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Et si le Big Bang n’avait jamais eu lieu ?

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Grâce à ses instruments dernier cri, le télescope spatial James-Webb tente de repérer le point de départ de l’Univers, au plus près du Big Bang. Mais cette mission est susceptible de se heurter à un obstacle qu’aucune technologie ne peut résoudre : et s’il n’y avait pas eu de commencement ?

C’est peut-être là d’où nous venons que se trouve la clé du mystère de la vie humaine, car le commencement conditionne ce qui suit. Le psychanalyste Otto Rank, étudiant proche de Freud, affirmait que la naissance était l’événement fondateur du développement de la psyché d’une personne. Selon lui, une connaissance détaillée des circonstances de sa venue au monde était à la fois l’objectif de l’étude du moi et le moyen de s’affranchir de ses souffrances.

Comme la naissance pour l’être humain, on peut imaginer un moment primordial pour l’Univers. Les astrophysiciens tentent depuis des années de s’en rapprocher. Et, ces derniers mois, plusieurs pas notables ont été accomplis dans cette direction.

Au plus près de la genèse

Fin mars, un groupe de scientifiques a révélé dans la revue Nature qu’ils avaient observé la lumière d’une étoile solitaire qui avait entamé son voyage vers la Terre voilà 12,9 milliards d’années, moins d’un milliard d’années après le Big Bang (la lumière de l’étoile la plus éloignée à avoir capté notre regard jusqu’alors avait été émise voilà 9,4 milliards d’années).

Peu de temps après, une autre équipe annonçait dans l’Astrophysical Journal avoir découvert la plus ancienne galaxie jamais détectée. Celle-ci a été datée à environ 300 millions d’années après le Big Bang, soit quelque 100 millions d’années de plus que la plus ancienne galaxie observée jusque-là. Ces deux observations ont été possibles grâce au bon vieux télescope spatial Hubble, mais ces records pourraient bien être battus d’ici peu à l’aide de l’instrument le plus puissant jamais conçu par l’homme : le télescope spatial James-Webb, plus imposant que Hubble et mieux équipé pour scruter le passé lointain de l’Univers.

Le 12 juillet dernier, cet instrument dernier cri a commencé de transmettre des données à la communauté scientifique et, rapidement, les chercheurs sont parvenus à localiser un certain nombre de galaxies pouvant prétendre au titre de doyenne des galaxies observées (même si les résultats sont préliminaires et n’ont pas donné lieu à ce jour à une publication dans une revue scientifique à comité de lecture). La plus jeune d’entre elles serait apparue 235 millions d’années après le Big Bang.

La genèse n’a jamais semblé si proche.

Mais l’espoir d’approcher peu à peu du point zéro, du moment de la création, pourrait se heurter à un obstacle qu’aucune technologie ne permettra de surmonter : il est possible qu’il n’y ait tout bonnement pas de point de départ.

Si tout était concentré en point unique

Des siècles durant, à rebours de la position de l’Église, la science occidentale a affirmé que l’Univers était éternel et ne pouvait donc pas avoir de commencement. Cette idée a été une première fois mise à mal en 1931 par la publication d’un article subversif dans Nature. L’auteur en était Georges Lemaître, un brillant physicien belge, diplômé du MIT [le Massachusetts Institute of Technology, près de Boston] et prêtre catholique. En partant du principe que l’Univers était en expansion – une découverte alors récente –, Lemaître a fait valoir que, si la possibilité d’observer le passé nous était donnée, l’Univers que nous verrions rétrécirait progressivement jusqu’à ce que sa masse tout entière se concentre en un point unique. Ce serait à ce point précis, soutenait-il, que le continuum espace-temps serait né [c’est-à-dire que l’espace et le temps se seraient entrelacés pour la première fois].

L’article a fait des vagues dans la communauté scientifique. Albert Einstein a qualifié de “calamiteux” les travaux du curé scientifique – il changera plus tard d’avis et acceptera la théorie de Lemaître, qui allait sous-tendre le modèle cosmologique traditionnel du Big Bang.

L’idée du Big Bang repose sur deux postulats. L’un est que l’Univers a été autrefois très chaud et très dense, et qu’il se refroidit et se dilate depuis lors. Ce postulat est étayé par une multitude d’observations. Concernant le deuxième postulat, selon lequel tout a commencé par un “bang” spectaculaire, les preuves se font en revanche attendre, sans compter qu’il pose un certain nombre de problèmes.

