Le 6 juin 2015, Charles Enderlin a publié un article sous le titre « Orange mécanique » (tiré du film d’anticipation de Stanley Kubrick de 1971 sur la violence gratuite de jeunes désoeuvrés qui ont pris le contrôle de la cité). Il y présente son analyse sur la volte face de la société Orange qui a, sous la pression du mouvement BDS, annoncé la rupture de son partenariat avec la société israélienne de télécommunication Partner, avant de se raviser, quelques jours plus tard, sous l’insistance (supposée) des acteurs juifs. Dans sa démonstration, le correspondant israélien de la chaîne de télévision France 2 évoque les dangers successifs auxquels l’Etat hébreu (a été ou) est confronté, à savoir les ennemis de l’extérieur, et maintenant la campagne (inoffensive) de BDS, en les minimisant, qu’il oppose à la réaction israélienne qu’il dit, disproportionnée. Israël se montre alors comme un Etat dominateur, colonial, paranoïaque, installé dans un rapport de force absurde.
L’article comprend quatre parties. La première, sans titre, traite de l’environnement géopolitique d’Israël et sa situation favorable suite à l’effondrement de pays voisins qui avaient, en 1948, juré sa perte. La Syrie est évoquée à travers la déconfiture de son armée qui a cessé d’exister pendant que les miliciens du Hezbollah (appelés « combattants aux cotés de ce qui reste des forces d’Assad ») ne parviennent pas empêcher la progression de Daesh. Pour sa part, l’Etat islamique n’est pas présenté comme une armée de jihadistes sanguinaires coupeurs de têtes mais simplement comme « une organisation d’opposition » (sic). S’agissant du front sud, Charles Enderlin indique qu’Israël et le Hamas (seraient) parvenus à un accord de fait (sic) puisque l’organisation islamiste est également en lutte contre les cellules de Daesh qui (dans un langage tout à fait édulcoré) « tirent de temps à autre des roquettes en direction d’Israël » (sic). Enfin, l’auteur laisse entendre qu’il n’y aurait plus de dangers extérieurs puisque une solution serait en passe d’être trouvée avec l’Iran : « l’affaire du nucléaire iranien paraît évoluer vers un accord entre les puissances et Téhéran » (ce qui n’est pas juste).
Changement de ton significatif dans la seconde partie, intitulée « la grande menace », qui traite de la manière (considérée comme anormalement exagérée) dont l’Etat juif vivrait les campagne de boycott des produits israéliens. Israël y est présenté comme un Etat qui instrumentalise ses acteurs économiques conformément à ses visées coloniales. L’affaire Orange arrive ainsi « à point nommé ». La compagnie de télécommunication israélienne Partner « qui opère sous le nom d’Orange » … « a le droit le plus absolu de soutenir son armée » (comme s’il s’agissait d’une faute coupable), « d’envoyer des équipes mobiles pour réparer gratuitement les portables des soldats …pendant la dernière guerre de Gaza» (comme si Israël avait agressé Gaza grâce à la complicité de la société de télécommunication). Le journaliste souligne alors une contradiction (récurrente chez les organisations pro palestiniennes) dans la mesure où Orange agit également dans les réseaux cellulaires de pays arabes.
C’est alors que Charles Enderlin reprend la thèse des ennemis d’Israël et la présence israélienne dans « les colonies considérées comme illégales par la communauté internationale » (entendons les barbares juifs sont également des colons qui usurpent les terres d’autrui). Il reprend alors les propos lancés en Egypte (le 4 juin 2015) par Stéphane Richard, PDG d’Orange International qui, « s’il le pouvait, se retirerait dès demain d’Israël » même si selon Richard, « Partner ne fait qu’utiliser le nom (d’Orange) mais n’a rien à voir avec le groupe et n’est pas contrôlé par nous».
Dans le troisième paragraphe dont le nom est « Richard s’excuse », le commentaire débute par « et ce fut la tempête ». Le journaliste condamne ce qu’il estime être des pressions exercées par Israël pour qu’Orange revienne sur sa décision de cesser son partenariat avec Partner : « Les dirigeants et les médias israéliens sont montés au créneau considérant qu’Orange cédait à la campagne de boycott dirigée par BDS» grâce à l’intervention de « la présidence du Conseil à Jérusalem », « des Affaires Etrangères », des « sites juifs francophones » qui ont diffusé le portrait de Richard « affublé d’une petite moustache à la Hitler ». C’est dans ces conditions que le PDG d’Orange se serait excusé auprès des journaux comme le Yediot Aharonot, ou le site Ynet pour lancer « j’aime Israël » ou demander un rendez vous à l’ambassadeur d’Israël avant de recevoir l’invitation de Benjamin Netannyahou « qu’il vienne en personne à Jérusalem ». La proposition a alors été accueillie favorablement par le PDG d’Orange, qui « s’y rendra prochainement pour réaffirmer l’engagement du groupe Orange » et affirmer qu’Orange est en Israël « pour y rester ». De même est rappelé que François Hollande et Laurent Fabius ont condamné le boycott : « S’il appartient au président du groupe Orange de définir la stratégie commerciale de son entreprise, la France est fermement opposée au boycott d’Israël ». Le journaliste conclut qu’il s’agit d’une victoire pour Israël qui a remporté le bras de fer.
Dans le dernier paragraphe qui porte le titre « BDS et la com de Netanyahou », le journaliste laisse entendre une disproportion entre le passage en force pour réorienter la position stratégique d’Orange alors que la campagne de BDS ne serait « au plan économique que symbolique ». Il indique que « les colonies ne contribuent que pour 3% à l’économie israélienne » et qu’il n’y a même pas de décision unanime sur le plan européen sur le principe du boycott : « Même l’Union Européenne ne parvient pas à se mettre d’accord sur l’étiquetage des produits issus des colonies israéliennes ».
Il minimise encore la portée du mouvement BDS dont les résultats sont mineures : « De temps à autre, BDS réussit à marquer un point. Une Église, un fond de pension, une association d’étudiants votent le désinvestissement dans une société israélienne liée à la colonisation d’une manière ou d’une autre ». Il met alors en parallèle le « message symbolique » de BDS avec les propos du premier ministre israélien qui apparaissent d’une brutalité exceptionnelle « Nous sommes au milieu d’une campagne internationale destinée à noircir notre pays. Cela n’a aucun lien avec nos actions. C’est lié à notre même existence. Ce que nous faisons ne compte pas, ce que nous symbolisons compte ! C’est un phénomène que nous avons rencontré dans l’histoire de notre peuple. Que disait-on du peuple juif ! Que nous empoisonnons les puits et buvons le sang des enfants. C’est ce que l’on dit de nous aujourd’hui ! ».
Pour Charles Enderlin, le message israélien se résumerait de la façon suivante « tout cela n’a rien à voir avec la colonisation, c’est de l’antisémitisme pur et simple ! » comme si Israël utilisait la campagne de boycott (qu’il juge) « inoffensive » afin de poursuivre sa politique victimaire. Il finit alors par tourner en dérision le message gouvernemental en posant la question de savoir si BDS est un allié objectif de la droite israélienne puisque le boycott « concerne les artistes israéliens de gauche et les universités où se trouvent la plupart des opposants à la « colonisation » » (sic).
Les mots sont une arme terrible pour celui qui sait les utiliser. Ils permettent de salir l’Etat juif et de cultiver sa soi disant usurpation de territoires par une « colonisation » imaginaire. Celui qui a participé à la diffusion de la mise en scène truquée de la mort du jeune palestinien Al Dura dans les bras de son père (mais qui a tout de même gagné son procès pour diffamation contre Kasenty sur un simple point technique de vice de forme) doit maintenant digérer l’Orange : c’était la couleur symbolique des opposants au désengagement d’Ariel Sharon qui en 2005, désirait vivre en paix avec les palestiniens sur la bande de Gaza.
![]() |
![]() |