La rhétorique joue un rôle essentiel dans le processus de diabolisation d’Israël. En plus de l’usage du mensonge, la dissémination de faux arguments est prévalente dans la liste des principales techniques de diabolisation[1]. Ainsi, il est important que ceux qui défendent publiquement Israël soient entraînés à repérer comment fonctionnent ces tactiques dilatoires. La fausse équivalence morale est l’une des techniques dominantes en usage contre Israël. Elle se fonde sur l’affirmation trompeuse qu’il n’existe absolument aucune différence entre deux actions très dissemblables.

Par nature, les comparaisons mènent aisément à des abus. Les exemples abondent et il n’y en a que quelques-uns, parmi les plus fréquents, qui pourront être mentionnés ici. Plusieurs vont bien au-delà du domaine du sens commun. Un exemple prédominant coincide avec l’assertion perverse que le comportement d’Israël serait équivalent à celui de l’Allemagne nazie ou des Nazis eux-mêmes. Ce cas de fausse équivalence morale s’est propagée à travers toute l’Europe. Cinq études couvrant neuf pays européens démontrent qu’environ 40% d’Européens pensent qu’Israël est un Etat nazi[2] [3] [4].

Zionist-Nazi-Israel-4th-Reich-Netanyahu-Der-Fuhrer

Une autre version de ce mensonge dit qu’Israël serait en train d’exterminer les Palestiniens. C’est aussi très répandu comme l’ont découvert les enquêtes européennes[5] [6].  

Il existe encore une autre variante de cette comparaison frauduleuse, disant que le “Sionisme est un fascisme”. Lorsqu’il s’est exprimé devant le Forum de la Cinquième Alliance des Civilisations, à Vienne, en février 2013, le Premier Ministre turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré : “Tout comme le Sionisme, l’antisémitisme et le fascisme, il devient inévitable que l’Islamophobie soit aussi perçue comme un crime contre l’Humanité[7]”. John Kerry, le Secrétaire d’Etat des Etats-Unis, le Secrétaire-Général de l’ONU Ban Ki Moon et le Premier Ministre israélien Binyamin Netanyahu ont immédiatement critiqué cette déclaration.

Puisque les fausses comparaisons passent facilement, une grande diversité d’entre elles sont en libre circulation contre Israël. La fausse équivalence morale du racisme et du Sionisme a fait partie des tactiques créées par l’Union Soviétique pour justifier son refus de condamner l’antisémitisme. Cette stratégie politique a été employée, à l’origine, dans une tentative visant à expulser Israël des pays-membres des Nations-Unies, dans les années 1960. Bien qu’elle ait échoué, l’Union Soviétique, ses pays-satellites et ses alliés arabes ont, finalement, réussi en 1975, à faire voter la résolution scélérate 3379 de l’ONU. Elle déterminait que “Le Sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale[8]”.

B-vfoleXIAAfoQo

Une autre illustration encore du principe de fausse équivalence morale, fréquemment utilisée pour diaboliser Israël, consiste à lui imposer le label d’Etat d’Apartheid. L’ancien Président des Etats-Unis, Jimmy Carter fait partie de ceux qui ont manipulé cette fausse comparaison, jusque dans le titre de son livre de 2006 : Palestine : Peace Not Apartheid [Palestine : La Paix, Pas l’Apartheid].

Le livre du journaliste israélien de gauche, Benjamin Pogrund : Drawing Fire [Alimenter l’incendie] a comme sous-titre : Investigating the Accusations of Apartheid in Israel [Enquête sur les Accusations d’Apartheid à l’encontre d’Israël]. L’auteur témoigne, dans une note personnelle du livre :

J’ai été soigné pour un cancer de l’estomac dans l’un des principaux hôpitaux d’Israël, le Centre Hadassah du Mont Scopus à Jérusalem. Le chirurgien (c’était le chirurgien en chef) était Juif, l’anesthésiste était Arabe. Les médecins et les infirmières qui ont pris soin de moi étaient, aussi bien Juifs qu’Arabes. Durant quatre semaines et demie, en tant que patient, j’ai observe des patients autant juifs qu’arabes bénéficier des mêmes soins dévoués. Environ un an plus tard, le chirurgien-chef a pris sa retraite ; il a aussitôt été remplacé par un autre médecin qui se trouvait être un arabe. Depuis lors, il m’est arrivé de retourner dans des départements cliniques de l’hôpital et des services d’urgence. Tout fonctionne de la même façon pour tout le monde. Israël serait identique à l’Apartheid sud-africain? C’est ridicule[9].

