Les communautés juives doivent faire preuve de prudence dans leurs réactions face à l’énorme afflux de réfugiés, principalement musulmans, en Europe. Cela a été particulièrement le cas, lors des semaines charges d’émotion, à la suite de la publication de l’image épouvantable d’un enfant syrien mort sur la plage de Lesbos en Grèce. Aucun Juif ne peut dire publiquement : la souffrance intense de beaucoup de ces gens est bien réelle – mais c’est aussi ainsi qu’est l’environnement de haine antisémite extreme dans lequel ces personnes ont grandi. Cependant, comme les problèmes pratiques liés à l’afflux de réfugiés continuent d’augmenter et qu’ils reçoivent une publicité croissante, les Juifs ont fait des déclarations plus réalistes, tout en restant prudents.
L’acceptation européenne sans distinction de nombreux millions de Musulmans par le passé ont provoqué d’énormes dégâts aux communautés juives européennes. Un afflux important de réfugiés musulmans signifie que cet antisémitisme va continuer d’augmenter.
Et ce n’est pas parce que tous ces immigrés sont foncièrement antisémites. Cependant, un plus grand pourcentage de ces immigrés le sont indubitablement. Tout comme le sont ceux qui sont susceptibles de commettre des actes antisémites, si on les compare aux acteurs de crimes de haine dans la population locale déjà existante. Certains immigrés musulmans ou leurs descendants sont aussi bien plus radicaux que la population d’origine. Au cours du siècle présent, tous les meurtres de Juifs en Europe au seul motif qu’ils étaient Juifs, que ce soit à Paris, à Toulouse, à Bruxelles ou à Copenhague, ont été commis par des Musulmans. Tout dirigeant juif en Europe sait cela. Pourtant, au début de la crise, on a assisté à plusieurs déclarations humanitaro-masochistes émises par certains qui auraient dû le savoir mieux que d’autres. Certains représentants juifs ont accueilli les nouveaux arrivants sans faire aucune mention des énormes problèmes potentiels qui peuvent en résulter.
L’organisme coordinateur des organisations juives de Flandres a diffusé un communiqué de presse rappelant aux autorités les souffrances des réfugiés juifs dans les années 1930 et leur demandant d’établir une politique d’admission généreuse aux nouveaux arrivants. Il a même fait l’apologie de l’actuelle politique allemande envers les réfugiés, un point de vue qui a provoqué, ensuite, l’expression de profondes inquiétudes, de la part de la communauté juive d’Allemagne. Cette coordination juive qui ne “voit de mal nulle part” n’a fait aucune mention des nombreux problèmes que les Musulmans antisémites ont cause aux Juifs en Belgique[1].
Jonathan Sacks, ancien Grand Rabbin de Grande-Bretagne, d’habitude observateur attentive de la situation, s’est aussi laissé emporter. Le 6 septembre 2015, il a publié un article dans le journal anti-israélien britannique The Guardian, intitule : “Crise des réfugiés : “Aime l’étranger parce que toi aussi, tu as été étranger”, nous appelle à présent”.
Une partie de son article était consacré à des comparaisons entre les nouveaux immigrés et le “Kindertransport,” ces enfants juifs réfugiés emmenés en Angleterre depuis l’Allemagne, dans les années 1930. Il a aussi mentionné leur contribution significative à la société britannique qui s’en est suivie. C’était d’autant plus surprenant, étant donnée la familiarité de Sacks avec les nombreux problèmes générés, pour la communauté juive de Grande-Bretagne, par les immigrés musulmans et plusieurs organisations musulmanes. Quelques semaines plus tard, ces problèmes étaient revisités dans des articles concernant le harcèlement fréquent des Juifs dans le quartier de Stamford Hill à Londres, par “de jeunes gens asiatiques”. Cette expression correspond à la terminologie politiquement correcte employée pour parler des musulmans suspects d’activité criminelle[2].
