Un livre de son épouse vient de sortir en Israël et remet en perspective l’immense écrivain qu’il fut, avec ses blessures originelles et ses contradictions.


A l’ère de « Me Too » et de la confusion des genres qui caractérise notre époque, il n’est pas rare que les écrivains fassent parler d’eux après leur mort – et pas toujours à leur avantage. C’est ce qui est arrivé à l’écrivain israélien Amos Oz, décédé en 2019. Sa fille Galia a publié il y a un an un livre qui s’apparentait à un règlement de comptes, intitulé Quelque chose déguisé en amour. Son fils et sa fille aînée ont tenté depuis de restaurer l’image de leur père.

Un aspect mal connu du grand public

C’est aujourd’hui au tour de Nili Oz de publier en Israël son témoignage, au sujet de l’homme dont elle a partagé la vie pendant plus de soixante ans. Intitulé « Mon Amos », ce petit livre dévoile un visage de l’écrivain mal connu du grand public, intime et émouvant. On y découvre un jeune homme à la fois sensible et sûr de lui, qui a connu le succès dès son premier livre et qui a apostrophé publiquement tous les dirigeants israéliens, depuis David Ben Gourion jusqu’à Benyamin Netanyahou.
Oz – né Klausner – est issu d’une famille bien connue de l’aristocratie sioniste de droite (son oncle était l’historien renommé Yossef Klausner). Très tôt, il a cependant abandonné l’ethos sioniste de la droite israélienne pour devenir le chantre de « La Paix maintenant ». Cette métamorphose a sans doute des causes multiples, que Nili Oz ne détaille pas. Mais la raison principale est le conflit avec son père, intimement lié au décès tragique de sa mère Fania, qui a mis fin à ses jours quand Amos était âgé de douze ans.

Un manque initial

Cet événement traumatique a pour ainsi dire déterminé toute sa vie, car il ne s’est jamais remis de la perte de sa mère, comme le montre bien le livre. C’est sans doute la privation d’amour maternel qui l’a conduit à rechercher plus ou moins activement les honneurs et l’attention du public, en Israël comme à l’étranger. Paradoxalement, le succès et la publicité dont son œuvre a été gratifiée, dès le début de sa carrière littéraire, n’ont jamais pu combler ce manque initial.

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Amos Oz est resté toute sa vie l’adolescent orphelin en quête de l’affection d’une mère disparue. Ce manque s’accompagnait d’un reproche non exprimé envers la mère absente. La description faite par Oz lui-même dans Une histoire d’amour et de ténèbres, sans doute son plus beau livre, est ainsi corroborée par le récit de la femme qui l’a aimé et accompagné toute sa vie adulte. Mais ce n’est qu’un aspect du livre, qui raconte aussi la vie au kibboutz et les relations entre l’écrivain et la femme de sa vie. Le portrait dressé par Nili Oz est plein de retenue et d’humour.

À quand la traduction en français ?

Ce livre, qui mériterait d’être traduit en français, permet de mesurer l’écart entre l’homme privé et la figure publique, bien connue à travers ses interventions dans les médias internationaux, du Monde au New York Times. Une anecdote illustre la distance qui séparait l’écrivain et l’homme public de l’homme privé. Pendant la première guerre du Liban, dont Israël marque ces jours-ci le quarantième anniversaire, Menahem Begin justifia l’opération « Paix en Galilée » en invoquant la Shoah. En réaction, Amos publia un article intitulé, « M. Begin, Hitler est mort ! », signifiant par-là que le souvenir de la Shoah ne devait pas être utilisé à des fins politiques.
En apparence, tout séparait l’écrivain « Sabra » du kibboutz Houlda du Premier ministre d’origine lituanienne, dont les opposants moquaient le style « exilique ». Mais en vérité, la Shoah était bien présente dans la vie privée d’Amos Oz, car la famille de sa mère avait été exterminée, et le deuil de ses parents n’était pas étranger à sa fin tragique. Ainsi, c’est bien la destruction des Juifs d’Europe qui avait en large partie déterminé la vie privée de l’écrivain. Son jardin secret était hanté par le souvenir de cette mère rescapée de l’horreur et trop tôt disparue.

Nili Oz, My Amos, Keter 2022..

 

 

 

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