Après une période d’austérité et de recueillement, voilà Souccot qui arrive avec la convivialité et les réjouissances qui lui sont associées.
Il est pour certains plus aisé de célébrer le lien avec notre Créateur dans la joie et la sérénité plutôt que dans la gravité solennelle des fêtes précédentes, comme si l’allégresse de la fête des Cabanes rendait plus vif notre sentiment d’appartenance à notre peuple et nous aidait à réaliser pleinement notre chance de posséder ce que nous avons, aussi bien spirituellement que matériellement.
Paradoxalement, c’est lorsque nous nous rendons compte des bénédictions accordées par D., que la Torah nous enjoint de construire un abri temporaire hors de nos maisons en béton…
La Soucca a la capacité de nous extraire de notre confort sédentaire afin d’expérimenter à nouveau cette sensation de précarité qui conduit à nous remettre entièrement dans les mains de la providence divine.
La fragile Soucca, qui se construit et se défait en permanence, est ainsi le lieu choisi pour symboliser la confiance totale que nous accordons à D., et pour établir aussi celle entre les hommes, réunis dans la promiscuité, et accueillant des Invités de marque, à commencer par Abraham incarnant justement l’amour du prochain et l’hospitalité.
Par ailleurs, Souccot est le temps où nous agitons le Loulav dans toutes les directions comme pour souligner la vocation universelle d’Israël, agréant les sacrifices des soixante-dix Nations à l’époque du Temple.
Le judaïsme offre en effet au monde une morale et une éthique qui sont des trésors pour toute la Création, tous les peuples.
En même temps, nous ne renonçons pas à notre particularité. Notre spécificité, celle de notre foi, de notre identité, de nos lois, est également proclamée grâce au rituel strict accompli durant cette célébration.
J’aime à penser que les quatre espèces du Loulav sont toutes en nous, et que nous exprimons l’une d’entre elles plutôt qu’une autre selon les phases de notre existence.
Traditionnellement, les quatre espèces désignent une hiérarchie entre les juifs, du plus pieux et sage, représenté par l’Etrog, au plus démuni et modeste, symbolisé par les feuilles de Saule.
Néanmoins, il existe d’autres interprétations, comme celle qui implique que nous sommes associés davantage, selon notre évolution et notre vécu, à une espèce par rapport à une autre, et cela peut bouger en fonction de nos efforts et de notre investissement spirituel.
Il est possible de se bonifier tout au long de notre vie en fonction de nos rencontres plus ou moins bénéfiques, de notre étude plus ou moins poussée, de nos prières sincères ou moins, et de nos actes bienfaisants ou non.
Nous sommes alors encouragés à devenir ce que nous sommes au meilleur de nous-mêmes.
La Soucca génère une énergie spirituelle si intense que les âmes des Sept Bergers d’Israël quittent le Jardin d’Eden pour profiter de la lumière divine de Souccot.
Et maintenant c’est presque Souccot. Le festival où nous nous asseyons sous des toits fragiles, exposés aux éléments, – davka prie pour que les premières pluies tombent – regardant les étoiles à travers les frondes de palmier et pensant que nous comprenons d’une certaine façon ce que signifie vivre dans l’incertitude.
Nous construisons ces souccas comme si l’acte lui-même – poser des branches, laisser des branches pour le ciel – pouvait nous rappeler que tout est temporaire, que la vie est précieuse et délicate. On se dit qu’on a compris. Que nous savons que rien n’est permanent.
Mais l’année dernière, comme Souccot a commencé, je n’ai pas tout compris. Pas vraiment.
Mes garçons et moi nous sommes assis avec des amis à Nachlaot, riant en mangeant des sushis sous les frondes. Nous avons secoué le Lulav et Etrog – Est, Sud, Ouest et Nord… haut et bas – Nous avons penché dans la joie du moment, savourant la simplicité (et le roulé de thon épicé et le whisky), nous nous sentons liés les uns aux autres et le monde qui nous entoure. Nous ne savions pas que, en seulement deux jours, ce monde entier serait brisé.
Le 7 octobre est arrivé. L’invasion, la terreur, la guerre. Otages traînés dans les tunnels, maisons réduites en cendres, familles déchirées. Notre sens de sécurité, de normalité, de permanence – tout a disparu en un seul moment dévastateur. Et maintenant, un an plus tard, nous sommes de nouveau là. Et j’entends le bruit des outils électriques et des marteaux remplir l’air.
Nous sommes toujours en train de construire.
Cette fois-ci, nous savons. Nous ressentons la fragilité dans chaque respiration, chaque pas que nous faisons. La vie est temporaire. Le sol sous nous est tremblant, pas solide. Nous construisons à nouveau nos soukkahs, mais maintenant nous comprenons la vérité – que rien n’est garanti, que tout ce que nous aimons est plus fragile que nous ne l’avons jamais réalisé
Et pourtant, on construit.
Nous construisons et nous construisons
Nous nous assoirons sous les frondes de palmiers bruissières, en regardant à travers les espaces, sachant que les étoiles sont là même si nous ne pouvons pas toujours les voir. Nous construisons parce que c’est ce que nous sommes. Même maintenant, avec des otages détenus dans des tunnels terroristes, avec des familles déplacées du nord et du sud, avec le cœur lourd de pertes, nous continuons. Nous continuons d’avancer, non pas par déni, mais par défi. Par espoir.
Soukkot nous rappelle non seulement la fragilité mais aussi la résilience. Nous construisons ces structures minces année après année, non pas parce que nous sommes naïfs, mais parce que nous croyons en quelque chose de plus grand. Nous croyons au pouvoir de continuer, même lorsque le poids du monde nous appuie. Nous traversons l’année juive en spirales, en revenant toujours aux mêmes moments, mais jamais les mêmes qu’avant. Chaque fois, nous portons plus de chagrin, mais aussi plus de compréhension. Nous portons le souvenir de la perte, mais aussi l’espoir qui l’accompagne.
![]() Nous regardons à travers les espaces vers le ciel, à la recherche de la lumière. Parce que même quand la nuit est sombre, même quand l’incertitude semble insupportable, nous continuons à construire.
Nous continuons à chercher. Nous continuons à avancer sur cette spirale cosmique. Lune après lune. Année après année. Nous étions, nous sommes, et nous serons… ici.
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Ainsi, espérons pour chacune et chacun l’épanouissement nécessaire afin de se réaliser pleinement, pour aboutir sur la voie que D. a choisi pour nous, celle que nous recherchons tous et qui nous convient le mieux.
Hag Souccot sameah!
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