La douleur était au cœur du 10ème colloque scientifique Franco-Israélien « Cerveau et Douleur » co-organisé par l’Association Franco-Israélienne pour la recherche en Neurosciences (AFIRNe) et l’Université Hébraïque de Jérusalem (UHJ) ce 20 novembre.

L’AFIRNe mériterait à elle seule un article au regard de son histoire.

Fin 2002, en pleine antifada, plusieurs universités françaises veulent boycotter leurs homologues israéliennes.

Le Professeur et homme d’affaires Jean-Claude PICARD décide alors, en réaction, de créer en 2003 l’AFIRNe, afin de favoriser les échanges scientifiques entre la France et Israël.

L’AFIRNe a précisément deux objectifs.

Le premier est de permettre par le biais des colloques annuels d’informer le plus grand nombre sur les Neurosciences. « Le cerveau reste une inconnue. Le vieillissement est aujourd’hui une donnée qui intéresse tout un chacun. Comprendre notre fonctionnement, nos comportements est une problématique universelle. C’est pour cette raison que nous avons choisi des colloques de vulgarisation » explique Jean-Claude Picard, président de l’AFIRNe.

Le deuxième est de donner plus de visibilité aux chercheurs israéliens et à leurs travaux, de favoriser les échanges et les voyages entre chercheurs israéliens et chercheurs français. « Le public français voit des équipes de chercheurs israéliens et cela donne une image un peu différente de ce qu’on lit dans les journaux et ce qu’on entend dans la presse, où Israël a une image politique essentiellement, et pas positive.« (http://www.afirne.org/afirne/)

L’AFIRNe est affiliée à l’Association des Amis français de l’Université Hébraïque de Jérusalem.

La réputation scientifique de l’UHJ n’est plus à faire. Cette institution académique de très haut niveau a été créée en Israël en 1918. Ses 4 pères fondateurs sont Albert Einstein, Sigmund Freud, Martin Buber et Chaim Weizmann.

Elle compte parmi ses professeurs et élèves pas moins de 8 Prix Nobel. Classée 67ème meilleure université au monde au classement 2015 de Shanghai, elle a plusieurs Facultés (Sciences Humaines, Sciences, Médecine, Droit, Agriculture, Nutrition et environnement…) et beaucoup de centres de recherches et d’Instituts.

En particulier, parmi ces derniers, a été créé en 2013 le Centre Edmond et Lily Safra pour la Recherche sur le Cerveau (ELSC).

C’est donc tout naturellement que l’AFIRNe et l’UHJ travaillent ensemble depuis plusieurs années sur les neurosciences, et ont organisé plusieurs colloques sur le cerveau.

Celui de cette année, donc, portait précisément sur le cerveau et la douleur.

Ce colloque était notamment soutenu par l’Institut IMAGINE, un institut Français de recherche et de soins innovants d’un genre nouveau, regroupant chercheurs, médecins et patients, dans un objectif commun : guérir les maladies génétiques.

Comme le rappelle Jean-Claude Picard, si on ne meurt pas de douleur, on meurt souvent dans la douleur.

Il y a deux types de douleurs.

La douleur aiguë et forte, qui est bonne, puisqu’elle représente un signe d’alerte, et que la médecine sait traiter par des anesthésiques locaux et généraux.

Et la douleur chronique, qui est mauvaise, pathologique, et qui perdure après la guérison.

Selon le Professeur Michael Tal, de l’UHJ, de la Faculté de Médecine et Président de l’Association israélienne de la douleur, cette douleur est assez répandue. Près de 20 % de la population européenne en serait victime (15 % en France).

Cette douleur chronique s’étend en moyenne sur 7 ans.

Autant dire que son impact sur l’emploi – cela représenterait environ 5 journées non travaillées par mois – est considérable, et elle génère une charge économique énorme pour la société, de plusieurs millions d’euros.

Exemple de cette souffrance chronique : la migraine, qui touche 18 % des femmes.

La douleur chronique entraîne sa victime dans un cercle vicieux : puisque guérie, la personne a l’air normal, bien qu’elle souffre. Ses proches et son entourage ne reconnaissent pas cette souffrance, ne la croient pas. Ce qui augmente les troubles. Et impacte sur la qualité de vie, et à terme sur l’espérance de vie.

Quel est le mécanisme de la douleur ?

Les nerfs transmettent la douleur et agissent comme de l’électricité.

Des neurones particuliers entrent en jeu : les « nocicepteurs », qui sont des récepteurs sensoriels de la douleur. Ils réagissent à un seuil élevé.

Selon le Professeur Didier Bouhassira de l’Hôpital Ambroise Paré et Président de la Société Française d’étude et de traitement de la douleur, la douleur est le premier motif de consultation.

La douleur chronique concerne un tiers des Français.

Même si elle est bien prise en charge, les résultats ne sont pas satisfaisants (environ 50 % des cas).

La douleur aiguë est un signal d’alarme, tandis que la douleur chronique dure au moins trois mois et n’a plus de rapport avec la lésion ou la maladie : la douleur devient alors elle même une maladie.

Les douleurs neuropathiques

Il y a deux types de douleurs chroniques.

