Amsterdam: « Dites à vos enfants qu’il n’y a pas d’avenir ici »

Après le pogrom, un rabbin néerlandais appelle les juifs à faire leur alyah

« Dites à vos enfants qu’il n’y a pas d’avenir ici », déclare le rabbin Meir Villegas Henriquez à ses coreligionnaires après une attaque de masse contre des Israéliens à Amsterdam.

CANAAN LIDOR

Un rabbin orthodoxe des Pays-Bas a appelé les Juifs du pays à immigrer en Israël à la suite d’agressions antisémites de masse à Amsterdam, accusant les autorités néerlandaises de ne pas s’attaquer aux causes profondes de l’incident.

Deux rabbins de la grande communauté progressiste du pays ont exprimé leur désaccord avec les propos du rabbin Meir Villegas Henriquez, rabbin orthodoxe et mohel du beit midrash (centre d’études juives) Ohel Abraham de Rotterdam.

Ce débat reflète un sentiment croissant d’insécurité aux Pays-Bas, dont la société est profondément divisée sur la question de l’immigration et dont la communauté juive est traumatisée par sa quasi-annihilation lors de l’Holocauste.

Dans un message vidéo enregistré dans sa synagogue lundi, Villegas Henriquez a déclaré : « Nous vivons dans une nouvelle réalité démographique qui ne peut tout simplement pas être changée, pas avec la classe politique actuelle. »

Jeudi, à Amsterdam, au moins 100 hommes arabes ont agressé des dizaines de supporters de football israéliens dans une série d’attaques que beaucoup aux Pays-Bas et ailleurs ont qualifiées de pogrom. Lors de ces attaques planifiées à l’avance, des bandes d’hommes ont poursuivi et battu des personnes qu’ils soupçonnaient d’être israéliennes.

« Préparez-vous à faire votre alyah », a poursuivi Villegas Henriquez, en utilisant le mot hébreu pour désigner l’immigration en Israël. « Parlez à vos enfants ou à vos petits-enfants et expliquez-leur qu’il n’y a vraiment pas d’avenir ici. Aidez-les à étudier l’hébreu. Investissez dans l’immobilier, les boutiques en ligne, les emplois à distance – toutes les étapes nécessaires pour rendre possible le déménagement en Israël. »

Les supporters israéliens de football reviennent d’AmsterdamLes fans du Maccabi Tel Aviv arrivent à l’aéroport international Ben Gourion après un vol d’urgence d’El Al en provenance d’Amsterdam le 8 novembre 2024. Photo de Jonathan Shaul/Flash90.

Les circonstances actuelles sont propices à l’aliyah, a-t-il déclaré, « alors utilisons-les ».

Il a imputé les « années de tolérance au djihadisme » des autorités néerlandaises aux attaques de jeudi, au cours desquelles quelque 25 Israéliens ont été blessés, dont cinq modérément.

Certaines victimes ont été humiliées et contraintes de dire « Palestine libre » avant d’être battues. Certains auteurs ont contrôlé les passeports des personnes qu’ils arrêtaient dans la rue pour voir s’ils étaient israéliens. Sur les groupes de messagerie instantanée, les auteurs ont utilisé le terme « chasse aux Juifs », a confirmé la maire d’Amsterdam Femke Halsema lors d’un débat au conseil municipal mardi. Une victime a sauté dans un canal pour échapper à ses agresseurs.

Les attentats ont eu lieu à la veille de l’anniversaire des pogroms de la Nuit de Cristal de 1938. Les nazis et leurs collaborateurs ont assassiné au moins 75 % des juifs néerlandais au cours de l’Holocauste, soit le taux de mortalité le plus élevé de tous les pays d’Europe occidentale occupée. Les Pays-Bas comptent environ 40 000 juifs, contre 140 000 avant l’Holocauste.

La police a arrêté 62 personnes avant et après les agressions, qui ont duré une heure et demie, selon la maire d’Amsterdam Halsema, mais pas pendant. Dix des personnes arrêtées étaient israéliennes, a précisé la municipalité. Seulement quatre sont toujours en détention, tous originaires des Pays-Bas. La police envisage de recommander que 11 personnes soient poursuivies.

Chaim Benistant, un Juif néerlandais de 37 ans originaire de la région d’Amsterdam, entrepreneur et réserviste de l’armée de l’air néerlandaise, a déclaré qu’il avait perdu confiance en Halsema et son administration après les troubles qui ont duré une semaine à l’Université d’Amsterdam en mai, qui ont également été marqués par des violences antisémites. Sa décision d’autoriser des manifestations anti-israéliennes devant un musée de l’Holocauste en mars a également érodé sa confiance. Elle et son administration devraient « démissionner en signe de leadership », a-t-il déclaré.