La méthode par laquelle les cosmologistes sont arrivés au Big Bang tel que le postule Georges Lemaître a consisté à observer le processus d’expansion de l’Univers et à faire tourner le modèle en sens inverse. À un moment donné, ont-ils découvert, quelque chose d’extraordinaire se produit : la température et la densité deviennent infinies, et l’espace et le temps disparaissent. Dans cet état dit de “singularité mathématique”, les équations ne tiennent plus. La description du Big Bang reprend des caractéristiques similaires : on remonte le temps jusqu’à ce que les lois de la physique cessent de s’appliquer.

Un autre problème auquel se sont heurtés les cosmologistes est que, dès les tout premiers moments de son histoire sur lesquels nous possédons des informations, l’Univers était lisse et plat. Il était homogène dans toutes les directions, à tel point qu’il était nécessaire de postuler un lien antérieur entre toutes ses parties afin d’en expliquer l’équilibre thermique. Or, ces parties étant tellement éloignées les unes des autres, un tel lien n’aurait pas été possible dans les limites imposées par la vitesse de la lumière.

La solution que l’on apporte traditionnellement au problème consiste à ajouter aux équations un phénomène hypothétique très bref, qui explique la disparité entre ce que l’on attend des calculs et les observations. Ce phénomène est appelé “inflation cosmique”, une violente flambée d’énergie qui concerne une petite partie de l’Univers primitif et qui se traduit par une expansion tellement rapide et uniforme de notre Univers que la distance entre deux points y augmente plus vite que la vitesse de la lumière. Cette inflation cosmique” est aujourd’hui le modèle adopté pour expliquer le commencement de l’Univers, et c’est à lui que l’on fait référence aujourd’hui quand on parle de la théorie du Big Bang.

Or ce modèle se voit aujourd’hui contesté. Le scientifique qui, seul ou presque, a mis en doute le concept d’inflation cosmique – dominant dans la communauté cosmologiste – est en fait l’un de ses promoteurs, Paul Steinhardt, professeur à l’université Princeton. Via Zoom, ce dernier explique que cette expansion rapide était supposée aplanir et corriger le moindre pli, quelles que soient les déformations ou les aspérités de l’Univers au départ. “Mais, au fil des années, reconnaît-il, on s’est rendu compte que cette solution ne tenait pas la route.”
L’amas de galaxies SMACS 0723 saisi par le télescope spatial James-Webb.
L’amas de galaxies SMACS 0723 saisi par le télescope spatial James-Webb. PHOTO NASA, ESA, CSA, STScI

Comme une respiration

Un autre problème tient au fait que, selon les calculs, l’inflation cosmique était censée brouiller légèrement la polarisation de la lumière observée dans le fond diffus cosmologique [FDC, ou rayonnement fossile]. Or ces remous, appelés “modes B”, n’ont toujours pas été détectés malgré les nombreux travaux qui y ont été consacrés.

Lire aussi : Infographie. Tout l’Univers en une seule infographie

“La théorie du Big Bang est en train de faire comme le Titanic. Elle prend l’eau”, s’exclame Paul Steinhardt avec la passion de quelqu’un qui a tourné le dos à sa religion et trouvé la lumière dans une foi nouvelle : le Big Bang explique mal l’Univers, c’est aussi simple que ça.

Paul Steinhardt planche depuis des années sur l’élaboration d’une autre théorie, selon laquelle l’Univers connaîtrait des cycles d’expansion et de contraction, et ce à l’infini. Cette théorie est appelée le “Big Bounce” [le “grand rebond”]. Elle postule que ce qui est un point de départ dans la théorie du Big Bang est en réalité un point d’inversion, situé au terme d’une longue phase de contraction. Le chercheur résume :

“On aura peut-être une meilleure explication un jour, mais les connaissances actuelles penchent vers l’hypothèse d’un Big Bounce.”

La théorie du Big Bounce a deux variantes, toutes deux conçues par Steinhardt et sa collaboratrice Anna Ijjas, de l’université de New York. Dans la première, à une époque sans commencement, où l’Univers était infini en taille et quasiment vide, il s’est contracté jusqu’au moment où sa densité énergétique a franchi un certain seuil. C’est à ce moment-là, voilà environ 13,8 milliards d’années, que l’Univers a “rebondi”, passant d’une phase de contraction à une phase d’expansion.