Les Douleurs Nociceptives Inflammatoires, liées à une lésion somatique (muscles, articulations, peau, viscères). Exemples : arthrose, maladies inflammatoires, brûlures, etc.

Les Douleurs Neuropathiques, liées, elles, à une lésion primaire ou à une dysfonction du système nerveux périphérique ou central. C’est le cas du diabète, du zona, de l’accident vasculaire cérébral ou de la sclérose en plaques.

Les douleurs neuropathiques sont les plus extrêmes et les plus préoccupantes. Un cas particulier de ce type de douleurs est celui des amputations, donc causées par « un membre fantôme ».

Les douleurs peuvent être aussi mixtes, à la fois nociceptives et neuropathiques

le Professeur Didier Bouhassira
le Professeur Didier Bouhassira

1/5 des douleurs chroniques sont neuropathiques, et concernent 7 % des Français.

Elles sont un peu plus fréquentes chez les femmes et en milieu rural.

Et on constate une très forte augmentation avec l’âge des douleurs chroniques, en particulier neuropathiques.

Ces douleurs chroniques, en particulier neuropathiques, ont, on l’a dit, un grand retentissement sur la vie de celui qui en souffre. Elles entraînent une altération notable de sa qualité de vie à tous les niveaux. Et souvent il se retrouve dans un cercle vicieux, les modifications d’humeur ou troubles du sommeil aggravant la douleur.

Mais comment reconnaît-on une douleur ?

« La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans des termes impliquant une telle lésion », selon l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP).

le Professeur Michael Tal/ Crédit photo Solange Hendi
le Professeur Michael Tal/ Crédit photo S.Hendi

C’est subjectif, on n’a pas d’autres moyens pour la reconnaître que d’écouter les patients, selon le Professeur Didier Bouhassira.

« The precision of pain and the blurriness of joy ». C’est en ces termes que le poète israélien Yehuda Amichai rappelle que contrairement à la joie, l’homme sait décrire avec précision à son médecin la douleur physique.

A noter que les douleurs neuropathiques s’expriment à la fois selon un langage particulier, mais universel : les mêmes mots sont utilsés par tous les patients dans le monde.

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Comment mesurer l’intensité de la douleur ?

Il existe un moyen basique : demander au patient de mettre une croix sur une échelle pour indiquer le niveau de la douleur ressentie. Ou bien, dans le cas des douleurs neuropathiques, on utilise un questionnaire type, qui permet de déterminer la cause, et qui est très utile pour la recherche clinique.

questionnaire

Des traitements insuffisants

Ces douleurs neuropathiques ne sont pas traitées de la même façon, car on sait que certains médicaments tels le paracétamol ont fait preuve de leur inefficacité. On utilise plutôt des antidépresseurs (ceux-ci ne sont pas utilisés uniquement contre la dépression, leurs molécules agisant auusi sur les récepteurs de la douleur), des anti-épileptiques, de la lidocaine, la capsaicine ou des opiacés.

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Malgré tout, on n’obtient des résultats satisfaisants que chez 30/40 % des patients.

Pourquoi ? Les patients sont tous traités de la même façon en dépit de l’hétérogénéité des symptômes.

Du reste, pour toutes les douleurs chroniques, le bilan de leur traitement reste mitigé. Il faut poursuivre le développement de la recherche clinique et préclinique dans ce domaine et privilégier la prise en charge personnalisée.

A cet égard, le Professeur Bouhassira regrette l’interdiction en France du cannabis à prescription médicale, car il semble prometteur vu les résultats en Israel ou au Canada.

S’agissant des recherches, deux perspectives sont exploitées pour améliorer cette prise en charge de la douleur.

La recherche du « gène de la douleur » et celle de nouveaux médicaments sans effets secondaires.

Le Professeur Marshall Devor, de l’UHJ, de l’ELSC et Directeur du Centre de recherche sur la douleur travaille depuis plusieurs années sur la recherche des gènes à l’origine de la douleur. Après de nombreuses études et expérimentations sur les rats, il est arrivé à la conclusion que, même si la douleur peut dépendre d’influences extérieures, plusieurs gènes sont à l’origine de la douleur.

Toutefois, il reste rudent quant à la possibilité de tirer de ces résultats celle d’élaborer de nouveaux médicaments à court terme. Il n’est même pas sûr que ces médicaments n’existent pas déjà, mais utilisés à mauvais escient pour d’autres indicatiions.

De son côté,le Docteur Alex Binshtok, de l’UHJ et de l’ELSC, table sur des médicaments ciblés. Qui auraient pour vertu d’atteindre le nerf à l’origine de la douleur, ce qui aurait pour mérite de ne pas gêner le patient dans sa motricité, ou sa capacité d’éveil, soit sans effets secondaires.

Des pistes, donc, et des espoirs, pour tenter de dompter ce qui est devenu une maladie.

Solange Hendi

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Royer maryvonne

Bonjour je m appelle maryvonne royer je souffre depuis 5 ans de douleurs neuropathiques suite à une hysterectomie je suis au bord du suicide c est atroce je vous en prie aidez moi le centre anti douleur ne peut rien non plus j ai vu que vous avez trouvé une molécule BL7050 quand en France au Mans ou j habite une grand mère de 64 ans merci aux chercheurs de votre grand et beau pays