Aux racines de cet antisémitisme insoumis qui remonte de plus en plus à la surface

Il existe un antisémitisme de gauche dont les origines sont bien plus anciennes que la complaisance avec l’islamisme.

avec André Sénik

Atlantico : Une partie de la gauche française est accusée de faire preuve d’antisémitisme.

André Sénik: Seule la partie extrême de la gauche française fait preuve d’un antisémitisme objectif, en adoptant des positions politiques antisémites.

L’antisémitisme dont une partie de l’extrême fait preuve est un antisémitisme objectif.

Pourquoi « objectif » ?

Parce que je ne soupçonne pas les responsables politiques de l’extrême gauche française de détester les Juifs. À la base, chez les moins éduqués, je ne doute pas que le populisme s’abreuve au rejet des élites et donc des Juifs.

Chez les responsables, je crois au contraire qu’ils se pincent le nez et qu’ils se bouchent les oreilles quand ils côtoient dans une manifestation des gens qui crient, en arabe ou en français, « mort aux Juifs » ou « mort à Israël ».

Je dis qu’ils sont objectivement antijuifs par exemple quand ils ne dénoncent pas le caractère antisémite des crimes islamistes commis contre des Juifs.

Mais, enfermés qu’ils sont dans leur idéologie, ils ne se pensent pas antisémites et ils protesteront quand on les accusera de complicité avec les antisémites assumés.

Il existe aussi un antisémitisme de gauche dont les racines sont bien plus anciennes que la complaisance avec l’islamisme.

L’hostilité aux Juifs a toujours été présente chez les anticapitalistes de gauche. On trouve cette hostilité développée pour elle-même chez Marx, dans son article inaugural « Sur la question juive ».

Qu’est-ce que Marx voit chez les Juifs ? Qu’est-ce qui en fait des Juifs selon lui ?

Ce sont des gens de commerce et d’argent. Ils sont ainsi identifiés par Marx à la propriété privée et donc aux droits de l’homme, de l’homme en tant que personne privée.

Telles sont les deux sources de ce qu’il appelle « l’aliénation humaine ». Il en conclut que la judéité des Juifs est « l’aliénation humaine » dont la société devra s’émanciper pour devenir humaine.

L’hostilité de Marx prend donc conjointement pour cibles les Juifs et les droits de l’homme, c’est-à-dire la démocratie libérale.

D’où l’hostilité viscérale des marxistes envers Israël.

Tel est le fondement premier de l’antisémitisme congénital qui est présent dans l’ADN des révolutionnaires anticapitalistes de gauche.

Cet article de Marx (qui ne se reconnut lui-même jamais comme Juif) est si grossièrement et explicitement antijuif qu’il ne sera jamais publié en France par les éditions du parti communiste français.

Quelles sont les raisons objectives qui laissent penser que l’antisémitisme renaît à gauche ?

Je poserai la question sous la forme suivante : « en quoi l’extrême-gauche française fait-elle objectivement preuve d’un antisémitisme qu’elle n’assumera jamais ? »

Je réponds : en frayant ouvertement avec les pires antisémites notre temps et en justifiant les auteurs des monstrueux crimes antisémites qui rappellent aux Juifs les pogromes et la Shoah.

Comme le dit un dicton attribué à Goethe « Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. »

En 2022, Jean-Luc Mélenchon avait déclaré : « Monsieur Zemmour ne doit pas être antisémite parce qu’il reproduit (…) beaucoup de traditions liées au judaïsme. » Peut-on expliquer la déclaration de Mélenchon par le fait qu’il voit les juifs (ou la survie juive au fil des siècles sans prosélytisme) comme obstacle ou comme négation à son idée de créolisation ?

Effectivement, les Juifs se voient reprocher par leurs ennemis de s’être maintenus, et de se maintenir encore en tant que peuple, y compris dans la diaspora, même quand ils s’intègrent parfaitement dans les sociétés démocratiques, aux peuples qui les accueillent.

Marx a écrit que les prolétaires n’ont pas de patrie. On ne peut plus guère répéter cette énorme sottise.

Mélenchon, lui, prêche une créolisation qui exige que les peuples cessent de persévérer dans leur être, dans leur culture, y compris au travers des échanges et des incorporations.

Il confond l’universalisme des droits de l’homme et l’homogénéisation des cultures et des identités.

Le particularisme des Juifs était d’ailleurs l’accusation globale de Marx à leur encontre. Mais Marx ne reprochait aux Juifs que leur particularisme marchand. Un particularisme fondé sur la propriété privée. Ce n’était pas leur particularisme ethnique qui les empêchait, selon Marx de se comporter en « hommes » au sens universaliste du terme.

Mélenchon aggrave donc l’antisémitisme de Marx en ethnicisant sa critique des Juifs.

En France, comment s’est historiquement traduit cet antisémitisme de gauche ?

Depuis la Shoah, il est devenu indéfendable et a donc été refoulé.

C’est effectivement l’islamo-gauchisme qui l’a désinhibé, sous l’habillage de l’anti-sionisme.

Quel héritage cela a-t-il laissé sur la gauche d’aujourd’hui ?

Je crois que « la gauche » française, et même l’extrême gauche, ne s’avouera jamais anti-juive. Elle se contentera de reprocher aux Juifs de France leur attachement à l’existence de l’État d’Israël en tant qu’État juif.

Malgré un très vif désamour, on trouve encore des Juifs dans la gauche politique en France.

Il leur arrive heureusement de se désolidariser de Mélenchon.

JForum.fr avec atlantico.fr

Des statues de Karl Marx regroupées pour une exposition. Thomas Frey/ AFP

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