La seconde variante de la théorie du Big Bounce repose sur la constatation que, lorsqu’une chose se produit dans la nature, les chances qu’elle ne se produise qu’une fois sont faibles. D’où l’hypothèse selon laquelle la contraction et l’expansion de l’Univers observeraient des cycles – une sorte de respiration cosmologique, qui existerait depuis un passé sans commencement jusqu’à un avenir sans fin.

Les scientifiques relèvent que, pendant le plus clair de son existence, l’Univers s’est dilaté à une vitesse uniforme. Mais, voilà près de cinq milliards d’années, comme en attestent les mesures effectuées à la fin des années 1990, le rythme de cette expansion a commencé à accélérer, si bien que la distance entre les galaxies augmente aujourd’hui plus vite que dans un passé lointain. Dans l’interprétation traditionnelle, ce phénomène est causé par un élément cosmologique appelé “énergie noire”, qui agit à l’inverse de la gravité en écartant les corps massifs les uns des autres au lieu de les rapprocher. Si l’énergie noire représente près de 70 % de la masse-énergie de l’Univers, ses propriétés demeurent en revanche un vrai mystère.

Un nouvel espace, une nouvelle matière, de nouveaux trous noirs

Dans certains modèles théoriques, l’énergie noire est une constante cosmologique, ce qui voudrait dire que l’expansion de l’Univers continuerait d’accélérer sans fin. D’autres modèles suggèrent que l’énergie noire pourrait être une forme de champ dynamique aux propriétés variables. En quelques milliards d’années, ce champ aurait entraîné une expansion de plus en plus rapide de l’espace, mais pourrait progressivement changer de nature et faire passer [l’Univers] d’une phase d’expansion à une phase de contraction.

Dans la théorie du Big Bounce, l’Univers se renouvelle en quelque sorte à chacun de ces cycles de contraction-expansion. “Il effectue un ‘rafraîchissement’, résume Paul Steinhardt. Un nouvel espace, une nouvelle matière, de nouveaux trous noirs se forment… Les incarnations précédentes de l’Univers peuvent être très semblables aux nôtres, mais il existe tout de même des différences. Les relations entre les forces de la nature peuvent être différentes, par exemple, ou les masses des particules élémentaires. C’est également possible d’un point de vue théorique.”

Si la communauté scientifique juge la théorie du Big Bounce possible sur le principe, elle n’en reste pas moins fidèle au concept d’inflation, qui a permis de répondre à tout un éventail de questions que soulevait la théorie du Big Bang depuis des décennies. Dans une interview sur Zoom, le physicien théoricien Sean Carroll, du California Institute of Technology [l’un des physiciens les plus renommés du globe, auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation, notamment Higgs. Le boson manquant, paru chez Belin], rappelle que l’idée d’inflation, qui date des années 1980, a été acceptée au départ par les physiciens, mais non par les astronomes, qui ne voyaient pas d’éléments permettant de l’étayer.

“Et puis la situation s’est inversée : on a trouvé des preuves corroborant les prévisions de la théorie de l’inflation, mais c’est à ce moment-là que les physiciens se sont mis à gratter un peu les fondements conceptuels de cette idée et ont commencé à concevoir des doutes à son sujet.” Pour Sean Carroll, si l’essentiel de la communauté scientifique adhère au concept d’inflation malgré ses défauts, “c’est parce qu’il existe certains phénomènes qu’il a permis de prévoir avec précision, et parce que les problèmes qu’il pose ne semblent pas insolubles”.

La science a besoin d’hypothèses concurrentes

Pour Ely Kovetz, cosmologiste à l’université Ben-Gourion du Néguev [en Israël], tout l’intérêt de l’hypothèse d’une inflation cosmique tient au fait qu’elle a permis de prévoir des fluctuations dans le fond diffus cosmologique – qui sont à l’origine de structures comme les galaxies et les amas de galaxies qui se sont ensuite développés dans l’Univers – et que cette prévision a été vérifiée par l’observation. La théorie du Big Bounce propose également une explication à ces fluctuations, précise Ely Kovetz, mais celle-ci n’a été fournie qu’a posteriori.

L’astrophysicien et cosmologiste Avi Loeb, de l’université Harvard, qui a travaillé par le passé avec Paul Steinhardt, rappelle à Ha’Aretz (également sur Zoom) que l’hypothèse d’une inflation cosmique a permis d’expliquer plusieurs phénomènes jusqu’alors jugés mystérieux et a rallié de ce fait de nombreux suffrages au sein de la communauté scientifique. Toutefois, par la suite, relève-t-il, cette hypothèse a ouvert la porte à toutes les possibilités existantes, en d’autres termes un multivers. Avi Loeb ajoute :

“Et, le problème, c’est que le multivers s’apparente à une religion. Il n’existe en effet aucun moyen de l’étudier de manière empirique.”

