Propos antisémites lors d’un rassemblement de Civitas : «Pourquoi on ne peut lier religion et nationalité»

FIGAROVOX/TRIBUNE – Benoît Dumoulin, enseignant en histoire des idées politiques, répond aux déclarations antisémites tenues par l’essayiste Pierre Hillard lors de l’université d’été du mouvement Civitas. Ces propos sont historiquement faux et contraires à la tradition catholique, explique-t-il.

Benoît Dumoulin est directeur d’Ichtus et enseignant en histoire des idées politiques.

Des membres de Civitas en train de prier et de manifester contre la création d’un centre d’accueil pour les migrants à Saint-Brévin-les-Pins en février 2023.

Des membres de Civitas en train de prier et de manifester contre la création d’un centre d’accueil pour les migrants à Saint-Brévin-les-Pins en février 2023. SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

Le 7 août dernier, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, annonçait avoir engagé une procédure de dissolution à l’encontre de l’association Civitas, à la suite des propos tenus lors de son université d’été par l’essayiste Pierre Hillard. Celui-ci prétendait que «la naturalisation de Juifs en 1791 ouvre la porte à l’immigration» parce qu’«avant 1789, un Juif, un musulman, un bouddhiste ne pouvaient pas devenir français. Pourquoi ? Parce que c’étaient des hérétiques», poursuit-il, avant d’estimer qu’il «faudrait peut-être retrouver la situation d’avant 1789».

Un tel propos est d’abord un non-sens d’un point de vue historique car il revient à considérer la population juive comme étrangère à la France jusqu’en 1791, date du décret accordant la pleine citoyenneté aux Juifs de France. Or, sous l’Ancien Régime, le concept de nationalité n’existe pas encore; on y distingue les régnicoles, qui relèvent de la Couronne royale, des aubains, qui dépendent d’une souveraineté étrangère. Ainsi, les Juifs -plus de 40.000 en 1789- sont pleinement sujets du roi de France même s’ils font l’objet jusqu’en 1787 d’une réglementation spécifique limitant leurs droits civils.

Lier catholicisme et nationalité au point de considérer comme seuls Français les baptisés catholiques renvoie à une situation qui n’a jamais existé dans l’ancienne France. Car la « loi de catholicité » concerne, sous l’Ancien-Régime, l’État et non la société. Benoît Dumoulin

C’est sous l’impulsion de Malesherbes que le roi Louis XVI accorde, par l’édit de Versailles du 7 novembre 1787, le bénéfice de l’état civil à tous ses sujets non-catholiques, c’est-à-dire aux protestants et aux Juifs. Ces derniers, principalement implantés en Alsace et en Lorraine (communauté ashkénaze), à Bordeaux et à Bayonne (communauté séfarade) ainsi qu’en Avignon (au sein des États pontificaux) sont diversement intégrés à la population. À Bordeaux, les Séfarades sont bien insérés dans le tissu social et participent à l’élection des députés aux États généraux de 1789. En Alsace, les Juifs sont beaucoup plus nombreux et rencontrent parfois l’hostilité de la population locale. En Lorraine, le Parlement de Metz exclut explicitement les Juifs du bénéfice du nouvel édit de tolérance.

Toujours est-il qu’un processus d’émancipation est alors en marche en France comme en Autriche où l’empereur Joseph II accorde en 1781 la liberté de culte aux Juifs et aux protestants. S’agissant de ces derniers, il serait absurde de leur dénier la qualité de Français au prétexte qu’ils ne partagent pas la religion du monarque. Même après la révocation de l’édit de Nantes (1685) et avant l’édit de tolérance (1787), on trouve des maréchaux protestants servant le roi de France, comme Maurice de Saxe, vainqueur de la bataille de Fontenoy en 1745, pour qui Louis XV fera édifier par Pigalle un mausolée funéraire dans l’église protestante saint Thomas de Strasbourg.

Lier catholicisme et nationalité au point de considérer comme seuls Français les baptisés catholiques renvoie à une situation qui n’a jamais existé dans l’ancienne France. Car la «loi de catholicité» concerne, sous l’Ancien-Régime, l’État et non la société. Cette loi signifie que le roi de France doit être catholique pour présider aux destinées du pays, comme le précise l’édit d’Union pris par Henri III en 1588, qui explique l’abjuration d’Henri IV en 1593. Mais la monarchie française a pris conscience de la nécessité de dissocier État et société afin de réunir autour d’une même allégeance royale des sujets de confession différente. Certes, cette situation ne s’est pas édifiée sans heurts –que l’on songe aux guerres de religion au XVIe siècle ou aux dragonnades sous Louis XIV– mais elle fait de la France un État singulier dans le paysage européen de la fin du XVIIIe siècle, à mi-chemin entre États catholiques du sud et États protestants du nord.

Vouloir restreindre le bénéfice de la nationalité aux adeptes d’une religion, quelle qu’elle soit, serait s’engager vers la voie du totalitarisme qui ne met plus de distinction entre État et société et veut conformer la seconde aux vouloirs du premier. Benoît Dumoulin

D’un point de vue philosophique ensuite, vouloir restreindre le bénéfice de la nationalité aux adeptes d’une religion, quelle qu’elle soit, serait s’engager vers la voie du totalitarisme qui ne met plus de distinction entre État et société et veut conformer la seconde aux vouloirs du premier. On sait suffisamment ce qu’une telle entreprise a pu produire dans l’histoire en termes d’épuration ethnique et religieuse – que l’on songe récemment à l’État islamique – pour ne pas revendiquer aujourd’hui une telle prétention. De plus, insinuer que les juifs de France ne feraient pas pleinement partie de la communauté nationale et suggérer qu’ils pourraient être un jour déchus de leur nationalité constitue une authentique infamie envers nos compatriotes de confession israélite.

