Béhar-Bé’houqotaï: Les lois sociales indissociables d’Érets Israël

Dans notre parasha, tout une série de lois à l’aspect social est fournie, en rapport spécifique avec les mitsvot concernant la relation d’Israël à sa terre : la Shemita – l’année de repos de la terre en jachère, le jubilé – la cinquantième année shabatique, l’esclave hébreu et certaines lois qui ont pour but d’aider notre prochain à se relever de divers revers de fortune, de remédier à des inégalités survenues à cause de l’apprentissage du métier d’homme en but à sa société environnante en en évolution, aux aléas de l’activité agricole, commerciale et industrielle..

Le retour en Israël

Tout cet ensemble de prescriptions souligne le caractère inaliénable d’Érets Israël. La Torah a tenu à donner ces mitsvot de la vie quotidienne en Érets Israël, révélées au Sinaï dans tous leurs détails, en modèle au reste des commandements, dont seuls les principes généraux sont donnés explicitement dans la Torah écrite.

Il n’est pas fortuit de constater qu’à notre époque contemporaine, au retour d’Israël sur sa terre, l’effort de la conscience hébraïque, pour pallier à ces clivages sociaux, a produit le système social du kibboutz et de la collectivité villageoise du Moshav, avec le retour des Juifs à l’agriculture, dont le prophète Yé’hezqiel XXXVI, 8 dit que sa réussite adviendra aux temps de la délivrance : « Et vous, montagnes d’Israël, vous donnerez votre frondaison et vous porterez votre fruit pour mon peuple Israël, car ils sont près de revenir ». La réconciliation avec la terre a commencé lors de la fondation de Péta’h Tiqvah en 5638 et des premiers villages agricoles.

Ce retour au sol s’effectua dans une atmosphère lourde de dangers mais déjà se manifestait « le signe obvie de la fin de l’exil » annoncé par nos Sages du Talmud Sanhédrin 98a : le rassemblement des exilés au terme « des deux mille ans des jours du Mashia’h ». Rashi commente ainsi le verset du prophète Yé’hezqiel : « Quand la Terre d’Israël donnera ses fruits en abondance, la délivrance sera proche, et il n’est point de signe plus évident de la fin que ce fait ». Ce que mon marchand de primeurs, fruits et légumes, dans sa boutique regorgeant de toute l’abondance du pays, ne démentira certainement pas. Mais les Juifs ayant vécu en exil surtout dans des villes sont arrivés à la conclusion qu’il leur fallait aussi des villes et c’est pourquoi Ben Gourion, entre autres, a décidé la construction de Tel Aviv qui, de nos jours, est une grande ville qui ne s’arrête jamais. Et de proclamer Yéroushalayim comme capitale du nouvel État juif, ce qui est en soi, une grande sanctification du Nom du Seigneur.

Il n’est pas non plus fortuit de remarquer que la stratégie divine de l’Histoire travaille souterrainement les esprits les plus forts, jusqu’à ce qu’elle éclate au grand jour, et ce n’est pas avec une certaine surprise que nous recevons chaque jour la proclamation de tels pays d’installer leurs représentations noa’hides diplomatiques principales à Yéroushalayim. Les Noa’hides se disent que si Dieu, Roi de l’Univers, en a décidé ainsi, autant d’être ensemble aux premières loges…

En exil, en esclavage

Mais, direz-vous, chers lecteurs et lectrices de fine perspicacité, quel rapport avec l’esclave hébreu de la Bible ? Or, en exil, durant deux mille ans, l’esclave hébreu biblique n’était autre que le peuple d’Israël tout entier, dispersé à tous vents, soumis aux quatre coins du globe, sous la tutelle d’hégémonies étrangères, sans autodétermination politique, sans défense militaire, sans possibilité d’expression de sa vertu spécifique intrinsèque, sans liberté, ni celle d’expression, ni celle du culte, ni celle d’étudier et de pratiquer certaines professions, ni parfois celle de vaquer librement à travers le monde ! Nous étions esclaves d’autorités qui ne furent pas les nôtres dans des pays qui ne nous appartenaient pas, comme un corps mort, sans âme qui vive, privé de tête, un corps démembré, des poussières d’os desséchés, comme le décrit Rabi Yéhouda Halévi dans son Kuzari II, 10 à 24.

François-René de Chateaubriand publia, en 1811, le récit critique d’un “Voyage en Orient, Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris”, effectué de juillet 1806 à juillet 1807 : « Tandis que la nouvelle Jérusalem sort ainsi du désert, brillante de clarté, jetez les yeux entre la montagne de Sion et le Temple ; voyez cet autre petit peuple qui vit séparé du reste des habitants de la Cité. Objet particulier de tous les mépris, il baisse la tête sans se plaindre ; il souffre toutes les avanies sans demander justice ; il se laisse accabler de coups sans soupirer ; on lui demande sa tête : il la présente au cimeterre.

Si quelque membre de cette société proscrite vient à mourir, son compagnon ira, pendant la nuit, l’enterrer furtivement dans la vallée de Josaphat, à l’ombre du Temple de Salomon. Pénétrez dans la demeure de ce peuple, vous le trouverez dans une affreuse misère, faisant lire un livre mystérieux à des enfants qui, à leur tour, le feront lire à leurs enfants. Ce qu’il faisait il y a cinq mille ans, ce peuple le fait encore.