À ses yeux, “le simple fait qu’une théorie soit dominante ne veut pas dire qu’elle soit juste. Bien des fois, des idées qui paraissaient improbables ont fini par se révéler correctes, toujours sur la base d’éléments probants. C’est une bonne chose que d’autres théories existent. Autrement dit, je trouve que ce que fait Steinhardt est très bien. Il fait ce que la science doit faire, même si ça lui a valu d’être ostracisé au sein de la communauté.”

Si le Big Bounce est la principale théorie concurrente au bon vieux Big Bang, il n’en soulève pas moins des questions épineuses. Par exemple, la théorie du Big Bounce émet des conjectures qui n’ont pas été corroborées à ce jour sur la manière dont la gravité se comporte au terme du processus de contraction. “Nous ignorons totalement si le Big Bounce est juste ou non et, à cet égard, la théorie n’est guère différente du concept d’inflation”, décrypte Avi Loeb.

Ely Kovetz estime que, d’ici une dizaine d’années, il sera possible d’étudier tous les modèles d’inflation observables grâce aux progrès constants des appareils de mesure. “Si, au cours des dix années qui viennent, nous ne découvrons pas de modes B causés par l’inflation, nous n’en découvrirons sans doute jamais.”

Tant que toutes les possibilités n’ont pas été écartées, tant que subsiste l’espoir de mesurer quelque chose, la communauté scientifique continuera de se focaliser sur le modèle d’inflation, juge Ely Kovetz : “C’est l’occasion pour nous de comprendre ce qui s’est passé au commencement, de découvrir les modes B. Les travaux menés dans ce sens mobilisent des dizaines et des centaines de millions de dollars. Plusieurs centaines de scientifiques planchent dessus dans le monde entier. Le problème de [la théorie de Steinhardt], c’est qu’elle ne propose pas de prévision vérifiable, hormis le fait qu’il n’y a pas de modes B. Si on avait une prévision, les scientifiques seraient déjà beaucoup plus nombreux à se pencher sur cette théorie. Mais dans le cas présent, le Big Bounce relève du royaume de la fiction.”

Le Quintette de Stephan photographié par le télescope spatial James-Webb.
Le Quintette de Stephan photographié par le télescope spatial James-Webb. PHOTO NASA, ESA, CSA, STScI

Un ensemble de pixels sur un écran

On a l’impression que les tenants de la théorie du Big Bang continueront d’attendre la grande découverte des modes B, tandis que la poignée de partisans de la théorie du Big Bounce les regardera comme une communauté conservatrice et bigote qui refuse de reconnaître une réalité nouvelle. Or la victoire des uns sur les autres, si tant est qu’elle survienne un jour, aura peut-être une tout autre origine.

La théorie du Big Bounce n’est en effet pas la seule à énoncer la possibilité d’un Univers sans commencement, sans “bang”. Une autre étude, publiée voilà quelques mois, évoque la possibilité d’un tel Univers en vertu d’une théorie de la gravité quantique appelée Causal Set Theory” [CST, “théorie de l’ensemble causal”]. La CST a été imaginée en 1984 par un physicien de l’université de Syracuse [dans l’État de New York], le professeur Rafael Sorkin.

Les théories de la gravité quantique tentent de remédier à l’effondrement de la théorie la relativité générale d’Einstein dans des conditions extrêmes, comme les conditions observées dans un trou noir ou pendant le Big Bang. Ses équations donnent alors pour résultat une gravité infinie, ce qui est jugé impossible d’un point de vue physique.

Là où, dans la théorie de la relativité, l’espace-temps est séquentiel et continu – une toile lisse qui sert de support à toute réalité –, la CST décrit l’espace-temps comme un ensemble de petits points séparés, comme des pixels sur un écran. Selon la spécialiste de physique théorique Stav Zalel, de l’Imperial College de Londres :

“Si on dézoome, l’Univers semble lisse, comme une matière ordinaire dont on ne distingue pas de loin les différents atomes, mais, dans la CST, si l’on fait un zoom avant, on voit ces pixels.”

L’hypothèse selon laquelle l’Univers serait composé de quanta [plus petite mesure indivisible] d’espace-temps résout le problème central de la théorie de la relativité et du modèle cosmologique traditionnel. Selon la CST, il est inconcevable que la matière puisse être compressée en un point infiniment minuscule : elle ne peut pas être comprimée au-delà de la taille d’une unité d’espace-temps (de telles unités n’existent dans aucun temps ni aucun espace, mais sont ce qui rend possible l’espace-temps).

