« Quand tu entreras dans la vigne de ton prochain (réêkha), tu pourras manger des raisins à ton appétit (kénaphchékha), jusqu’à t’en rassasier, mais tu n’en mettras pas dans ton panier. Quand tu entreras dans les blés de ton prochain, tu pourras avec la main arracher des épis mais tu ne porteras pas la faucille (rémech) sur les blés de ton prochain » Dt, 23, 25, 26. Bible du Rabbinat.
« et tu aimeras ton prochain comme toi même: Je suis l’Eternel «
Selon Rachi, ces règles concernent l’ouvrier qui s’en vient travailler dans la vigne appartenant à autrui ou dans son champ de blé, à l’époque donc de la vendange et de la moisson.
Dans les deux cas elles éclairent les particularités du droit social d’Israël, avec ses ouvertures mais aussi avec ses limites sans lesquelles il perdrait de son sens.
D’où cette première observation. Aussi bien dans le cas de la vigne que du champ de blé, le propriétaire n’est désigné par aucun autre terme qu’un terme intensément éthique, pour ne pas dire le terme éthique par excellence: celui de prochain, de réâ.
Cette première observation est de longue portée. Elle permet de constater que la désignation d’autrui comme prochain est irréductible à aucune autre, sur aucun autre plan: social, patrimonial, fonctionnel. On pourrait juger cette vision naïve et illusoire, destinée à masquer les oppositions de classe, les distorsions patrimoniales.
Sans doute mais l’on sait aussi où ont conduit toutes les politiques conçues en termes d’affrontements sans merci entre possédants et non-possédants, jusqu’à les constituer les uns vis à vis des autres en ennemis mortels. Toute l’histoire des révolutions abonde en exemples malheureusement destructeurs.
La particularité des institutions d’Israël est précisément de ne jamais perdre de vue la qualité de prochain dans quelque domaine où l’on se trouve, de prochain au sens du Lévitique…
« et tu aimeras ton prochain comme toi même: Je suis l’Eternel » (19, 18). La qualité de prochain se valide par un amour probant lequel ne peut l’être qu’en actes. Les fortunes se font et se défont. Les patrimoines fondent parfois comme neige au soleil.
Le sort d’un être fait à la semblance divine ne peut pas dépendre de tels aléas ou coups du sort. Et lorsqu’il semble que le sort s’acharne sur lui, il appartient à qui jouit d’une meilleure fortune d’une part d’alléger ses tourments, d’autre part de tout faire pour y mettre un terme.
C’est pourquoi un ouvrier vendangeur, une fois qu’il a pénétré dans la vigne du propriétaire est considéré a priori par lui non comme un animal que l’on doit museler mais comme un prochain au plein sens du mot.
Il est donc autorisé à manger du raisin de la vigne jusqu’à ce qu’il en soit rassasié. Il en va de même pour l’ouvrier moissonneur qui pourra arracher des épis mais avec la main seulement sans user de sa faucille. On le constate dans les deux cas, au regard du propriétaire, l’ouvrier est avant tout considéré comme un égal en dignité. Cependant l’inverse est également vrai.
Que ce soit dans la vigne ou dans le champ de blé il importe que le propriétaire soit considéré réciproquement non comme l’exploiteur à l’encontre duquel on éprouvera du ressentiment si ce n’est de la haine mais là encore comme le prochain, au sens plein, de l’ouvrier.
Pouvoir profiter de l’abondance de sa vigne ou de son champ n’autorise d’aucune manière des comportements qui seraient abusifs, comme celui de rogner sur sa vendange ou de ponctionner sa récolte, comme si l’on disposait de son bien propre alors qu’en réalité on l’aliène sans qu’il y ait consenti.
Il faut également concevoir la démultiplication de pareils abus au nombre d’ouvriers travaillant dans la vigne ou dans le champ de blé. Que risque t-il de s’ensuivre? Une réaction de fermeture, physique et spirituelle, avec une atteinte grave portée précisément à la conception d’autrui comme prochain.
Cette conception il faut y insister, repose sur un principe capital: celui de réciprocité qu’il ne faut pas confondre avec celui du donnant-donnant. Reconnaître autrui comme prochain c’est reconnaître ce qui fonde et exprime son existence à tous les niveaux où elle se constitue, sans se faire juge et partie de ce qui devrait ou non lui revenir légitimement avant de passer à l’acte personnellement ou de parachever par soi même l’empiétement commencé.
Autrement, ce n’est rien d’autre que la convoitise (taava) qui l’aura emporté, dont on sait qu’elle est strictement prohibée dans le Décalogue (Dt, 5, 18).
JForum avec Raphaël Draï zal raphaeldrai.wordpress.com
Eloul : mois de la miséricorde et des supplications
Nous voici entrés dans le mois d’Eloul, le mois de la miséricorde et des supplications. Á l’approche de Roch Hachana, le jour du jugement redoutable, Hachem nous fait le cadeau inestimable de nous juger uniquement en fonction de notre comportement durant ce mois. Il est prêt à oublier tout ce que nous avons pu faire ou ne pas faire durant toute l’année. Il faut saisir cette chance unique, cette opportunité périlleuse. Le yetser hara’ met tout en œuvre, pour détourner notre attention de cette occasion inespérée, au milieu des vacances, où notre tête est souvent plus concentrée sur le bronzage du corps, que sur l’élévation de la néchama, ou le travail des midot. Pour nous réveiller et nous sortir de cette torpeur, nos Sages ont institué les séli’hot, avant la téfila du matin, ou après la moitié de la nuit, ‘hatsot. Des milliers de personnes s’unissent dans les lieux de culte du monde entier et viennent chanter d’un cœur brisé et sincère, pour mériter le pardon d’Hachem. Ces chansons, qui font vibrer le plus profond de notre néchama, ne doivent pas être des démonstrations de vocalises, où chacun voudrait se mettre en valeur. Bien au contraire, l’attitude à adopter est de se mettre en retrait, et montrer à Hachem qu’on regrette sincèrement d’être « passé à côté » de nos responsabilités, et qu’on aimerait mieux faire à l’avenir. Celui qui demande une nouvelle chance à son Créateur ne doit pas venir fièrement et imbu de lui-même, il doit se présenter avec soumission et crainte devant le Miséricordieux, qui détient entre Ses mains, la vie de chaque être humain. Le chant des séli’hot sortira du tréfonds de son âme, il pourra alors s’élever jusqu’au Trône Céleste et toucher Hachem, qui nous pardonnera sur le champ. Une action qui est faite avec kavana, concentration, ne multiplie pas la mitsva par deux ou par dix, elle peut la décupler jusqu’à un million. C’est pourquoi, il importe à chacun de faire au mieux pour se procurer la traduction des séli’hot, qui commencent demain matin, et se prolongeront jusqu’à Kippour, (excepté Chabbat et les jours de fêtes). Celui qui prépare les séli’hot, aura le mérite de les dire avec une intention encore plus forte et plus pure et trouvera grâce aux yeux du Créateur. Que nous ayons tous les forces et les volontés de nous battre comme des lions durant ce mois, afin de mériter la vie et le pardon d’Hachem et d’être scellés dans le livre de la vie et des bénédictions ! |