On devrait aussi rappeler à Sacks que beaucoup des gens qu’il accueille avec bienveillance prennent le Coran à la lettre. Ils le considèrent, lui et ses fidèles juifs comme des “porcs et des singes”, en d’autres termes, des sous-hommes[3]. Les enfants du Kindertransport fuyaient les Allemands qui, eux aussi, considéraient les Juifs comme des sous-hommes. Ces enfants juifs n’ont fait la promotion de la haine de personne, ni de discrimination des minorités.
Esther Voet –laz rédactrice de l’hebdomadaire juif hollandais NIW- a été l’une des premières à présenter une opinion réaliste, sur le magazine internet Jalta. Elle a écrit que les gens ne devraient pas se laisser emporter par leurs émotions. Voet rappelait qu’il est dangereux de déclarer ses opinions parce qu’elle risque d’être automatiquement versée dans le camp de l’extrême-droite.
Elle a aussi rappelé à ses lecteurs à quel point on s’est moqué du Vice-Premier Ministre hollandais Lodewijk Asscher à cause de sa suggestion, en 2013, que chaque réfugié demandeur d’asile aux Pays-Bas devrait signer une déclaration acceptant les droits des femmes et des homosexuels et certifier qu’il ne tolérerait aucune intolérance contre les gens d’autres religions et contre les athées. Elle ajoutait que les nouveaux réfugiés proviennent de cultures où la plupart des gens ne peuvent accepter l’égalité des droits pour les homosexuels, pour les Juifs, les athées et les femmes[4].
L’un des premiers dirigeants juifs en Europe qui a osé exprimer son point de vue en langage clair a été Oskar Deutsch, le Président de la communauté juive de vienne. Il y avait déjà eu un débat parmi les membres à la suite de la donation financière de la communauté à l’organisation antisioniste Caritas[5]. Deutsch a écrit dans le quotidien autrichien Kurier, le 21 septembre, que la communauté juive avait aide de nombreux réfugiés au fil des années.
Il a aussi souligné que, dans le passé, l’arrivée de 20 millions de Musulmans en Europe a fréquemment conduit à des attaques antisémites physiques et à la migration des Juifs. Deutsch a ajouté que les réfugiés arrivant maintenant de Syrie et d’Afghanistan proviennent de sociétés où l’antisémitisme est l’aliment de base des manuels scolaires, des médias et des réseaux sociaux. Le terrorisme contre les Israéliens, les attaques musulmanes contre les écoles juives, les synagogues et les musées juifs sont fréquemment glorifies dans ces pays[6].
Au début d’octobre 2015, Josef Schuster, le chef de l’organisme coordinateur juif allemande, le Zentralrat der Juden in Deutschland, a exprimé ses inquiétudes, lors d’une rencontre avec la Chancelière Angela Merkel. Il a dit que, parmi les gens qui cherchent refuge en Allemagne, beaucoup viennent de pays où Israël est considéré comme l’ennemi fondamental. Schuster remarquait que ces gens ont grandi avec une image très hostile d’Israël et que trop fréquemment ils transfèrent leur ressentiment envers tous les Juifs. Les Juifs d’Allemagne, parc conséquent, ont raison de redouter que l’antisémitisme musulman s’accroisse en Allemagne[7].
Par la suite, Lévi Salomon, un expert juif allemand de l’antisémitisme, a déclaré au Daily Express que l’idéologie nazie de la haine des Juifs et que la haine d’Israël a été au coeur de la doctrine des partis Baath dirigeants aussi bien en Syrie qu’en Irak depuis des décennies. Il a ajouté que, par conséquent, on doit supposer que la majorité des réfugiés syriens sont antisémites. Lala Susskind, l’ancienne dirigeante de la communauté juive de Berlin a été citée, disant : “Nous ne croyons pas que nos craintes sont prises au sérieux par les homes politiques[8]”. Le journal a aussi mentionné qu’en Allemagne “les crimes antisémites sont élevés à leur niveau le plus haut depuis 5 ans en 2014,avec 1.596 crimes de haine recensés contre des Juifs, plus que dans n’importe quel Etat de l’U.E”.
