GB: Pour Cameron, les Travaillistes ne discernent pas entre Israël et le Hamas

A deux jours des législatives, le candidat Conservateur veut rassurer la communauté juive britannique

Hazem Bader (AFP/Archives)Hazem Bader (AFP/Archives)« Des enfants palestiniens brandissent des armes en plastique et portent des foulards aux symboles du Hamas lors d’une manifestation à Hébron le 15 août 2014 »

Le Premier ministre conservateur David Cameron a exprimé son inquiétude quant à l’approche des Travaillistes concernant Israël et le Hamas, a deux jours de législatives britanniques annoncées comme les plus serrées en 41 ans.

En campagne dans le nord-ouest de Londres, le Premier ministre a déclaré au Jewish Chronicle (quotidien emblématique de la communauté juive britannique, NDLR) qu’il comprenait les craintes des Juifs relatives au terrorisme et aux attaques contre Israël.

« Je sais qu’en ce moment, la communauté juive se sent, et c’est compréhensible, particulièrement menacée en raison des événements épouvantables de Bruxelles, puis de Paris et je veux faire tout ce que je peux pour la rassurer », a déclaré M. Cameron avant d’ajouter que le vote de la communauté pouvait « faire la différence ».

Interrogé sur ce que deviendrait la relation entre Israël et la Grande-Bretagne dans le cas d’une victoire des Travaillistes éventuellement soutenus par le Parti national écossais, M. Cameron s’est dit préoccupé.

« Il semble y avoir (chez les Travaillistes, NDLR) une sorte d’équivalence entre le droit d’Israël de se défendre et les tirs de roquettes sans discernement du Hamas contre l’Etat hébreu. Ce qui est faux », a ajouté le Premier ministre.

 

Le Premier ministre conservateur David Cameron et son rival travailliste Ed Miliband ont sillonné mardi le Royaume-Uni dans une ultime tentative de rallier les électeurs indécis.

Selon une enquête d’opinion rendue publique par le tabloïd The Sun, les Conservateurs comme les Travaillistes obtiendraient 33% des voix, un score plus ou moins identique à ceux prédits dans les autres sondages réalisés depuis le début de l’année.

La faute, peut-être, à une campagne électorale guère enthousiasmante, ni M. Cameron ni M. Miliband (Travailliste) n’étant parvenus à générer un engouement significatif en leur faveur, dans un contexte général de défiance envers les politiques.

Sans majorité absolue au Parlement au lendemain du 7 mai, les chefs des deux principaux partis britanniques se retrouveraient devant l’obligation de nouer des alliances avec les petites formations politiques pour constituer un gouvernement.

 ADRIAN DENNIS (AFP)« Le leader travailliste britannique Ed Miliband en meeting à Kempston, près de Bedford, le 5 mai 2015 »

Pour tenter d’éviter un tel scénario, ou tout du moins apparaître en position de force au moment de négocier de tels accords, David Cameron et Ed Miliband multipliaient les déplacements destinés à convaincre les indécis, dont le poids est évalué à près de 20%.

« La Grande-Bretagne est confrontée à un choix évident jeudi : entre un gouvernement travailliste qui mettra les travailleurs en premier et un gouvernement conservateur qui œuvrera seulement pour les privilégiés », a martelé M. Miliband à Birmingham (centre de l’Angleterre).

Le dirigeant travailliste a une nouvelle fois mis en avant les « promesses non tenues » des conservateurs sur le NHS, le service public de santé si cher aux Britanniques, « en grave danger », selon lui.

De son côté, M. Cameron a réitéré la charge contre son rival travailliste: Ed Miliband « est très antibusiness (…) je crois que c’est une personne très dangereuse pour notre pays », a-t-il déclaré, tout en agitant de nouveau le risque d’une éventuelle alliance entre le Labour et les Écossais du SNP, parti indépendantiste de gauche en passe de remporter une cinquantaine de sièges.

« Je m’inquiète que l’option face à un gouvernement dirigé par les Conservateurs soit une recette pour l’incertitude, l’insécurité voire le chaos », a estimé le Premier ministre.

Dans la même veine, le ministre des Finances conservateur George Osborne a estimé qu’une victoire des Travaillistes annulerait en « cinq minutes » cinq années de réformes, alors que les Conservateurs ont axé leur campagne sur le redressement de l’économie britannique, acquis, affirme l’opposition, au prix d’un accroissement des inégalités.

La plupart des investisseurs relativisent toutefois l’ampleur du choc que représenterait le retour de la gauche, et font valoir que les conservateurs, avec leur promesse d’organiser un référendum sur une éventuelle sortie de l’Union européenne (UE), sont également porteurs d’incertitudes.

(i24news avec AFP)

Les élections britanniques et la question Juive

 

Le 7 mai, les Britanniques iront aux urnes pour élire leur parlement. De mémoire d’insulaire, on n’a vécu campagne plus confuse et incertaine. A moins d’une semaine du scrutin, les deux grands partis historiques, les Travaillistes et les Conservateurs, se trouvent coude à coude dans les sondages, avec deux seules certitudes : le vainqueur ne disposera pas de la majorité absolue requise pour gouverner seul ; et son partenaire éventuel lui sera une épine dans le pied.