Enfin, du point de vue catholique, une telle proposition est inacceptable car elle viole le droit à la liberté religieuse reconnu par la constitution Dignitatis Humanae du concile Vatican II. Celui-ci précise que «la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres», les justes limites renvoyant au bien commun de la société et à la cohésion de celle-ci.

Cela ne signifie en rien un relativisme qui placerait toutes les religions sur un même pied d’égalité d’un point de vue philosophique, comme cela a souvent été affirmé à tort. «Le droit […] à la liberté religieuse, proclamé par la Déclaration Dignitatis humanæ du Concile Vatican II, rappelle le cardinal Ratzinger en 2002, se fonde sur la dignité ontologique de la personne humaine, et en aucun cas sur une égalité qui n’existe pas entre les religions et entre les systèmes culturels humains». Car la reconnaissance d’une liberté civile par le pouvoir politique ne signifie nullement l’abandon, pour toute personne, de l’exigence morale et spirituelle de rechercher la vérité au plan religieux. En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’une personne a le droit de pratiquer un culte que celui-ci est vrai sur le plan théologique.

Cette distinction est la marque du catholicisme qui articule de manière équilibrée recherche de la vérité et respect de la liberté des personnes. On ne peut, au niveau individuel comme au plan social, s’affranchir de l’une ou de l’autre sous peine de tomber dans le relativisme d’un côté ou dans le totalitarisme de l’autre.

JForum avec  Benoît Dumoulin www.lefigaro.fr

Des membres de Civitas en train de prier et de manifester contre la création d’un centre d’accueil pour les migrants à Saint-Brévin-les-Pins en février 2023. SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

 

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Asher Cohen

Article sans intérêt, parfaitement inutile, tout simplement parce qu’il se base sur la fausse prémisse que la France serait un pays valable pour les Juifs, qui s’y seraient installés de leur plein gré. En Réalité, l’antisémitisme a toujours sévi, depuis au moins un millénaire, dans ce pays, et les Juifs ont été piégés à s’y installer.

L’Histoire est claire. Durant les 3 siècles d’Ancien Régime, nos ancêtres n’ont jamais été intéressés par la France, qu’ils qualifiaient de pays de tsarfatim, petits, rétrécis, étroits d’esprit. Quelques juifs, fuyant l’Inquisition Espagnole, se sont réfugiés au Pays Basque, contre la fourniture de médecins et pharmaciens à l’environnement local. D’autres vivaient en Avignon, dans les possessions du pape, et refusaient, en 1790, d’être rattachés à la France. Les Juifs d’Alsace-Lorraine étaient persécutés depuis l’annexion de cette région par la France, après les traités de Westphalie. Enfin, le Décret Crémieux avait été imposé aux Juifs d’Algérie, et si contesté que le régime vichyste l’a abrogé, sans hésitation.

Si la France avait été un pays valable pour eux, pourquoi, durant des siècles d’Ancien Régime, les Juifs n’y sont-ils pas accourus pour y prospérer ? Pourquoi avant même l’arrivée des français en 1830, les grandes familles juives d’Alger sont parties se réfugier à Livourne ? Pourquoi au moment de l’Affaire Dreyfus, soit un siècle après l’Émancipation, il n’y avait pas 100.000 juifs en France ? Pourquoi en 1960, le socialiste Guy Mollet hurlait-il que les Juifs d’Algérie ne faisaient pas partie de la communauté française ?

D’ailleurs, nous n’avons pas à discuter de séparation entre religion et nationalité, tout simplement parce que le Judaïsme est purement national, ce que les catholiques merdeux et pédants ne savent pas voir.

En conclusion, plutôt que gaspiller leur temps et énergie à lutter contre l’antisémitisme, les Juifs de France feraient mieux de s’organiser pour partir, et lâcher ce pays de souffrance et de misère pour beaucoup.

Charles DALGER

Au risque de déplaire aux abrutis, le darmanain de jardin saute sur l’occasion, pour dissoudre une assoc catholique, au prétexte des propos idiots d’un orateur. C’est naturel de condamner ces propos et leur auteur, de façon équivalente aux condamnations des déclarations antijuives suivies d’effets, des déchets et de leurs complices de gauche. A notre connaissance Civitas n’a jamais rien détruit ni menacé. Quand on compare à bonté dont bénéficie les ramassis de déjections nazislamistes et autres casseurs, nervis de la vermine au pouvoir, comme les blackblocks et les antifas et récemment les « soulèvements de la terre », nous Juifs nous avons le devoir d’intervenir auprès du darmanain de jardin pour exiger qu’il arrête sa connerie.

Asher Cohen

@Charles DALGER
Non Monsieur, nous n’avons pas à intervenir auprès des Autorités Françaises, en quoi que ce soit, tout simplement parce que les Juifs n’ont pas à mendier pour le droit de vivre dans ce pays de catholiques viscéralement antisémites. Les Juifs qui en 1946, se trouvaient dans les camps de personnes déplacées avaient de bonnes raisons pour refuser catégoriquement de retourner vivre dans leurs pays de naissance, en Europe. Maintenant, il n’y a pas que la France antisémite pour vivre. Le Monde est immense. Il y a non seulement un état Juif, mais aussi bien des pays valables qui acceptent les Juifs, sans les persécuter.