Il a assisté dix-sept fois à la ruine de Jérusalem, et rien ne peut le décourager ; rien ne peut l’empêcher de tourner ses regards vers Sion. Quand on voit les Juifs dispersés sur la terre, selon la parole de Dieu, on est surpris sans doute : mais pour être frappé d’un étonnement surnaturel, il faut les retrouver à Jérusalem ; il faut voir ces légitimes maîtres de la Judée esclaves et étrangers dans leur propre pays ; il faut les voir attendant, sous toutes les oppressions, un roi qui doit les délivrer.

Écrasés par la Croix qui les domine, et qui est plantée sur leur tête, cachés près du Temple dont il ne reste pas pierre sur pierre, ils demeurent dans leur déplorable aveuglement. Les Perses, les Grecs, les Romains ont disparu de la Terre ; et un petit peuple, dont l’origine précéda celle de ces grands peuples, existe encore sans mélange dans les décombres de sa patrie.

Si quelque chose, parmi les nations, porte le caractère du miracle, nous pensons que ce caractère est ici ».

Israël s’est ébroué de l’esclavage

Si Chateaubriand devait décrire la situation actuelle du peuple juif hier bafoué, il serait étonné surnaturellement ; le fameux « caractère du miracle » a mis la pression pour actionner le piston de la locomotive de l’Histoire : la situation, en deux cents ans, s’est renversée du tout au tout. Événement extraordinaire : nous nous sommes dégagés de l’oppression d’usurpateurs étrangers cruels et nous avons accédé à notre propre indépendance, chez nous, en Terre d’Israël. Les « esclaves et étrangers dans leur propre pays de Judée » en sont redevenus les maîtres, à la grâce de Dieu ! La main de Dieu dans toute Sa puissance intervient et organise la réparation des avanies de l’exil, mais sans prodiges visibles, de façon naturelle.

Nous étions comme un poids mort, un boulet aux pieds des peuples et maintenant, de retour à notre terre, nous sommes les précurseurs dans tous les domaines de la vie, nous volons de découvertes en triomphes, pour le bien de toutes les familles de la terre. Notre Armée de Défense d’Israël est appréciée pour son professionnalisme qui va de pair avec sa moralité et pour sa force de dissuasion, bien que des détails techniques doivent encore être mis au point. Notre agriculture fait refleurir les déserts à travers le monde, depuis les pays africains jusqu’en Californie. Nous sommes devenus les spécialistes en informatique, en électronique, en robotique, en balistique… Toutefois, il reste des séquelles de la situation d’exil : nous n’avons pas encore accédé à l’indépendance culturelle et spirituelle. Nous y travaillons mais ressentons encore l’emprise des hégémonies étrangères, de leurs intérêts qui vont souvent à l’encontre de ceux d’Israël, de leurs cultures. La réussite matérielle doit être la servante de la réussite spirituelle et aller humblement de concert avec elle.

Génération d’envergure collective

Rav Kook, Orot Israël III, 2, écrit qu’au cours des âges, les générations se sont affinées et la nôtre en est la clôture. Elle est la récapitulation de la grandeur de toutes les générations. Elle revêt quelque dimension particulière puisque l’objet unique de toutes les générations est le dévoilement de l’âme collective d’Israël. Et le sujet de notre génération n’est pas seulement la réussite des individus où qu’ils soient mais la réussite pleine et entière du collectif de notre génération, elle-même récapitulative de l’esprit qui soufflait en toutes les générations précédentes. La nation se rapproche de ce qu’elle se doit d’être ; elle seule, au niveau de sa collectivité, a la capacité de se libérer de l’aliénation.

Le Gaon de Vilna écrit dans Even Sheléma XI, 3 que la dernière génération est plus apte à comprendre les secrets cachés de l’intériorité de la Torah. La délivrance est une manifestation de la communauté d’Israël à son plus haut niveau : le dévoilement de l’âme d’Israël, des secrets de l’intériorité de la Torah.

Le Rav Kook analyse dans Orot HaQodesh II, 540, les moyens de communication qui ont rendu le monde plus apte à l’universalité. Le monde y a gagné, tout comme le peuple d’Israël, davantage de solidarité. Grâce à la globalisation, les peuples se sont rapprochés et manifestent un esprit plus prononcé de solidarité, comme par exemple dans les phénomènes du socialisme et du communisme, poussés par un sentiment d’unité et de responsabilité commune mutuelle internationale. Alors qu’ils sont aux prises avec toutes sortes de contradictions et de crises internes, ces derniers ont imprégné de leurs idées même les organisations, les entreprises et les multinationales capitalistes. Ainsi, les générations deviennent de plus en plus collectives et s’identifient de plus en plus à la collectivité d’Israël et son idéal universaliste.

Le Gaon de Vilna explique dans son commentaire du Zohar, Sifra deTsni’outa, in fine, que durant l’exil, le corps de l’ensemble d’Israël était dans un état de putréfaction, jusqu’à ce que s’éveille en nous un esprit d’En Haut qui nous dressera pour la résurrection de la fin de l’exil. L’ébranlement de la résurrection nationale et le réveil du peuple d’Israël sont la vocation de cette génération. La lumière de la Torah se diffusera largement et instillera la force de guérir de l’aliénation générale au déterminisme fataliste, à l’existentialisme matérialiste, pour atteindre, en direct, le beau, le bon et le bien génériques : Tov טוב

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