À lire aussi : Métaphysique. L’univers est-il conscient ?

Fay Dowker et Stav Zalel étudient actuellement la possibilité d’un modèle de CST appliqué à la cosmologie de la théorie du Big Bounce. De leur point de vue, reprend Stav Zalel, la théorie de Paul Steinhardt revêt un intérêt potentiellement considérable parce que, comme la CST, le Big Bounce évite le problème de la “singularité mathématique”, qui échappe à l’interprétation sous l’angle physique. “On essaie de déterminer, dans le cas où la CST et la théorie du Big Bounce seraient justes, ce que ça nous dirait de l’Univers, ce que ça nous permettrait de voir”, poursuit la chercheuse.

En attendant, la seule prévision que les scientifiques ont faite est la manifestation de signes subtils de polarisation datant de la genèse de l’Univers. “C’est un peu triste, reconnaît Ely Kovetz. Tout dépend d’une mesure qui, soit aura lieu et tranchera la question, soit n’aura pas lieu et laissera le dilemme en suspens ; il y a de bonnes chances pour qu’on ne mesure rien. Mais, tant qu’il y a une chance, nous la tenterons.”

Un serpent dont la tête et la queue se rejoignent ?

L’homme s’est sans doute toujours posé des questions sur le commencement de l’Univers et, entre deux explications contradictoires, en a choisi une. Les civilisations comme les Égyptiens et les Babyloniens, et comme eux les hindous et les bouddhistes, ont ainsi avancé l’idée d’une chaîne cyclique infinie qui verrait l’Univers se dissoudre et se reformer sans discontinuer.

La tradition judéo-chrétienne, à l’inverse, décrit un Univers créé en un clin d’œil, dans un grand “bang”. Même si, plus tard, les midrashim [exégèses de la Bible dans le judaïsme] ont ouvert la porte à d’autres possibilités, comme dans l’Ecclésiaste Rabbah, un commentaire sur le livre de l’Ecclésiaste : “Le Saint construirait des mondes et les détruirait, créerait des mondes et les détruirait.”

Un seul “Que la lumière soit”, ou un cycle répété de créations et de destructions ? Sans doute n’aura-t-on jamais le fin mot de l’histoire. Ou peut-être découvrirons-nous que tout le monde a raison et que tous méritent un prix, comme disait le Dodo dans Alice au pays des merveilles. Roger Penrose, prix Nobel de physique [en 2020], proposait une théorie originale qui conjuguait les deux possibilités et supposait une série de cycles de Big Bangs. Dans le modèle de Roger Penrose, connu sous le nom de CCC – pour cosmologie cyclique conforme –, notre Univers poursuivra son expansion jusqu’à ce que toute matière s’effondre, quand même les particules élémentaires des atomes finiront par s’écarter considérablement les unes des autres. Au dernier stade de l’expansion, toute matière se transformera en lumière et, dès lors, il ne sera plus possible d’attribuer un critère temporel ou spatial à quoi que ce soit dans l’Univers.

Cet état, ajoute Roger Penrose, sera de facto identique à l’état conjecturé au moment du “bang”, où il n’y a pas d’espace-temps, mais juste une énergie considérable. En d’autres mots, d’après la CCC, l’Univers reviendra au terme de son expansion à son point de départ et se reformera, en vertu d’un cycle infini, comme l’ouroboros, le serpent dont la tête et la queue se rejoignent.

Et si ce peut être le cas pour l’Univers dans toute son immensité, comme le suggèrent le bouddhisme et l’hindouisme, peut-être (mais peut-être seulement) – qui sait ? – l’est-ce également pour la vie.

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Asher Cohen

Si le temps existait dans la Réalité, on pourrait le mesurer objectivement. Or, le concept de temps est purement subjectif. On le mesure par rapport aux rotations de la Terre, sur elle-même et autour du Soleil, mais sur une autre planète, dans une autre galaxie, ce concept de temps serait différent. L’Univers n’a ni début, ni fin. Il y a une quinzaine d’années, dans un colloque, j’ai demandé au physicien Étienne Klein, ce qu’il y aurait eu avant le big bang, il a simplement répondu  » d’autres big bangs  », sans plus. Chercher à penser l’univers fini, chez les Juifs c’est se prendre pour Dieu.