Le CJO, l’organisme coordinateur des organisations juives hollandaises ont été poussées à réagir, quand la municipalité d’ Amstelveen, une banlieue d’Amsterdam où vivent de nombreux Juifs, a décidé de rendre disponible pour les immigrés syriens et irakiens un bâtiment de bureau vides. La presse du CJO a diffusé l’expression des profondes inquiétudes des organisations juives hollandaises pour la sécurité de la communauté juive. Le texte disait clairement que le centre d’asile propose est situé au seul endroit aux Pays-Bas où existe une infrastructure visible et reconnaissable de la communauté juive, avec de multiples synagogues, des écoles juives, des restaurants cacher et des boutiques cacher.
Le CJO mentionne que l’essentiel des menaces terroristes contre les institutions juives proviennent d’individus et d’organisations situés dans les pays d’origine des actuels demandeurs d’asile, où les chaînes officielles donnent une vision négative des Juifs[9].
La polarisation en Europe s’accentue en conséquence de l’afflux de réfugiés. Les partis populistes, nationalistes et d’extrême-droite ne se sont pas seulement élevés dans les sondages – certains résultats électoraux ont déjà montré que ces partis avaient réellement réalisé les scores prévus. Récemment, dans l’Etat de Haute-Autriche, le Parti autrichien des Libertés (FPÖ) a remporté plus de 30%, contre 15% lors des élections de 2009. A Vienne, le parti a obtenu près de 31% des votes, contre 26% en 2010[10]. Bien que cette polarisation ne soit pas spécifiquement liée aux Juifs, l’environnement xénophobe en hausse indique la possibilité de troubles supplémentaires à l’avenir pour les communautés juives.
Plusieurs années de négligence de la part de l’Union Européenne dans ses politiques autour du problème des réfugiés ont provoqué l’afflux récent. Il y a quelques années, l’U.E aurait pu anticiper l’essentiel de ce problème en offrant à la Turquie une partie des milliards d’euros qui sont actuellement offerts à ce pays. Globalement, l’avenir de beaucoup de communauté juives européennes de plus en plus marginalisées est bien plus sombre aujourd’hui qu’il ne l’était il y a quelques mois encore.
Par Manfred Gerstenfeld
Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.
Adaptation : Marc Brzustowski.
[1] “Joodse Organisaties pleiten voor ruimhartig vluchtelingenbeleid”, Joods Actueel, 4 September 2015. [Dutch]
[2] “London: Anti-Semitism Wave Ends in Window Smashing”, Israel National News, 14 October 2015.
[3] Jonathan Sacks, “Refugee crisis: ‘Love the stranger because you were once strangers’ calls us know”, in The Guardian, 6 September 2015.
[4] “Joodse journaliste niet te vinden voor massa-opname van Syrische vluchtelingen in Europa”, Joods Actueel, 8 September 2015. [Dutch] As taken from Jalta
[5] Oskar Deutsch, “Jedem Flüchtling ist zu helfen – und danach?”, Kurier, 21 September 2015. [German]
[6] Benjamin Weinthal, “Austrian Jews in bind over donation to anti-Israel NGO”, Jerusalem Post, 17 September 2015.
[7] Claus Christian Malzahn, “Zentralrat der Juden warnt vor arabischem Antisemitismus,” Die Welt, 3 Octrober 2015. [German]
[8] Allan Hall, “Germany’s Jews living in fear of thousands of Muslim refugees raised to be anti semitic”, Express, 15 October 2015.
[9] Kemal Rijken, “CJO: grote zorgen om veiligheid AZC in Joodse buurt”, Jonet, 12 October 2015. [Dutch]
[10] “Endergebnis Mandat fur Grune Vizeburgermeister fur FPO?” in Die Presse [German], 13 October 2015
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