En 2014, le Congrès général national [CGN] refusa de s’effacer devant la Chambre des représentants, alors nouvellement élue, et apporta son soutien au gouvernement conduit par Omar al-Hassi, qui cédera ensuite sa place à Khalifa al-Ghowel, alors nommé à la tête d’un « gouvernement de salut national. »

Dans le même temps, Tripoli fut le théâtre de combats entre des milices loyales à l’un ou l’autre des deux Assemblées. Finalement, l’avantage ira à Fajr Libya, une alliance dominée par les islamistes, proches des Frères musulmans, ce qui obligea la Chambre des représentants et le gouvernement qui en était issu de se réfugier à Tobrouk. En outre, à cette époque, la branche libyenne de l’État islamique ainsi que les groupes affiliés à al-Qaïda tentaient de pousser leur avantage dans le sud et l’est du pays.

Or, cette année-là, l’Égypte décida de fermer son ambassade à Tripoli, en mettant en avant les violences qui s’y déroulaient. Puis Le Caire apporta son soutien au gouvernement de Tobrouk, ainsi qu’à l’homme fort de ce dernier, à savoir le maréchal Khalifa Haftar. Ce dernier lancera l’opération « Dignité » afin de chasser les groupes jihadistes de la Cyrénaïque. Ce qui allait dans le sens des autorités égyptiennes.

Puis, à l’issue de négociations conduites sous l’égide des Nations unies à Skhirat [Maroc], un gouvernement d’unité nationale [GNA] s’installa à Tripoli, sous la direction de Fayez al-Serraj. Pour autant, ce dernier, proche de la Turquie, comme son prédécesseur, ne fut jamais reconnu par la Chambre des représentants…

En avril 2019, soutenue par les Émirats arabes unies, la Russie et l’Égypte [entre autres], l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Haftar, forte de ses succès contre les groupes jihadistes dans l’est et dans le sud du pays, se lança à l’assaut de Tripoli pour en chasser le GNA. D’où l’intervention d’Ankara dans le conflit.

Pour la Turquie, il s’agissait aussi de défendre l’accord qu’elle venait de signer avec le GNA au sujet de ses frontières maritimes. Accord qui lui permet aujourd’hui d’appuyer ses revendications en Méditerranée orientale aux dépens de la Grèce, de Chypre et de l’Égypte, avec les ressources gazières en ligne de mire.

L’engagement turc auprès des milices pro-GNA, via des livraisons d’armes et l’envoi de mercenaires recrutés par les rebelles syriens, changea la donne sur le terrain, l’ANL ayant été repoussée vers Syrte.

Ce qui ne manqua faire réagir l’Égypte, qui agita la menace d’une intervention militaire pour empêcher les éléments pro-turcs de s’approcher de ses frontières. En juillet, le Parlement égyptien donna au président Abdel Fattah al-Sissi l’autorisation d’engager ses troupes dans le cas où Syrte serait visée par une offensive du GNA.

Cependant, en octobre dernier, les deux gouvernement libyens rivaux s’entendirent sur un cessez-le-feu et amorcèrent des négociations en vue de trouver une solution politique au conflit. Toutefois, les 20.000 combattants étrangers envoyés en Libye par leurs parrains respectifs sont encore sur place, malgré les appels des Nations unies à leur retrait. Et cette situation n’est visiblement pas près de changer.

En effet, la semaine passé, et à la demande du président Erdogan, le Parlement turc a voté la prolongation de l’intervention turque en Libye pour dix-huit mois supplémentaires. En retour, le maréchal Haftar a appelé ses troupes à « chasser l’occupant » turc. « Officiers et soldats, préparez-vous! », a-t-il lancé le 24 décembre.

Le lendemain, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, s’est rendu à Tripoli pour une tournée d’inspection et rencontrer des responsables du GNA. À cette occasion, il a prévenu le maréchal Haftar et ses troupes qu’ils « seront considérés comme des cibles légitimes en cas d’attaque contre les forces turques. » Et d’insister : « S’ils franchissent ce pas, ils ne pourront trouver aucun endroit pour fuir. […] Tout le monde devrait revenir à la raison. »

C’est dans ce contexte qu’il s’est produit un coup de théâtre. Après avoir reçu la visite du ministre turc, le GNA a accueilli une délégation égyptienne, comprenant notamment le général Ayman Badie, le vice-directeur des services de renseignement. Ce qui n’était jamais arrivé jusqu’alors.

Les responsables égyptiens ont été reçus par Fathi Bachagha, le ministre de l’Intérieur du GNA, ainsi que Imed Trabelsi, le chef de la Sûreté générale. Les échanges auraient porté sur les « les moyens de renforcer la coopération sécuritaire » et « l’appui au cessez-le-feu. » Puis ils ont également rencontré Mohamad Taher Siala, le chef de la diplomatie.

Selon le porte-parole de ce dernier, Mohamad Elgeblawi, il a été question de « normaliser les relations diplomatiques » et d’établir des coopérations « dans divers domaines ». Enfin, la délégation égyptienne aurait évoqué une réouverture – le plus tôt possible – de l’ambassade d’Égypte et le rétablissement des liaisons aériennes entre Le Caire et Tripoli.

Ce changement de cap de la part de l’Égypte a de quoi surprendre, dans la mesure où les relations entre le GNA et la Turquie n’ont – a priori – pas évolué. Sans doute que l’objectif du Caire est de se poser en médiateur entre le gouvernement de Tripoli et de Tobrouk, afin d’éviter une confrontation qui l’obligerait à intervenir militairement, comme le président al-Sissi avait menacé de le faire…

Par  · 28 DÉCEMBRE 2020
http://www.opex360.com/2020/12/28/face-a-la-turquie-legypte-change-dapproche-en-libye/

 

 

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Habibi

Sissi Impérator est bien moins fou , et donc plus sage, qu’Erdogan, mais il est un peu fragile des « pendantes ».

marc

L’Égypte baisse son pantalon, mais rn y mettant les formes pour sauver les apparences

Eisenfeld

Vu l’incapacite de ces personages a tenir parole et a eviter d’essayer de tirer profit d’ un calme relatif; l’ egypte sera oblige a la fin d’intervenir militairement et ce sera la premiere etape d’une confrontation frontale avec la turquie d’erdogan.