Plusieurs études sur les causes du djihadisme convergent pour dire que le contexte économique compte moins que les motivations personnelles, loin du cliché du « jeune de banlieue, sans éducation et laissé pour compte ». Pour stopper le fléau de l’islamisme radical, le volet éducatif est primordial. Il faut à tout prix empêcher les loups djihadistes de devenir des « loups solidaires ».Pour l’office de police intergouvernemental Europol, durant les cinq dernières années, la majorité des actes terroristes est imputable aux mouvements séparatistes. Mais bien que plus fréquents, il faut souligner qu’ils tuent assez rarement. Pour les actes islamistes, la même agence relève en 2010 qu’un nombre élevé de personnes ont été arrêtées avant le passage à l’acte, alors qu’elles préparaient des attaques, ou pour des actions de propagande et de recrutement. En ce qui concerne les USA, une analyse de Daniel Pipes considère que l’Amérique ne serait pas mieux lotie, voire dans une situation pire qu’en Europe. Dans le contexte mondial, la France n’apparaît pas comme un cas particulier. Elle semble s’inscrire dans la tendance générale.

Le contexte économique ne serait pas la principale raison qui conduit vers l’islamisme radical. Créd

Un bémol cependant à cette hiérarchie des actes violents. Si jusqu’à 2010, le nombre de personnes arrêtées en lien avec la mouvance islamiste était plus important que le nombre d’attaques, ces statistiques pourraient fort bien être revues à la hausse. Car depuis, les « prétextes » pour de nouvelles actions n’ont pas manqué entre « film islamophobe » et autres « caricatures ». Le tout alimenté par un regain de tensions dans le conflit que se livrent au niveau mondial les extrémistes chiites et sunnites, sur fond d’instabilité accrue dans les pays « des printemps arabes » et de programme nucléaire iranien.

La radicalisation, un problème économique ou d’identité ?

Plusieurs études sur les causes du djihadisme convergent pour dire que le contexte économique compte moins que les motivations personnelles : « les facteurs qui provoquent le déclin ou l’essor de l’islam radical semblent liés à des questions d’identité, et non à des difficultés économiques ». Le cas de Égypte est particulièrement éclairant à ce sujet. Contrairement à ce qui avait été initialement annoncé par le gouvernement islamiste proche des Frères musulmans ayant succédé à Hosni Moubarak, ce ne sont pas des Bédouins qui sont responsables des récents attentats du Sinaï. Ce sont « des jeunes issus de l’élite socio-économique égyptienne ». On est loin du cliché du « jeune de banlieue, sans éducation et laissé pour compte » !

Ce constat pourrait fort bien s’appliquer également à l’Europe. Cela donne une toute autre perspective aux propos du ministre de l’Intérieur : L’« islamisme radical se nourrit de fantasmes, de haine, à l’égard de notre pays et des juifs ». La lutte antiterroriste deviendrait encore plus ardue, car au-delà des réseaux traditionnels, il faudrait se confronter à d’autres profils, encore plus difficiles à repérer et à traquer.

Comment lutter contre ce fléau ?

Pour lutter contre le fléau de l’islamisme radical, il faut tout d’abord la volonté politique, et résister à la dictature des « évidences ». Le « profil type » du candidat au jihad ne se restreint pas à une classe d’âge, une population ou un milieu social particulier. La mouvance terroriste, quelque soit l’idéologie, se nourrit partout où elle trouve des personnes en situation de fragilité, sans exclusivité aucune. Ensuite, étant donné la variabilité des profils, il est indispensable de se donner les moyens d’agir, et cela à plusieurs niveaux tant en termes de traitement que de prévention.

Internet et les réseaux sociaux : De nombreux rapports, dont un du Sénat américain publié en mai 2008, ont pointé du doigt la place centrale qu’occupe internet dans la « guerre médiatique pour les cœurs et les esprits », comme le dit Ayman al-Zawahiri, le successeur de Ben Laden à la tête d’Al-Qaïda. Au-delà de la « cyberguerre » qui n’en est qu’à ses débuts, le Web est devenu une véritable arme au service du jihad. C’est un moyen très efficace de propagande qui permet tout à la fois de véhiculer des informations, de susciter de « nouvelles vocations » et de préparer des opérations. Par ce réseau planétaire virtuel, même si des Mohamed Merah, des Jérémy Louis-Sidney ou « des diplômés de littérature égyptienne » ne se sont jamais rencontrés, ils participent grâce à lui de la même mouvance, et appartiennent donc à un même plan d’ensemble. A cet effet, un projet de loi a été présenté le 3 octobre en conseil des ministres qui viserait les hébergeurs et les sites, mais pas les utilisateurs, contrairement au dispositif existant en matière de pédophilie. Cela sera-t-il suffisant ?