Des manifestants anti-israéliens manifestent sur la place du Dam à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 2 mai 2021. Photo de Canaan Lidor.

Plus de 17 000 personnes ont signé une pétition en ligne demandant la démission de Halsema suite aux agressions.

Dans les mosquées et les communautés musulmanes, a déclaré Benistant à JNS, « il n’y a eu, à ma connaissance, aucune condamnation » des événements du 7 novembre. Certains membres de ces communautés « cherchent des moyens de se présenter comme des victimes, afin de ne pas avoir à se distancer de la violence non seulement contre les hooligans, mais aussi contre les supporters pacifiques et les juifs en général », a-t-il déclaré. Il a condamné tout discours de haine ou de violence de la part des supporters de football israéliens, soulignant que toutes les grandes équipes de football ont une frange de hooligans.

Le roi Willem-Alexander et le Premier ministre Dick Schoof ont tous deux déclaré qu’ils avaient « honte » des événements. Mais cette semaine, le discours sur l’événement a commencé à changer dans la société néerlandaise, après la diffusion d’images montrant des supporters du Maccabi criant « Laissez l’armée israélienne gagner, f*** les Arabes » et volant un drapeau palestinien.

Selon certaines informations, des supporters israéliens de football auraient endommagé un taxi, mais plusieurs policiers ont déclaré au quotidien De Telegraaf que les circonstances entourant ces informations n’étaient pas claires. Un groupe de chauffeurs de taxi s’est rendu jeudi soir au Holland Casino pour affronter des Israéliens, a déclaré le chef de la police d’Amsterdam, Peter Holla.

Mardi, un débat au conseil municipal d’Amsterdam, présenté comme un débat sur « l’ordre public depuis le 6 novembre », a servi de plate-forme à de nombreuses accusations de génocide contre Israël de la part de plusieurs membres du conseil. Certains d’entre eux ont également accusé les supporters israéliens, présents à Amsterdam le 7 novembre pour un match contre l’équipe locale de l’Ajax, d’avoir fomenté les violences.

Les rabbins néerlandais ont rarement appelé à une aliyah massive.

Le grand rabbin néerlandais Binyomin Jacobs a déclaré depuis longtemps qu’il quitterait les Pays-Bas s’il n’avait pas rempli ses devoirs envers sa communauté. Il conseille à certains couples de partir, en fonction de leur situation personnelle. Seuls deux des sept enfants de Jacobs vivent aux Pays-Bas, a-t-il déclaré à un journaliste l’année dernière. « Pourquoi voudrais-je qu’ils vivent dans un pays où l’antisémitisme prospère ? », a-t-il ajouté.

Le grand rabbin des Pays-Bas Binyomin Jacobs (au centre) lors de la conférence annuelle de l’Association juive européenne à Porto, au Portugal, le 15 mai 2023. Photo de David Isaac.

Deux rabbins ont déclaré mardi à JNS qu’ils ne partageaient pas l’analyse de Villegas Henriquez.

Marianne van Praag, rabbin réformiste de La Haye, a qualifié cette situation de « réaction de panique ». Hatikvah, l’hymne national israélien, signifie « espoir », a-t-elle souligné. « L’espoir est facile quand les choses vont bien. Il est difficile quand les choses vont mal, et c’est pourquoi nous avons besoin d’espoir maintenant. »

Menno ten Brink, de la communauté juive libérale d’Amsterdam, a déclaré : « Oui, il y a une certaine peur en ce moment. Mais fuir ne résoudra rien. Les Juifs vivent ici depuis des siècles, ils y vivent et ils continueront à y vivre. »

Lundi, un tramway a été incendié à Amsterdam par des manifestants qui criaient « Juifs cancéreux », ont montré des vidéos. Dimanche, des centaines de manifestants anti-israéliens ont ignoré l’interdiction municipale, décrétée à la suite des agressions, de manifester sur la place du Dam.

Geert Wilders, chef du Parti pour la liberté, le plus grand parti du pays et membre de la coalition au pouvoir, a qualifié les incidents de jeudi de « pogrom », tout comme le président israélien Isaac Herzog. Après l’incendie du tramway, Wilders a tweeté : « D’abord la chasse aux juifs, maintenant l’intifada. » Il a exigé que tous les auteurs soient expulsés.

Les nombreux commentaires de Wilders sur le pogrom, qui, selon lui, a été perpétré par des Arabes et des musulmans en s’appuyant sur les témoignages de nombreuses victimes et témoins, ont présenté ce pogrom et les troubles qu’il a produits comme de nouveaux exemples de l’échec des musulmans à s’intégrer dans la société néerlandaise et à respecter ses normes, ainsi que de leur antisémitisme.

