tenait qu’à lui, il resterait en France. Sa petite entreprise tourne bien, alors qu’en Israël, il lui faudra tout recommencer à zéro. Mais au moins, là-bas, « on se sentira chez nous, on pourra porter une kippa sans avoir des regards de travers ».

Pourquoi ne pas déménager dans un autre département de la région parisienne où réside la moitié de la communauté juive française, forte d’un demi million de personnes ?

« La France entière est touchée », dit-il.

« Antisémitisme étouffé »

Nathalie (nom d’emprunt) a déménagé d’une ville à l’autre de Seine-Saint-Denis après le cambriolage de son pavillon. Suivi, peu de temps après, d’une expérience traumatisante : un jour, elle a trouvé sa voiture couverte de tags antisémites. Le mot « juif » gravé sur la portière, des étoiles de David et « Israël » peints à la bombe sur la carrosserie.

Après avoir vécu un temps chez ses parents, cette mère de trois enfants occupe un trois-pièces dans une habitation à loyer modéré (HLM), ce qu’elle vit comme un déclassement.

Elle n’est pas la seule. « Sur une quinzaine d’années, des effectifs de populations ou de familles juives se sont effondrés dans toute une série de communes » du nord-est de Paris, selon Jérôme Fourquet, de l’institut de sondages Ifop.

« Une épuration ethnique à bas bruit » que dénonçait récemment un manifeste « contre le nouvel antisémitisme« , signé notamment par l’ancien président Nicolas Sarkozy.

Huit mois après son installation, Nathalie n’a toujours pas défait ses cartons. Pour ne pas alarmer ses enfants, elle « étouffe » sa peur et pleure quand elle est seule. C’est un « antisémitisme étouffé », dit-elle.

Manifestation aniti-israélienne – Paris – 23 juillet 2014 – (Crédit : AFP)

Pour autant, elle ne ressent pas de haine. « On continue à vivre comme avant, à côtoyer nos petits commerçants qu’on adore, notre boulanger qui est Tunisien, mon primeur qui est Turc. Et je ne veux pas que ça change », dit cette quinquagénaire qui se définit comme une « Française d’origine juive ».

Jacki, lui, a la haine. Et c’est aussi la raison qui le pousse à partir. « Je sais qu’un beau jour, cette haine, je ne pourrai plus la contrôler. Alors il vaut mieux partir. Mais qu’ils le sachent : on part pas par lâcheté ».

Le président de l’Agence juive, Nathan Sharansky, et la ministre de l’Immigration et de l’Intégration, Sofa Landver, accueillent plus de 200 juifs français qui arrivent en Israël dans un vol spécial alyah de l’Agence juive, le 20 juillet 2016. (Crédit : Nir Kafri pour l’Agence juive pour Israël)

L’Agence juive, organisme public israélien chargé d’accompagner l’aliyah – l’émigration vers Israël – a estimé à 45 000 les départs de France vers Israël en une décennie, même si un recul a été constaté ces deux dernières années.

AFP

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