Lundi 24 décembre, le Premier ministre Binyamin Netanyahu a pris un pari énorme en prenant la décision, approuvée à l’unanimité par la coalition, d’organiser des élections anticipées le 9 avril. Il pourrait, soit être écrasé sous le poids de multiples enquêtes de corruption ou naviguer vers son cinquième mandat, en tant que chef du gouvernement, battant tous les records, en tant que le plus ancien Premier ministre d’Israël en poste, détenant le plus grand nombre de victoires aux urnes. Les leaders de l’opposition étaient clairement enthousiastes à l’idée du prochain challenge. Avi Gabay, dirigeant de l’Union sioniste, a déclaré : « C’est une lutte directe entre Netanyahu et moi. » Les commentateurs politiques ont salué Yair Lapid, ainsi que le ministre de l’Education, Naftali Bennet, qui n’a pas réussi à convaincre Netanyahu de le nommer ministre de la Défense après le départ d’Avigdor Lieberman, ainsi que le nouveau venu prometteur, l’ancien chef d’état-major Benny Gantz.

Cependant, l’électeur israélien moyen est, le plus souvent, influencé par des considérations de sécurité lors du choix de ses dirigeants. Au cours des récentes crises sécuritaires, Netanyahu a, de plus en plus, partagé l’état d’esprit du général Gady Eisenkot, chef d’état-major de Tsahal, qui a traversé une succession de crises au bord de conflits  armées, en évitant de grandes confrontations, en choisissant d’emprunter des voies alternatives. En cela, Netanyahu a contré les tendances de son propre parti faucon du Likoud et des communautés de Judée et de Samarie. Le tandem Netanyahu-Eisenkot s’est abstenu de bloquer les autoroutes de ces territoires au trafic palestinien, même après une fusillade mortelle. Ils ont agité les dollars qataris, considérés comme une « protection » (au sens mafieux du terme), par l’entremise des dirigeants terroristes du Hamas dans la bande de Gaza, au lieu de les acheminer comme exigé par Lieberman. Et enfin, Netanyahu, en tant que Ministre de la Défense, s’est aligné sur la décision d’Eisenkot de s’attaquer aux tunnels du Hezbollah, plutôt que de détruire son arsenal, sachant que le Hezbollah se sortirait de cette épreuve sain et sauf.

Les deux hommes sont vivement critiqués pour avoir utilisé des gants blancs pour se protéger des terroristes au détriment de la dissuasion de Tsahal et de la sécurité future du pays. Néanmoins, Netanyahu a rompu avec ses alliés politiques naturels pour faire bloc derrière le chef d’Etat-Major. Son secret? Il a découvert dans des sondages d’opinion privés que 58% des électeurs soutiennent sa politique de retenue.

Eisenkot se retire le mois prochain. Alors que la campagne bat son plein, peu de gens remarqueront que son successeur, le général Aviv Kochavi, poursuivra très probablement sa tactique modérée, notamment sous Netanyahu s’il est réélu, aussi longtemps qu’un affrontement militaire total peut être évité. Le partenariat Netanyahu-Eisenkot a permis, à certains égards, de former un nouveau bloc politique mieux adapté aux larges couches des classes moyenne et supérieure que le système actuel polarisant des partis. Peut-être cela explique-t-il pourquoi le Premier ministre figure systématiquement en tête de tous les sondages d’opinion, même si plus de deux années d’enquêtes policières ont été menées au jour le jour par les médias.

Les informations sur une élection anticipée ont également été associées à des affirmations selon lesquelles l’accusation était sur le point de lancer des mises en examen. Malgré tout, Benny Gantz, un homme impeccable, bien que ses débuts sur la scène politique soient considérés comme prometteurs, avec des scores élevés, ne représente pas un défi direct pour l’omniprésent Bibi. Une portion  importante des électeurs semble plus encline à laisser le pays entre les mains d’un Premier ministre prudent, même s’il s’avère être corrompu, et d’un chef d’armée moins flamboyant, soucieux de préserver le pays des pertes de vies humaines et de la destruction inhérentes aux grandes guerres le plus longtemps possible, tout en menant des opérations secrètes contrôlées contre des ennemis irascibles. Par conséquent, Netanyahu s’est senti en mesure de lancer sa campagne avec sa confiance habituelle, surtout après avoir appris que le procureur général, Avichai Mandelblit. avait choisi de suspendre un acte d’accusation afin de ne pas influencer les élections d’une manière ou d’une autre. Sachant éviter les catastrophes nationales ou sécuritaires soudaines, les chances pour Netanyahu de demeurer dans la résidence du Premier Ministre sont plutôt bonnes.