Nilab Ahmadi, membre du conseil municipal du parti d’extrême gauche De Vonk, était l’un des cinq membres du conseil municipal au moins qui se sont plaints d’« islamophobie » lors du débat du conseil municipal de mardi.

« Ils soutiennent le génocide à Gaza. Et presque tous ont joué un rôle actif dans l’armée », a-t-elle dit à propos des supporters de football israéliens. « Ils ont maltraité et intimidé les habitants d’Amsterdam, ont jeté des verres à la tête des gens et tout cela sous la protection de la police d’Amsterdam », a-t-elle ajouté.

Université d’Amsterdam Des émeutiers anti-israéliens se rapprochent d’un homme juif à l’Université d’Amsterdam le 6 mai 2024. Crédit : avec l’aimable autorisation.

« La propagande israélienne sur ces événements a donné une version unilatérale de l’histoire », a-t-elle ajouté. « Les habitants arabes, palestiniens et musulmans d’Amsterdam ont notamment constaté une montée explosive de la haine envers les musulmans partout dans le monde, avec l’insécurité et les menaces que cela implique », a-t-elle ajouté.

Plusieurs députés de partis centristes et de droite ont contesté certaines de ces affirmations, même si aucun n’a soutenu que la guerre d’Israël contre le Hamas à Gaza ne constituait pas un génocide.

La maire Femke Halsema a déclaré qu’elle « porte la responsabilité finale » mais a défendu ses actes et n’a pas mentionné de manquements dans son travail ou dans celui de la police. Tout manquement, a-t-elle dit, serait identifié par une enquête indépendante déjà en cours.

Elle a comparé les coups infligés aux supporters de football israéliens avec les transgressions qui leur sont attribuées.

« Les supporters israéliens, invités dans notre ville, ont été fouillés, poursuivis et attaqués, accompagnés d’appels antisémites sur les réseaux sociaux et dans les rues. Il y a aussi eu des habitants d’Amsterdam qui ont été attaqués par des hooligans du Maccabi. Des hooligans ont tenu des propos racistes et haineux dans notre ville, contre des habitants », a déclaré Halsema, ancien dirigeant du parti de gauche pro-immigration D66.

Dans son message, Villegas Henriquez a critiqué Halsema et a imputé à sa politique la responsabilité du pogrom.

« Les djihadistes ont eu carte blanche pendant plus d’un an pour crier qu’Israël devait être anéanti, que les Juifs devaient revenir en Europe », a-t-il déclaré. « Les Israéliens sont donc venus en Europe et nous avons assisté à la fête de bienvenue à Amsterdam. Bravo, camarade Halsema, j’espère que tu prendras une bonne tasse de thé avec le salafiste Aboutaleb. Comme c’est beau, ton intifada. »

Femke HalsemaLa maire d’Amsterdam, Femke Halsema, s’exprime lors d’une conférence de presse sur la violence antisémite dans sa ville le 8 novembre 2024. Photo avec l’aimable autorisation de la municipalité d’Amsterdam.

Ahmed Aboutaleb est le maire de Rotterdam. En 2017, il a ignoré les appels à interdire un rassemblement présenté par Israël comme une réunion paneuropéenne de partisans et de représentants du Hamas.

Villegas Henriquez a rappelé les célébrations spontanées qui ont eu lieu à Rotterdam le 7 octobre 2023, lorsque des terroristes du Hamas ont assassiné quelque 1 200 personnes en Israël et en ont enlevé 251 autres, plongeant Israël et le Moyen-Orient dans une guerre régionale en cours. Il a demandé à un policier qui l’avait prévenu pourquoi les célébrations avaient été autorisées à se poursuivre, ce à quoi le policier a répondu qu’il n’y avait aucune volonté politique de les arrêter.

« Le djihadisme a alors obtenu carte blanche et cela continue », a déclaré Villegas Henriquez lundi.

Certains hommes politiques, dont Wilders et Ulysse Ellian du Parti populaire pour la liberté, souhaitent sincèrement « redresser la situation s’ils en ont les moyens… cela n’arrivera pas. Nous sommes dans une nouvelle réalité démographique », a-t-il déclaré.

« L’avenir d’Israël semble fantastique », a-t-il poursuivi, soulignant que son PIB par habitant était supérieur à celui de l’Allemagne et qu’Israël était « le seul pays occidental avec un taux de natalité positif, et donc n’ayant pas besoin d’importer de nouvelles populations ». Il a terminé son message par ces mots : « Il est temps de rentrer à la maison », ajoutant le mot en hébreu : « Habaita ».

JForum.fr avec jns

Le rabbin Meir Villegas Henriquez dans sa synagogue de Rotterdam, aux Pays-Bas, le 12 novembre 2024. Photo avec l’aimable autorisation de Villegas Henriquez.