Une autre forme populaire de fausse équivalence morale employée correspond à l’idée qu’Israël représenterait une puissance coloniale au Moyen-Orient. L’historien Richard Landes a révélé toute l’hypocrisie de cette équivalence morale. Il a écrit sur la nature marginale des implantations sionistes dans l’empire ottoman et la Palestine du mandat britannique, en contraste frappant avec les aspirations impériales des puissances européennes de l’époque. “Plutôt que d’arriver comme des vainqueurs militaires et c’est tout, dans un calcul à somme nulle, les Sionistes sont arrivés en tant que voisins apportant des bénéfices positifs aux locaux[10]”.

Une autre utilisation de la fausse équivalence morale consiste à comparer la Naqba à la la Shoah. Nombreux sont ceux qui ont adopté cette analogie indécente. La Shoah et la Naqba sont, pourtant, très loin d’avoir le moindre point en commun. La Shoah a été un génocide planifié à l’échelle d’une extermination industrielle. La Naqba palestinienne est la conséquence directe du refus des pays arabes et des Palestiniens de l’existence d’Israël, qui a mené à leur défaite militaire cuisante.

Une autre catégorie d’équivalence morale implique que le meurtre intentionnel de civils innocents serait la même chose que la mort accidentelle de civils [dommages collatéraux] dans le cadre d’actions militaires. En mars 2012, la responsable de la politique étrangère de l’Union Européenne, Catherine Ashton, s’est permis de comparer le meurtre délibéré de personnes aussi innocentes que les enfants juifs assassinés à Toulouse, en France, ou par des tueurs en série comme Bachar al Assad en Syrie, aux victimes civiles collatérales des actions de représailles à Gaza. La Ministre de la Justice, Tzipi Livni a réagi en disant : “Il ne peut y avoir aucune similitude entre un acte de haine à l’état pur ou un dirigeant massacrant les membres de sa propre nation et un pays qui combat le terrorisme, même si des civils, malheureusement, sont touchés[11]”.

paradise_now

Beaucoup d’entre ces soi-disant ONG humanitaires usent et abusent de l’outil de la fausse équivalence morale. Même lorsqu’ils ont rédigé des déclarations brèves concernant les violations des droits de l’homme imposées au soldat israélien Gilad Shalit, alors qu’il était otage du Hamas, durant environ 5 ans, les rapports d’Amnesty International et de Human Rights Watch choisissent d’attirer l’attention sur cette fausse équivalence morale, qui consiste à comparer le sort de Shalit, kidnappé, et celui de terroristes palestiniens condamnés par des tribunaux à des peines de prison en Israël[12].

Ces fausses équivalences morales entre l’emprisonnement des terroristes en Israël et les prises d’otages palestiniennes sont bien loin de la vérité, nous dit l’avocat américain, Alan Dershowitz :

 “Chaque prisonnier détenu par Israël dispose de recours judiciaires à sa disposition et certains ont obtenu leur libération. Chacun d’entre eux a accès à des visites de la Croix-Rouge et peut communiquer avec sa famille, et on sait ce qu’il devient. Les soldats israéliens kidnappés, de l’autre côté, sont gardés sans aucune communication extérieure par des éléments criminels, sont torturés de façon routinière, souvent assassinés (comme c’est arrivé récemment) et n’ont aucun accès à la Croix-Rouge ni au moindre recours juridique. En outre, les prisonniers détenus par Israël sont des terroristes – ce qui veut dire des combattants hors-la-loi. Beaucoup sont des meurtriers, condamnés et jugés conformément au verdict d’un procès en bonne et due forme. Les “femmes et les “enfants” [sur le sort desquels ont voudrait attirer l’attention] sont coupables d’avoir assassiné ou tenté de tuer des bébés innocents et d’autres types de non-combattants. Les soldats qui ont été pris en otage sont des combattants réguliers d’un Etat de droit, dépendant des règles normalement liées au statut de prisonnier de guerre”.