En Israël, comme d’habitude, on se focalise sur la variante locale de la vieille question sur les éléphants et la question juive : qui, du travailliste Ed Miliband ou du conservateur David Cameron, est meilleur pour Israël ? Certes, le premier est juif, mais c’est un drôle de juif, de l’espèce gauchiste et plutôt pro-palestinienne, bref, pas très franc du collier. Ne s’est-il pas déclaré partisan de la reconnaissance par la Grande-Bretagne d’un Etat palestinien ? Mieux vaut donc Cameron, un ami indéfectible, lui.

Ce que l’on perçoit moins bien ici est que la question est dépourvue de toute pertinence. D’abord, quel que soit le locataire du 10 Downing street, la politique proche-orientale de la Grande-Bretagne ne changera guère, pas plus que l’élection de François Hollande n’a rien changé à la position de la France sous son prédécesseur. Avec des nuances sans importance, les fondamentaux de l’ensemble de l’Europe sont les mêmes : amitié de principe avec l’Etat juif, fondée sur l’histoire, des valeurs partagées et la prise en compte des sentiments de ses citoyens juifs ; opposition, là encore de principe, à l’occupation des Territoires palestiniens et une impatience croissante face à sa perpétuation ; accord, toujours de principe, avec la seule solution envisageable, à savoir la création d’un Etat palestinien aux côtés de l’Etat d’Israël. Ensuite, la Grande-Bretagne, obnubilée qu’elle est par ses problèmes internes et qui n’a cessé de couper dans son budget de la défense, n’a plus les moyens, ni, à ce qu’il paraît, la volonté de peser sur les affaires du monde, ici comme ailleurs. Enfin et surtout, les électeurs britanniques se moquent comme d’une guigne du Proche-Orient, qui ne comptera pas davantage dans leurs choix que la menace de la montée des eaux pour les Maldives.

Ce qui les intéresse ? Comme partout dans le monde démocratique sauf, semble-t-il, en Israël, les Britanniques se détermineront en fonctions de la santé, de l’économie et de l’emploi. Il est intéressant de noter que l’Europe n’arrive qu’en septième position dans l’ordre de leurs préoccupations. Les principaux concurrents en parlent d’ailleurs le moins possible, Cameron parce qu’il est coincé entre sa base, furieusement hostile à l’Europe, et ses bailleurs de fonds de la City dont les intérêts sont liés à l’Europe, Miliband parce que son parti est divisé sur la question. Pourtant, si ces élections sont importantes, c’est bien parce que s’y joue le sort de la Grande-Bretagne au sein de la famille européenne. S’il y a un parallèle à tracer entre la campagne électorale qui est en train de s’achever là-bas et celle que nous venons de subir ici, c’est bien l’occultation du principal enjeu : ici, le sort des Territoires palestiniens, là-bas, l’Europe.

Comme on sait, Cameron, pressé par la majorité eurosceptique de son parti et, de l’extérieur, par les populistes de l’United Kingdom Independence Party (UKIP), dont la sortie de l’Europe est le seul programme, a promis un référendum pour 2017 sur le maintien du pays dans l’Union. Lui-même s’y dit favorable, à condition que ses partenaires acceptent des réformes dont certaines, comme la limitation de la liberté de mouvement des citoyens européens, n’ont aucune chance d’être adoptées. Dans ces conditions, s’il gagne les élections, et surtout s’il est obligé de s’adjoindre l’UKIP pour atteindre la majorité au parlement, il faut commencer à s’habituer à l’idée d’une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Les conséquences d’un Brexit sont incalculables, aussi bien pour la Grande-Bretagne que pour l’Europe, et nous y reviendrons le temps venu. Mais comment faire, lorsqu’on joue avec le feu, il est inévitable qu’on finisse par se brûler les doigts.

Le sort de Miliband n’est guère plus enviable. Lui n’organisera pas de référendum sur l’Europe, du moins pas dans l’immédiat. Mais il aura besoin pour gouverner du Parti national écossais (SNP), plus à gauche que le Labour et nettement plus européen, qui menace d’oblitérer les Travaillistes en Ecosse. Drôle de partenaire, qui ne rêve que de défaire le pays qu’il est appelé à gouverner, et qui fait mine de souhaiter la victoire de son partenaire putatif alors qu’un succès des Conservateurs servirait tellement mieux ses desseins !

Les amis de la Grande-Bretagne suivront avec angoisse cette longue descente dans l’insignifiance d’une ci-devant puissance mondiale qui a, excusez du peu, inventé la démocratie parlementaire et sauvé la civilisation à son heure la plus sombre. En espérant que les Anglais sauront, une fois de plus, faire preuve du bon sens légendaire qui a jadis fait leur grandeur.

Elie Barnavi est historien et essayiste, professeur émérite d’histoire moderne à l’Université de Tel-Aviv, et ancien ambassadeur d’Israël en France.

 

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