Le volet juridique et carcéral : Le projet de loi qui vient d’être évoqué précédemment devrait combler une lacune majeure mise en évidence dans l’affaire Merah. Jusqu’à présent, les enquêteurs étaient limités dans leurs investigations par l’absence de « délit de l’entraînement au djihad ». Les futures dispositions devraient permettre d’agir sur les français qui partent s’entrainer à l’étranger.

Un autre point essentiel à traiter est celui des conversions de sujets fragilisés à l’islam radical durant leur séjour en prison, sous l’influence d’éléments radicaux déjà écroués. Il s’agit d’un sujet délicat pour lequel il n’existe pas de recette miracle. Au delà de la vigilance la plus extrême, et de la mise à disposition dans les lieux de détention d’aumôniers musulmans préparés à gérer ce type de situation, cela passe sans doute par une amélioration des conditions carcérales. En pleine crise économique, alors que les arbitrages entre ministères sont tendus, il ne sera sans doute pas aisé de faire passer cette idée auprès du grand public. Et pourtant, c’est durant leur incarcération qu’une bonne partie des futurs jihadistes vont commencer leur funeste parcours.

Un partenariat étroit avec la communauté musulmane et le milieu associatif : En premier lieu, il conviendra d’accompagner les autorités musulmanes afin qu’elles puissent disposer de centres pour former en nombre suffisant des imams français. Cela devrait réduire le risque de faire appel à des personnes qui se servent de leur position pour faire des prêches antisémites et diffuser de la propagande jihadiste, comme cela s’est produit dans le passé récent.

Ensuite, il faut lutter contre les amalgames qui tendent à assimiler les excès de quelques uns à une population entière. Ce n’est pas rendre service aux modérés qui représentent la majorité et qui sont souvent les premières victimes des extrémistes. Sans faire du communautarisme, le milieu associatif peut-être d’une aide précieuse pour créer du lien entre les populations. A Marseille, deux initiatives précieuses sont devenues emblématiques à ce propos. Tout d’abord, Marseille-Espérance qui est une organisation dépendante de la mairie regroupant des dignitaires des principaux cultes, ainsi que des représentants laïques. Ensuite, le collectif « Tous Enfants d’Abraham » constitué d’associations Chrétiennes d’Occident et d’Orient, juives et musulmanes, qui à été créé à l’initiative du Centre Culturel Edmond Fleg. Par des prises de position officielles ou dans le cadre d’activités culturelles, ces structures ont démontré, même dans les périodes de vives tensions qu’il était possible de travailler ensemble, tout en ayant bien conscience de ce qui peut diviser. Ces actions sont possibles grâce à l’espace privilégié que représente la laïcité et devraient être généralisées à l’ensemble du territoire national. Mais pour cela, il ne faudrait pas que les nécessaires restrictions budgétaires opérées par le gouvernement se fassent au dépend du milieu associatif.

Enfin, le volet éducatif est primordial : Pour lutter contre la désinformation qui transforme la propagande en vérité, et les écoles en zones de non droit, il faut reconquérir « les territoires perdus de la République ». Si la République est « une et indivisible », il est inconcevable que les programmes scolaires soient redécoupés en fonction des sensibilités et de la composition des classes. L’Ecole doit redevenir le lieu par excellence de l’apprentissage du vivre ensemble, où le collectif s’enrichit des différences de chacun. Cela passe par une revalorisation de l’enseignement si galvaudé de la morale, de l’instruction civique, ou de l’histoire. Car c’est dès le plus jeune âge que l’on apprend à respecter « l’Autre ». Pour cela les enseignants doivent être soutenus dans leurs missions à la fois par leur hiérarchie, et par les parents. Espérons que la création de nouveaux postes annoncés par le gouvernement contribuera à atteindre cet objectif.

Aussi, malgré les difficultés et la gravité de la situation il ne faut pas laisser aux loups djihadistes, la possibilité de devenir solidaires. La solidarité est une valeur citoyenne porteuse d’avenir qui nous concerne tous. Il en va de notre futur et de celui de nos enfants.

Hagay Sobol – Atlantico Article original

Hagay Soboll est professeur des Universités et médecin des Hôpitaux.

Il est président du Centre Culturel Edmond Fleg et membre du Collectif « Tous Enfants d’Abraham ».

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
tibor

que de vœux pieux,
il faut commencer à recenser les associations musulmans qui n’ont pas condamné les agressions antijuif
recenser les imams prêcheurs qui diffusent la haine et la violence /environ 1500/
pour ça il faut avoir des c.