Dershowitz rappelle que le Hamas et le Hezbollah ne traitent pas les soldats israéliens de la même manière qu’Israël traite ses prisonniers, parce qu’il s’agit “d’organisations terroristes qui n’opèrent pas selon les règles de lois[13]”.

On pourrait mentionner bien d’autres types de fausse équivalence morale. Les défenseurs publics d’Israël et les diplomates n’ont, pour la plupart d’entre eux, pas été formés à reconnaître et à combattre systématiquement les abus de l’équivalence morale. Les dégâts causés par ces tactiques de diabolisation devraient trouver des réponses formulées par ceux qui sont sous le regard du public. La même chose est vraie, pour d’autres arguments scabreux fréquemment utilisés, tels que les appels au registre émotionnel, aux normes à deux vitesses et à la quête de bouc-émissaire. L’incapacité à combattre la fausse equivalence morale est une des nombreuses lacunes israéliennes, dans la guerre des mots, à laquelle les autorités gouvernementales devraient consacrer une attention bien plus soutenue[14].    

Manfred Gerstenfeld et Jamie Berk

Le Dr. Manfred Gerstenfeld est membre du Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem, qu’il a présidé pendant 12 ans. Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.Jamie Berk est chercheur travaillant à l’obtention d’un Master en Sciences Politiques à l’Université Hébraïque de Jérusalem. 

Adaptation : Marc Brzustowski.

[1] “Some Informal Argument Fallacies,” University of North Carolina. http://www.unc.edu/~tparent/fallacies.htm

[2] Wilhelm Heitmeyer (red),  Deutsche Zustände. Folge 3, (Frankfurt am Main: Suhrkamp, 2005.) 151. [German]

[3] “In Norway, 38% believe Israel treats Palestinians like how Nazis treated Jews, survey shows,” Haaretz, 14 June 2012.

[4] “Zusammenfassung zentraler Ergebnisse,” Frederich Ebert Stiftung and Bielefeld University, November 20, 2014, 5. (German) 

[5] “Kritik an Israel nicht deckungsgleich mit antisemitischen Haltungen,” GFS Bern, March 2007. [German]

[6] “Intolerance, Prejudice, and Discrimination: A European Report,” FES Projekt Gegen Rechts and Frederich Ebert Stiftung Forum Berlin, 2011. 

[7] “Erdogan: Zionism is a crime against humanity,”YNet, 28 February 2013.

[8] 3379 (XXX). World conference to combat racism and racial discrimination,” United Nations, 10 November 1975.

[9] Benjamin Pogrund, Drawing Fire (London: Rowman & Littlefield, 2014), 152. 

[10] Richard Landes, “1948-2008 Part I: The Sad Story of the Nakba,” The Augean Stables, 8 May 2008.

[11] JPost.com Staff, “Israel to Ashton: Retract Toulouse-Gaza comparison,” The Jerusalem Post, 20 March 2013.

[12] « Israel-Hamas prisoner swap casts harsh light on detention practices of all sides, » Amnesty International, 18 October 2011. See also: « Gaza: Allow Access to Gilad Shalit, » Human Rights Watch, 25 June 2010.

[13] Alan Dershowitz, “The Anti-Israel Double Standard Watch,” The Huffington Post, 14 July 2006.

[14] Manfred Gerstenfeld, “How to efficiently fight anti-Israel propaganda?,” The Jerusalem Post, 25 November 2014.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

1 Commentaire
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires